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Chronique   littéraire, Confidences  du  chauffeur  du  Ministre : «Lettre  des  Ambianceurs   à  S. M.  Le Roi »

Par admin
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… Chauffeur et proche de notre  Ministre d’Etat des Questions Statistiques et Tactiques, j’ai pu acquérir   à temps  le   programme    officiel   de  la  visite en RD. Congo du Roi des Belges. Et   je   l’ai   affiché   à   pleine vue sur le haut   du comptoir de notre   nganda-bar de notre quartier d’en- bas, à  côté de la panoplie des bières du monde entier.  Aussitôt, vive palabre le soir même entre les ambianceurs  familiers     du   nganda-bar !   Comme d’habitude, le gérant de notre nganda-bar  a piloté les débats, et cette fois-ci,   sur trois points de la discorde. Tout d’abord, écrire au Roi, mais en quels termes rituels et protocolaires  s’adresser   au Mfumu-Nkumu-Mwami-Mukalenge-Noko ? Ensuite, comment convaincre ce Mfumu-Nkumu-Mwami-Mukalenge-Noko de faire le détour par notre quartier d’en-bas       pour se rendre compte des réalités et des vérités de terrain. Enfin : si   oui, quel     est le contenu de l’accueil royal au   nganda-bar ?

Donc, primo (comme dirait savamment notre Ministre…) : le  gérant, héritier loyal des époques royales au Congo-belge, n’avait de souvenir de souverain  belge que le … Roi Baudoin. Pour  lui  et  pour ses contemporains, un roi belge ne peut   qu’être   le…Roi-Baudoin, le « bwna-kitoko ».   Et à chaque fois que notre gérant   trébuchait    sur le vrai prénom   du vrai roi actuel, je le rappelais à l’ordre : « Il s’agit du Roi Philippe ! ». Et lui   de répliquer à sa manière : « Ah !  le Roi-Baudoin … Philippe ! ».

Mais la vraie question, délicate, était ailleurs. D’accord pour solliciter par écrit, une audience auprès du Roi-Baudoin-Philippe… pardon, du Roi Philippe, mais selon quelle adresse  protocolaire : « Cher Mfumu » ? « Cher Nkumu » ? « Cher Mwami » ? « Cher Mukalenge » ? Ou simplement, en   imitation    de nos propres  « us  et coutumes »  (selon le jargon de notre  Ministre), à savoir    « Son Excellence Monsieur le Roi » ?  Ou encore  (souvenir de la  tapageuse    époque du parti-Etat ), à savoir : « Citoyen Guide Royal Suprême » ?    J’ai arrêté net  cette    palabre oiseuse, en  exhibant    le programme   officiel   de  la visite royale ; il y est question   de   « Sa Majesté le Roi… ». Point.

Secundo et Tertio (selon le jargon savant de notre Ministre…) : invitation des ambianceurs au Roi pour visiter notre quartier d’en-bas, avec une escale touristique  et  culturelle au cœur de ce quartier, notre nganda-bar. De nouveau palabre sur palabre, avec comme question : Sa Majesté daignera-t-elle venir, et venir sans sa distinguée-Première-Dame ? Car, entre parenthèses, les « us et coutumes »   (comme dirait notre Ministre) n’admettent que rarement la présence  au  nganda-bar (espace païen et déjanté)   des      épouses non-concubinées… Mais, après   débats et délibérations, les ambianceurs ont accordé l’exception à la Reine. La Première Dame belge  sera donc admise en  première place protocolaire. Quitte à sélectionner pour le couple royal un répertoire Rumba à la cadence …royale modérée,   entre  slow, salsa et   boléro… Par ailleurs les questions ont porté également sur le choix de la gastronomie : qu’offrir  d’ « authentique »  comme repas  au couple royal  à la place du steack-frites ou des cuisses-de-grenouille schengenoises ? Leur offrir des  testicules de chauve -souris de chez nous ?

L’assemblée des  ambianceurs  a fini par se mettre d’accord pour aller à l’urgence et à l’essentiel : adresser une correspondance «  sélect »  à  Sa Majesté.  Le  reste de l’ordre du jour ferait l’objet de l’examen  urgent   en commissions.  Le gérant-adjoint du nganda-bar a été chargé de la rédaction de cette fameuse lettre. Contrairement au gérant titulaire, le gérant-adjoint ne lui, appartient pas à la génération des « clercs » de l’époque coloniale, ces agents d’administration noirs « évolués » !   Retouchée une dizaine de fois, toilettée et aseptisée, la lettre m’a été remise, à moi,  mais à   l’intention de notre  Ministre, pour des conseils et pour une consultation préalables, avant expédition par   la  voie la plus raccourcie.

Lorsque, après d’infinies précautions de ma part, j’ai abordé Son Excellence, et lui ai remis la lettre, mon Ministre a   marqué    un temps d’étonnement, puis s’est ressaisi. Et a souri, de ces sourires aigres-doux, clairs obscurs. Et m’a répondu en me regardant droit dans les yeux : «  Non, pilote, non. Là, avec votre lettre,  nous frôlons le geste de   lèse-majesté. Non, pilote. Avec mes …profonds regrets. Avec mes …excuses».

Yoka   Lye

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