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Chronique Littéraire /Confidences du chauffeur du Ministre : « Profession : ‘’Kadhafi’’… » Par André Yoka Lye.

Par La Prospérité
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«Kadhafi ».  Je ne connaissais pas ce sobriquet insolite et sulfureux. Je savais seulement, comme me l’avait expliqué un jour mon patron le Ministre d’Etat, que le nom de Kadhafi renvoyait au « Guide de la Jamahiriya lybienne », «Guide lâchement assassiné par la nébuleuse ‘’Communauté internationale ». Pour le moment, à Kinshasa, « kadhafi » signifie « petit vendeur de l’essence au marché noir ». Et ça, en revanche, mon patron de  Ministre l’ignorait ; mon Ministre est offusqué : « Ma foi, dit-il, à chiffonner ainsi l’histoire récente  de la Lybie jusqu’à la réduire à un marché noir des trafiquants d’une essence frelatée, il y a de quoi s’émouvoir ! ».

Le gérant de notre nganda-bar lui, n’a cure des propos du Ministre ; lui est sans émotion, sans état d’âme. En vingt-quatre heures, avec la crise aiguë de l’essence, lui a réussi à combiner les métiers les plus divers : tenancier de bistrot, trafiquant d’essence, distributeur   en monopole à l’échelle de nos cinq quartiers d’en-bas, négociateur des tarifs et des taux de change… Et pourtant contrairement aux scènes« rocambolesques et abracadabrantesques » (comme dirait mon Ministre…) auxquelles nous assistons dans toutes les stations d’essence, lui le gérant tous-terrains ne s’aligne pas sur les files interminables de véhicules en panne sèche ; lui ne palabre pas en affrontant par exemple les clients propriétaires arrogants et impatients des ‘’4 x 4’’ ; lui ne manigance ni avec les pompistes ni avec les services de sécurité des stations, pour dribbler, pour doubler les  embouteillages…

Non, mon gérant-kadhafi  possède les codes secrets de la capitale, ‘’Kin-Makambo’’ ; lui procède avec méthode : lui se sert de son homme-à-tout-faire, habituellement serveur dans le bar, qui désormais passe des nuits blanches aux stations du quartier. Ce serveur converti en convoyeur de fortune, utilise nuitamment les carcasses des véhicules déclassés, et les range à bonne place à la station d’essence.

Servi parmi les premiers clients au petit matin, ce serveur-convoyeur dégage ses véhicules des encombrements, des « encaquements » (selon les termes du gérant), avec l’aide des  shégués et les  place ensuite devant le nganda-bar. Voilà le nganda--bar transformé en station mobile d’un marché noir tout aussi mobile !

Et aussitôt   affluent là-bas, à l’abri des regards, les clients les plus inattendus : parlementaires bedonnants de dollars  dans les poches, mais privés de la moindre goutte  au réservoir ;  ministres  réduits à frelater la morale, par l’intermédiaire de chauffeurs recyclés en trafiquants ; des Nanas-Benz obligées de pousse-pousser elles-mêmes leurs bolides anémiés, en épuisement total… Mais aussi en revanche, des shégués, enfants de rue, heureux de dégotter un job facile et rémunérateur, à côté des « grands d’en-haut », ravalés au niveau et à l’épreuve des « lambdas  d’en –bas ».  Oui, ‘’job rémunérateur’’, puisque l’essence déjà chère à un dollar et demi le litre, naguère, se négocie maintenant à  cinq dollars (et bientôt peut-être, plus…), chez les « kadhafis ».

Dans notre quartier d’en-bas, le gérant  chef-ambianceur de bistrot mais  entrepreneur  tous-travaux, fait en ce moment figure de pacha, plus arriviste que jamais, plus  « profito-situationniste » que jamais, plus « kadhafi »  que jamais…

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