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Ecrire le récit du destin collectif de l’Afrique à travers la Zlecaf : est-ce possible ?

Par La Prospérité
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(Chronique de Christian Gambotti)

Agrégé de l’Université – Président du Think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org

La ZLECAF, Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, est un projet lancé par l’Union Africaine (UA) en janvier 2012, signé à Kigali, au Rwanda, le 21 mars 2018, par 44 Etats, lors du Sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA) et entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce projet vise à créer un grand marché unique, le plus grand du monde  notamment,  en supprimant les droits de douane entre les 55 Etats africains sur 90 % des biens que le continent produit et en garantissant la libre circulation des personnes. La force de l’Union Africaine est d’anticiper en écrivant, depuis toujours, le récit du destin collectif de l’Afrique. La ZLECAL est l’un des chapitres de ce destin collectif. Cette Zone de Libre Echange continentale est indispensable pour accélérer et consolider le développement de l’Afrique et construire sur tout le continent une « paix africaine ».

Quelle est la difficulté ? L’Afrique n’existe pas, mais il existe 55 Etats souverains qui font des choix idéologiques différents et qui ont des intérêts divergents, des priorités nationales et des urgences qui leur sont propres. Dans le contexte actuel qui voit se profiler un affrontement entre l’Occident collectif et le Sud pluriel depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les Etats africains ne se tournent pas vers les mêmes « amis ».

L’Erythrée, l’un des pays les plus fermés au monde, et le Mali, dont les liens avec Moscou se sont renforcés, ont voté, le 23 février 2023, lors de l’Assemblée général de l’ONU, contre la résolution condamnant la Russie. De nombreux pays africains se sont abstenus. S’ils ne soutiennent pas la Russie, ces pays cherchent à se maintenir sur la ligne de crête du Mouvement des pays non-alignés : le Sénégal, l’Ethiopie, la République centrafricaine, le Soudan, la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud. Beaucoup de ces pays dépendent du soutien militaire du Kremlin. L’arithmétique géopolitique peut se résumer ainsi : sur 193 Etats membres de l’ONU, 141 pays ont voté pour la résolution condamnant la Russie, 7 (Russie, Bélarus, Syrie, Corée du Nord, Mali, Erythrée (1) et Nicaragua) ont voté contre, 32 se sont abstenus ; mais, si l’on regarde de près, c’est la moitié de l’humanité qui s’est abstenue, dont la Chine et l’Inde.

La mise en œuvre de la ZLECAF peut-elle être retardée dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles ? Des causes endogènes, car elles prennent naissance à l’intérieur même de l’Afrique, constituent des obstacles plus difficiles à surmonter. Ces causes endogènes concernent la sécurité en Afrique. Quel est le pont commun entre le Soudan, l’Ethiopie, le Nigeria, la République Centrafricaine, le Mali, le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, la RDC, le Sénégal, le Soudan du Sud, le Cameroun, le Mozambique ? Et la liste pourrait s’allonger. Tous ces pays voient, soit des forces gouvernementales qui affrontent des milices armées ou des mouvements séparatistes, soit des forces gouvernementales qui combattent, depuis des années, sans parvenir à les vaincre, des groupes terroristes djihadistes. Les forces gouvernementales maliennes combattent dans le nord du pays à la fois des groupes terroristes armés et des mouvements séparatistes. Comment faire fonctionner la ZLECAF dans la bande sahélienne ?

La Banque Mondiale et le FMI en soutien de la ZLECAF

Le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges totaux du continent, ce qui est un non-sens économique, social et humain, mais aussi politique. Les échanges intra-Union Européenne représentent, selon les pays, entre 55 % et 84 %  des échanges totaux du continent. La mise en place de la ZLECAf pourrait permettre une hausse de plus de 50 % des échanges commerciaux entre les pays du continent. La volonté politique existe au sein de l’Union Africaine pour réaliser la ZLECAF. Mais, un appui financier est nécessaire ; or, les flux financiers vers l’Afrique se sont considérablement réduits depuis trois ans. Les prises de position de la Banque Mondiale et du FMI constituent, pour l’Union Africaine, une bonne nouvelle : le groupe de la Banque Mondiale et le FMI se portent en soutien de cette zone de libre-échange continentale. Plusieurs raisons à cela : d’abord, la Banque mondiale a indiqué que la ZLECAF représente une formidable opportunité pour stimuler la croissance, créer des emplois et augmenter les revenus ; ensuite, la ZLECAF est un formidable outil pour lutter contre la pauvreté. ; enfin,  ce grand marché unique continental est un facteur de stabilité politique. Dès sa mise en œuvre, la ZLECAF pourrait accroître le revenu continental de 450 milliards de dollars, soit 7 %. ; les femmes pourraient mieux intégrer l’économie formelle et bénéficier d’une meilleure rémunération ;  30 millions de personnes pourraient sortir de l’extrême précarité d’ici 2035. Il est donc urgent d’élargir l’inclusion économique à l’échelle du continent, afin de corriger plus rapidement et efficacement les conséquences économiques désastreuses de la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. Les effets négatifs de ce contexte compliqué depuis 2019, avec des crises successives, sont largement documentés : ralentissement des échanges commerciaux, inflation, perturbations dans la fourniture des biens essentiels, risque de crise alimentaire et de famines, instabilité accrue, etc.

Réussir la mise en œuvre de la ZLECAf contribuerait à amortir les effets négatifs des crises successives sur la croissance économique, en soutenant le commerce régional et en permettant, grâce à la réduction du coût des échanges, la création des chaînes de valeur. Les inclusions régionales, à travers les CER  (Communautés Economiques Régionales) qui existent, ont permis des avancées majeures en matière de commerce à l’intérieur d’une région, mais leur mosaïque, – il existe 8 CER -, freine la compétitivité de l’Afrique. La ZLECAf apparaît aussi comme un outil efficace dans le renforcement de la résilience de l’économie africaine face aux futures crises économiques. Pour le FMI, la ZLECAf est, incontestablement, la clé pour réduire l’impact des chocs économiques mondiaux. Dans un document intitulé « Intégration commerciale en Afrique – Libérer le potentiel du continent dans un monde en mutation », publié par le FMI, on peut lire : « Un commerce plus diversifié et plus large réduirait l’impact des perturbations sur des marchés et des produits spécifiques qui pourraient résulter de changements dans les modèles commerciaux mondiaux. » Le FMI aborde aussi la question du changement climatique : « Une plus grande ouverture commerciale aiderait les pays à s’adapter au changement climatique et à renforcer la sécurité alimentaire, notamment en améliorant la disponibilité et l’abordabilité des approvisionnements alimentaires » Pour que l’impact de la ZLECAf soit réel, il ne suffit pas de baisser les droits de douanes et faciliter la circulation des biens et des personnes. Des réformes sont nécessaires, afin d’améliorer le climat des affaires pour attirer les investissements étrangers, moderniser l’administration, libérer les initiatives, créer de nouvelles industries, favoriser l’expansion des secteurs-clefs, stimuler la concurrence et accélérer la formation du capital humain.

Maximiser les points positifs attendus de la ZLECAf constitue l’objectif que cherche à atteindre l’Union Africaine. Quels sont les risques, notamment pour les pays les plus pauvres, dès l’instant que les législations nationales s’effaceront au profit d’une libre circulation des marchandises, des personnes, des informations et des capitaux ? Pendant la période de mise en œuvre de la ZLECAf, des mécanismes de protection des économies les plus fragiles et de protection sociale pour les populations les plus pauvres et les travailleurs les plus précaires devront être imaginés et, bien sûr, financés. Or, les tensions géoéconomiques et géopolitiques actuelles se traduisent par une réduction des flux financiers vers l’Afrique.

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