Délai court, démarches administratives fastidieuses ou manque d’intérêt ? Malgré les campagnes de sensibilisation et la prolongation du délai pour s’inscrire, peu d’Ivoiriens se sont fait enrôler – une étape pourtant cruciale pour la présidentielle de 2025.
Les échanges auront duré près de trois heures, tant les sujets à aborder étaient nombreux. À quelques jours de la clôture de l’enrôlement sur les listes électorales, prévue le 17 novembre, une délégation du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) a demandé à rencontrer la Commission électorale indépendante (CEI). « Nous avons fait part au président et aux commissaires de nos préoccupations », a confié à Jeune Afrique Sébastian Dano Djédjé, le président exécutif du parti de Laurent Gbagbo.
Depuis le lancement de la révision de la liste électorale le 19 octobre dernier, le constat est clair : les électeurs ne se bousculent pas devant les quelque 12 000 lieux de recensement. Selon les chiffres de la CEI, au 9 novembre, on dénombrait un peu plus de 500 000 nouvelles demandes d’inscriptions. Très loin des 4,5 millions nouveaux électeurs potentiels. Initialement prévue du 19 octobre au 10 novembre, la période légale pour s’enregistrer a finalement été prolongée d’une semaine. Pas de quoi contenter les partis de l’opposition qui souhaitaient un délai plus long.
45 % d’abstention en 2020
Sébastien Dano Djédjé poursuit : « le manque d’engouement dans les centres est dû à l’engorgement dans les administrations pour obtenir les pièces nécessaires pour s’enrôler ». « Nous avons demandé [à la CEI, ndlr] la prolongation d’une période de trois mois et l’organisation d’une nouvelle révision pour 2025 conformément à la loi », a-t-il ajouté. Le PPA-CI a également profité de cette même rencontre pour évoquer le cas de son candidat à la présidentielle, Laurent Gbagbo. Bien qu’acquitté par la CPI, l’ancien président reste sous le coup d’une condamnation de la justice ivoirienne dans le cadre de l’affaire dite du « casse de la BCEAO ». Il n’a donc pas la possibilité de se réinscrire sur la liste électorale, ce qui rend impossible sa candidature.
Le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, a félicité le PPA-CI pour cette initiative qui vise selon lui à aller vers des élections apaisées. Il a également expliqué que la délivrance des documents n’était pas du ressort de la CEI et promis de saisir les administrations concernées afin de faciliter cette démarche. La CEI a également lancé une campagne sur les réseaux sociaux afin d’inciter les Ivoiriens à aller s’inscrire sur les listes. On a vu fleurir ces derniers jours des commentaires, parfois sur le ton de l’humour, sur la nécessité de s’enrôler. Lors de la présidentielle de 2020, comme celle de 2015, le taux d’abstention avoisinait 45 %, montrant le désintérêt des Ivoiriens vis-à-vis des élections.
« Être inscrit, c’est obtenir un pouvoir »
Dans les états généraux des partis, les réunions et plans d’action se multiplient avant la dernière ligne droite. Le 30 septembre dernier, Alasane Ouattara avait donné pour mission aux coordonnateurs régionaux du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) de mobiliser les militants. Lors d’une rencontre avec les jeunes d’Anyama, le ministre de la Jeunesse Mamadou Touré a martelé : « Être inscrit sur la liste électorale, c’est obtenir un pouvoir. Le pouvoir d’adouber ou de sanctionner les candidats, tant au niveau local que national. »
Réélu à la tête du Front Populaire ivoire (FPI) à l’issue du congrès des 8 et 9 novembre dernier, Pascal Affi N’Guessan a déclaré que « la liste électorale est une question nationale préoccupante ». Estimant la prolongation d’une semaine du délai insuffisant, l’ancien Premier ministre a déclaré que « l’enrôlement du plus grand nombre d’électeurs donne une légitimité aux urnes. »
Après avoir effectué une visite de mobilisation à Odienné début novembre, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam a quant à lui tenu une réunion le 11 novembre avec des cadres du parti. Objectif : faire le bilan des semaines écoulées et définir une stratégie pour les derniers jours d’enrôlement. Depuis son élection à la tête du parti, Thiam a fait de l’inscription de nouveaux électeurs l’une de ses priorités pour la présidentielle de 2025.
Les partis de l’opposition ivoirienne sont unanimes sur la nécessité d’auditer le fichier électoral. Au PDCI, Chrysostome Blessy, secrétaire exécutif chargé des élections et l’un des avocats du parti, a plusieurs fois insisté sur les fraudes, la transhumance électorale et pointé du doigt la présence de personnes décédées ou avec des états civils incomplets.
(Avec Jeune Afrique)