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Interview à l’œil du Congo/Magazine /Analyste patenté, Marcel Ngoyi face à l’actualité brûlante

Par La Prospérité
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Marcel Ngoyi Ngoyi Kyengi est un self-made man qui, dès son jeune âge, avait beaucoup appris à l’épreuve de la lutte. C’est un père de famille modèle. Dans sa carrière, il a eu à diriger un groupe de presse. En sa qualité de Secrétaire Général, il avait sous sa coordination trois journaux (L’Avenir, La Bourse et Le Collimateur) plus une presse en ligne de même que la gestion de l’administration, du personnel, pendant cinq ans. Riche expérience. Le personnage de Ngoyi Marcel est un alliage de plusieurs structures. Il a presté dans différents cabinets ministériels aux côtés de grands noms tels que Maître Kinkela vi Kan’sy, Yerodia Abdoulaye Ndombasi, Général Likulia Bolongo, Matthieu Kalele-ka-Bila, Ingele Ifoto, Laurent Batumona. Il a eu à assurer une collaboration efficiente aux  personnalités de la trempe de Z’Ahidi Arthur Ngoma, Vunduawe Te Pemako, Evariste Mabi Mulumba, Placide Yoko Yakembe, Bernard Emmanuel Kabatusuila. Marcel Ngoyi Ngoyi Kyengi est, au fait, la synthèse de ce qu’on a fait dans le métier de journaliste, dans les cabinets ministériels mais aussi, une touche particulière en politique. Il a eu à œuvrer abondamment dans les structures de la Société civile. Il est membre de l’Association Nationale des Editeurs du Congo (ANECO) ainsi que de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC). Cette grande plume est aussi membre de l’Association Mondiale des Journaux (AMJ) qui regroupe tous les journalistes importants, à travers le monde, c’est-à-dire, les éditeurs et les rédacteurs en chef. Il est l’Editeur-Directeur Général de La Prospérité, journal qu’il a créé voici plus de 20 ans. Ngoyi Marcel c’est quelqu’un qui est à l’écoute des autres, c’est un esclave du travail, un vrai bosseur, qui a formé et encadré un nombre important des chevaliers de la plume. Volontiers, ce baobab de la presse écrite congolaise a accepté de décrypter pour L’œil du Congo l’actualité brûlante de ce début d’année 2022 à travers une interview exclusive accordée à la Rédaction de son quotidien située à Mont Fleury dans la commune de Ngaliema. Découvrez ci-dessous l’objectivité et la pertinence des analyses de ce grand faiseur d’opinions, lanceur d’alertes.

Entretien

« Poutine est un criminel de guerre « .  » Cet homme est un boucher qui ne mérite plus de rester au pouvoir « . Ce sont là quelques propos durs tenus par le Président américain, Joe Biden. Quelle lecture fait Marcel Ngoyi de cette guerre horrible en Ukraine ?

Marcel Ngoyi : Je suis en train d’imaginer que ce qui se passe sur la scène internationale interpelle tout le monde. Déjà la guerre, par essence, est condamnable, est mauvaise parce qu’elle tue, décime et détruit de vies humaines, et déséquilibre les paramètres que ce soient politiques, économiques ou sociaux. Et donc, toute guerre par nature est condamnable.

Dans le cas d’espèce, il faut évaluer les rapports de forces. Quel est l’intérêt pour Poutine  de décréter une invasion ? Quelles peuvent être les motivations ? Et quel est le point de rupture ? C’est quoi qui a fait que la Russie et l’Ukraine en viennent à des tirs sur le champ d’opération ?

Il faut remonter l’histoire pour voir d’où vient la Fédération de Russie et quelles sont ses relations avec ces Etats membres de l’ex-URSS. Et, voir aussi quels sont les intérêts géostratégiques de la Russie avec les autres Etats faisant partie de l’OTAN, quels sont les intérêts des Américains et des Européens dans cette partie de la planète. Moi, je crois que ce sont des questions qui méritent d’être discutées.

Mais,  ce qui est important est que, la guerre étant déclenchée, il faut utiliser des mécanismes pour arriver à arrêter cette escalade de la violence. Je crois que ce n’est pas forcément en utilisant les autres armes qu’il faut y arriver. Les pressions diplomatiques peuvent, petit à petit, ramener la Russie à cesser le feu en attendant bien sûr qu’on arrive à évaluer les dégâts aussi bien du côté ukrainien que du côté russe. Et, les conséquences que cela entraine sur le fonctionnement des Etats, que ce soit en matière de gaz, tout ce qui a comme système de télécommunication qui était interdépendant aussi bien en Russie que de l’autre côté.

Je crois qu’il y a encore lieu de pouvoir ramener la balle à terre et tous les autres Etats à la raison. Les appels qui sont en train de se multiplier doivent s’accroître pour amener la Russie à cesser les hostilités, de façon à trouver un terrain d’entente ou une piste pouvant faire en sorte que cette guerre cesse. Pour moi, je n’     ai pas de qualificatif à donner a priori à un Président, fut-il Vladimir Poutine. Je considère tout simplement qu’il a des motivations pour lesquelles il est arrivé à ce point-là. Donc, il faut arriver à étudier quelles sont ces motivations. Parce que tel qu’il les a expliquées, il semble avoir été comme un léopard blessé. Et qu’il en avait marre de continuer à subir. Et, Poutine évoque un certain nombre de faits, notamment le meurtre du Président Kadhafi en Lybie, l’attaque contre l’Irak et l’élimination de Saddam Hussein, la Syrie, etc. Est-ce que tous ces faits justifiaient-ils qu’on puisse aujourd’hui décider d’aller en guerre ?

Il ne faut pas que cette guerre donne lieu à la course effrénée à l’armement. De par le temps qui courait, on disait à l’époque qu’il fallait freiner cette course, éviter la nucléarisation des Etats. Maintenant aujourd’hui cette guerre va sans nul doute relancer cette nucléarisation. Est-ce que c’est bon pour l’humanité ? Je ne pense pas. L’ONU et les autres structures doivent continuer à appeler Poutine  à la raison. Donc, je n’ai pas d’a priori à donner là-dessus. 

Quittons le vieux continent et revenons en RD Congo, au cœur de l’Afrique. Tous les Députés provinciaux des 26 provinces (hormis les trois qui sont morts dans un accident de route) viennent de séjourner à Kinshasa où ils ont cogité autour du programme de développement de 145 territoires initié par Félix Tshisekedi. Cela pourra-t-il apporter des dividendes à l’actif de son bilan ?

Marcel Ngoyi : Je crois que les initiatives du Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo sont louables, soutenables. Mais seulement, il faut que les gens comprennent ce qu’il veut et où est-ce qu’il veut en venir. Je suis aussi en train de penser que le temps n’est pas l’allié du Président Tshisekedi. Parce que le temps qui lui reste pour finaliser un tel projet peut être relativement court. Est-ce que ce n’est pas bon de sortir un tel projet de tiroirs ? Je dis oui c’est un bon projet mais qui demande beaucoup de moyens et de volonté.

Ce qui s’est passé au Palais du Peuple c’était un séminaire d’immersion des Députés provinciaux dans les réalités, dans la philosophie, dans les méandres de ce programme des 145 territoires qui, semble-t-il, pourrait bénéficier des appuis des institutions internationales.

Je veux aussi dire que l’autre problème au Congo ce n’est pas un problème de programmes. Car, on peut en avoir autant. On a eu  » les 5 chantiers « , on a eu  » la Révolution de la modernité « . En 18 ans, ces programmes sont restés comme des vœux pieux. Aussi bien  » les 5 chantiers  » que  » la Révolution de la modernité  » nous ont rabâché les oreilles mais au fond, on est resté tel qu’on était et, d’ailleurs, moins avec des conditions inhumaines du point de vue social.

Est-ce que ce programme qu’on nous fulmine aujourd’hui peut-il être un programme important pour la république ? Je dis oui. Mais il faut avoir le temps nécessaire, l’implication de tout le monde ainsi que les moyens. Le temps qui reste ne me paraît pas assez suffisant. A moins que le Président Tshisekedi ne brigue un nouveau mandat au prochain scrutin. Malgré tout, c’est un programme de gouvernement. Et, celui-ci n’a pas de coloration.

Au fait, la vision en elle-même c’est l’appropriation par la base de la philosophie du développement à partir de la base. C’est-à-dire que le développement devrait être endogène. Et, cela passe par l’agriculture, par la transformation qualitative des infrastructures, par un certain nombre de mécanismes. Je crois que cette appropriation était utile. Est-ce que les gens ont bien intériorisé cette philosophie ? C’est la question que je me pose. Tel que ça se passe généralement, ils viennent suivre des exposés qui sont souvent ex cathedra, à caractère scientifique. Et, à la fin, les gens notent et puis finalement on range ça dans les tiroirs. Est-ce que cette fois-ci les Congolais feraient autrement ? C’est mon appel.

Il faut qu’on saisisse les opportunités, prendre en compte les programmes qui sont tracés pour les réaliser. Et non continuer à remplir les blocs-notes, les agendas, avec des programmes qui finalement ne pourront servir de lettres mortes qu’un peu plus tard. Nous n’avons vraiment plus besoin de ça. Le pays a besoin des transformateurs, des gens qui sont comme des bâtisseurs, et qui contribuent effectivement au renouvellement de l’intelligence et au rajeunissement de son écosystème et tout ce qui a comme mobilisation des ressources. Je crois que ce séminaire était nécessaire pour faire une sorte de mise à niveau. Mais,  il faudra qu’au-delà de ce séminaire qu’il y ait un suivi et qu’il y ait aussi des mécanismes administratifs pour encadrer en termes des mesures d’application tout ce qui a comme programme-là.

La flotte de Congo Airways est passée de quatre avions à un seul avion pour la couverture de tout le pays. Sur un autre registre, un doigt accusateur est pointé sur le Ministre de l’Economie Nationale, déchu par l’Assemblée nationale, parce que le prix de chinchards grimpe sur le marché, le stock commandé de la Namibie en décembre dernier étant épuisé. Comment décryptez-vous ces deux actualités brûlantes ?

Marcel Ngoyi : Il faut y aller méthodiquement. En ce qui concerne Congo Airways, nous pensons que c’est une création récente mais qui emprunte les mêmes voies que les vieilles créations. On a connu Air Zaïre et on a connu LAC (Lignes Aériennes Congolaises). Les deux premières compagnies que les Congolais ont connues se sont soldées en définitive par le même type d’expérience. On crée. On fait beaucoup de bruits. On a des avions qui ne sont pas la propriété de la compagnie. Pour la plupart, ce sont des avions loués qui bénéficient de ce qu’on appelle le leasing. Autrement dit, le contrat location-vente. C’est-à-dire qu’on vous donne l’avion que vous utilisez dans vos opérations et progressivement on rembourse, on paye avec une quotité liée à l’achat. Alors, en ce moment-là, il faut respecter le timing, les échéances. Sinon, on vous retire les avions. C’est le cas avec Kenya Airways qui a retiré ses deux avions.

Nous n’allons pas dire que Congo Airways a perdu deux avions. En réalité, cette compagnie n’en avait pas autant que l’on croyait. A l’heure actuelle, il n’y a qu’un seul avion qui fonctionne. Avec cette flotte devenue si faible, que peut faire Congo Airways ? Il faut que les dirigeants actuels de Congo Airways imaginent de nouvelles formules pour trouver des nouveaux partenaires. Il y avait Kenya Airways hier, s’ils n’ont pas eu le temps de bien évaluer le contrat, il y a bien moyen de voir ailleurs, trouver d’autres partenaires.

Je suis de ceux qui pensent que tant que le cerveau humain peut être imaginatif, créatif, on peut toujours continuer à avoir d’autres partenaires dynamiques à travers le monde, à travers d’autres compagnies. Ça dépend de la crédibilité et même de l’état de santé financière de chaque entreprise. La rupture de contrat avec Kenya Airways est consécutive au manque de respect d’engagement par Congo Airways.

En ce qui concerne la commande de chinchards, je suis de ceux qui pensent que notre pays est un pays immensément riche. Ce n’est pas un crédo mais une évidence. Ce pays a tout. Deux saisons qui s’alternent merveilleusement. Un sol immensément riche, des lacs et un fleuve. Nous avons des grandes rivières dans lesquelles les poissons meurent de vieillesse. Parce que notre pêche est encore au stade artisanal. On ne fait pas de pêche industrielle. Et pourtant, ce ne sont pas des lacs qui nous manquent. Vous avez le lac Tanganyika long de 637 kilomètres, le lac Kivu avec environ 150 kilomètres à 180 kilomètres, le lac Albert, etc. Vous regardez le massif forestier que nous avons. Vous regardez les différents parcs que nous avons. Nous avons des réserves qui servent aujourd’hui de réserves mondiales en matière de décarbonisation en vue de lutter contre les gaz à effet de serre dans le cadre du changement climatique.

Nous pensons que si nous mettons en exécution tout ceci ce Congo peut devenir le grenier. La pêche industrielle, une fois réalisée, nous pouvons nous aussi exporter du poisson parce que nous en avons. A Bukama, à Moanda à la côte atlantique, vous allez trouver abondamment du poisson de toutes sortes, et même d’un mètre. Je pense que c’est une honte à avoir cette politique de la main tendue même pour des choses que nous avons. Mais,  il était question de résoudre effectivement un problème conjoncturel. A l’époque, nous avions William Damseaux  et tant d’autres fournisseurs et même l’épouse de l’ancien Chef de l’Etat, qui commandaient les chinchards, etc. Comprenez que la dégénération de cette activité liée à la dégénérescence politique a fait en sorte que cette descente aux enfers emporte avec elle l’essentiel de ce qui était comme réserves et les initiatives que les autres prenaient. D’où, il faut des substituts.

Le problème conjoncturel d’aller se référer à la Namibie c’était justement pour trouver des produits de substitution en lieu et place d’Egal qui a fermé de même que des autres compagnies qui commandaient du chinchard. Et, le Gouvernement a pu trouver des substituts. Mais est-ce qu’une telle commande conjoncturelle qui était liée au fait qu’il fallait gérer la perspective des festivités de fin d’année pouvait-elle être considérée comme une solution durable, une solution structurelle ? Non. Je crois que maintenant il faut des politiques repensées en matière de pêche et d’élevage et des autres matières pour que, en amont, on ait pris des dispositions pour que le Congo ne soit pas en rupture en termes d’approvisionnement en produits vivriers, surtout en produits de première nécessité du genre des surgelés. Là aussi, il faut établir des nouveaux partenariats.

Quand je vois des boites de conserve sur lesquelles est écrit  » made in Morocco « , moi j’ai toujours considéré que nous pouvons fabriquer des sardines ici chez nous. A titre illustratif, si vous allez à Bukavu, vous verrez des petits poissons qu’on appelle  » Sambaza  » que, s’ils sont bien conditionnés, nous pouvons vendre ça au monde entier. Nous avons des petits tilapias dans le fleuve. Il suffit d’aller à Masina Petro Congo, à Kinkole, vous verrez tant de poissons, de tortues, d’escargots, etc. Est-ce que nous devons attendre que ces produits nous viennent de l’extérieur ? Est-ce qu’on ne peut pas faire l’inversion des valeurs ? Est-ce que nous ne pouvons pas générer ces produits pour pouvoir les exporter ? Voilà la politique.

Moi, je crois que le Président Tshisekedi avait du pain sur la planche. Et que la réussite de l’ensemble de son programme était conditionnée par la mobilisation de l’ensemble de la classe politique autour de sa vision. Si l’Union Sacrée est arrivée, et qu’aujourd’hui elle traine encore les pieds, c’est justement ce handicap qui ferait que nous ne puissions pas forcément bien avancer.

En ce qui concerne les chinchards, la rupture est la conséquence logique. Car, c’était conjoncturel. Il faut penser à un système à long terme. Pourquoi ne pas industrialiser la pêche ? Tant qu’on fera la culture sur brûlis, l’agriculture artisanale, nous allons avoir des problèmes sur des choses dont on dispose. Nous allons importer les légumes, les mbanga, les mikila, les lolemu, les fesses de dindon, … Nous avons dans le Kivu, par exemple, l’élevage des cheptels qui constitue une force. Cependant, nous pensons que la paix durable est une donne importante dont il faut tenir compte désormais dans tout ce qu’il y a comme paradigmes. Si nous voulons changer de narratif, il faut qu’il y ait la paix et la sécurité. Et, avec des projets à caractère global et globalisant, nous n’aurons aucun résultat. Il faut une bonne politique.

L’actualité est abondante. Monsieur l’Editeur, avez-vous un avis à émettre sur la traque des voleurs ou détourneurs de fonds et biens publics que mène l’Inspection Générale des Finances (IGF) et qui tient en haleine l’opinion tant nationale qu’internationale ?

Marcel Ngoyi : Je salue, ici, cette lutte titanesque que mène l’Inspection Générale des Finances sous la ferrure de Jules Alingete. C’est vrai que, comme dans tous les services publics, nous n’allons pas dire que les inspecteurs de l’IGF sont des saints. Mais nous pensons aussi que sans eux, on n’aurait jamais su que X, Y, Z, avait mis la main dans ce qui a comme fonds publics. Vous n’avez qu’à prendre le procès Kamerhe et tant d’autres procès qui sont en vue d’être réalisés dans notre pays.

C’est vrai qu’un tel travail demande beaucoup de sagesse, beaucoup de patience pour le réaliser. Parce que l’IGF n’est pas seul comme service public en matière de contrôle. Pour rappel, en dehors de l’IGF, il y a la Cour des comptes qui existe. Celle-ci est dotée des magistrats qui sont des OPJ à compétence générale. Les inspecteurs généraux des finances sont effectivement là, ils jouent un rôle de constat et font des rapports. Mais la Cour des comptes, elle, a des OPJ à compétence générale qui peuvent établir des PV ayant une valeur pré juridictionnelle. Nous avons aussi ce qu’on appelle le Conseil Supérieur du Portefeuille qui est aussi un service de contrôle auquel on ne fait même plus allusion depuis un certain temps. En dehors de ces contrôles administratifs et même monétaires et financiers, nous avons le contrôle parlementaire.

A l’étape où nous sommes, nous pensons que c’est le concours, la conjonction de tous ces efforts qui peut faire en sorte qu’on puisse faire le nettoyage des écuries d’Augias. Mais si ces différents services n’ont pas la continuité avec la justice, que peut faire l’IGF ? On peut déclarer que tel a détourné. Mais le lendemain vous voyez le détourneur nommé. Donc, il faudra aussi que la justice mette la main à la pâte pour aider l’IGF ainsi que l’ensemble des services de contrôle.

Vous savez aussi qu’il y a ce qu’on appelle les contrôleurs. Dans chaque ministère, il y a des inspecteurs, des comptables publics et des sous-gestionnaires de crédits qui sont des contrôleurs qui donnent des informations sur la gestion des finances publiques à l’IGF. Nous pensons que sans conscience la science n’est que ruine de l’âme. Nous pensons que dans toute cette chaine de contrôle, si la volonté manque à quelques niveaux, tout le travail sera biaisé. Si l’IGF contrôle, on établit le détournement et on transmet le dossier à la justice et que, cette dernière ne fait pas correctement son travail, il y aura inefficacité. Donc, il faut une chaine de bonne volonté, une chaine de valeurs. Si cela fait défaut, on va retomber dans les mêmes travers du passé. La solidité d’une chaîne dépend même de son maillon le plus faible.

Dans le contexte, l’IGF peut bien faire le travail. C’est elle par qui les choses viennent à sortir sur la place publique. Cela va, en définitive, ressembler à du chantage parce que tout simplement les autres services n’ont pas apporté leur concours. D’où, l’intérêt pour l’IGF à bien gérer ses rapports, à faire en sorte que si ceux-ci sont transmis au Chef de l’Etat qu’il y ait néanmoins des sanctions administratives même si ceux qui sont traqués n’arrivent pas à être forcément jugés et condamnés. Qu’on ne trouve pas quelqu’un qui est qualifié de détourneur en train d’être nommé ou en train de gérer. Mais il faut aussi éviter que l’IGF tombe dans les a-priori, le tapage. Parce que les finances n’aiment pas le tapage. Il faut absolument arriver à faire assoir toutes ces choses-là dans le travail qui est objectif.

Je salue en passant l’IGF. Et, je dis que dans le corps des inspecteurs il peut y avoir aussi des brebis scrofuleuses qui se font corrompre et qu’il faut mettre dans le compte des gens qui doivent subir des sanctions exemplaires. La lutte contre la corruption, la lutte contre le dol, la lutte contre la concussion, la lutte contre la prédation ou le coulage des recettes transite nécessairement par la prise de conscience collective du respect des biens publics. Se mettre au service de ‘’cum patria’’. C’est ce qu’il faudra faire.

Nous allons à présent aborder les questions politiques. Tout le monde a pris connaissance de la feuille de route de la CENI assortie de plusieurs contraintes. Pensez-vous que les élections générales combinées auront bel et bien lieu en 2023 ?

Marcel Ngoyi : A l’allure où vont les choses, il commence à devenir incertain de croire en la tenue des élections dans les délais. Parce que le président de la CENI a présenté sous forme des contraintes les écueils qu’il rencontre sur le chemin de l’organisation du processus électoral. Il y a, d’abord, les lois essentielles qui manquent. Il y a les réformes exigées par la classe politique qui manquent.

Certaines réformes se tiennent les unes des autres. Je vais donner quelques exemples. Il est question de lever l’option si oui ou non il faut aller à la présidentielle à un ou à deux tours. La Constitution de 2006 avait prévu la présidentielle à deux tours. A un certain moment, à l’approche des élections de 2011, le Parlement qui était là avait modifié la Constitution pour ramener les élections présidentielles à un seul tour. Et donc, faciliter à Kabila la possibilité de rempiler. Ce qui a été fait. Est-ce qu’il faut qu’on garde cette Constitution modifiée ou qu’on revienne aux fondamentaux de la Constitution de 2006 ? Parce qu’à Sun City, après le dialogue entre Congolais, il avait été décidé qu’il y ait la présidentielle à deux tours en République démocratique du Congo. Ce sont les partisans du régime sortant qui, voulant que Kabila retrouve son piédestal facilement, avait décidé de modifier cette Constitution. C’est un aspect des choses.

Le deuxième aspect c’est que, pour lutter contre la corruption, il a souvent été constaté que les Députés provinciaux sont soudoyés. Pour être Gouverneur ou Sénateur c’est plus facile de les atteindre vu leur petit nombre. Après les discussions, il avait été décidé de voir si c’est possible d’organiser les sénatoriales et les élections des Gouverneurs au suffrage universel direct. Donc, qu’ils soient aussi élus par le peuple, le souverain primaire, directement. Ce sont des options politiques qu’il faut lever.

Il y a la problématique du recensement. Est-ce qu’il faut recenser la population ? Est-ce qu’il faut enrôler la population ? Des options politiques doivent être levées. S’il faut recenser celle-ci, il faut qu’on puisse délivrer la carte d’identité en même temps que la carte d’électeur. Souvenez-vous qu’on est parti de 11 à 26 provinces. Est-ce que ces provinces sont-elles viables pour continuer à les garder comme tel ? On peut en discuter politiquement, pas seulement dans le cadre institutionnel. Il est question d’étendre la discussion à toute la classe politique. C’est le Président de la République qui doit voir et apprécier l’opportunité de l’organisation d’une telle consultation qui pourrait faire en sorte que toute la classe politique participe au débat. Le faire autrement, c’est se limiter au Parlement qui doit  décider.

Même au Parlement, c’est maintenant qu’on a inscrit ces différentes matières à l’ordre du jour et que les élus du peuple, essentiellement de la majorité, en débattent au cours de cette session de mars. Le temps qu’on en débatte et que ce débat ait des répercussions sur la révision ou la modification de la Constitution, ça va prendre combien de temps ? Et, vous savez qu’il y a quelqu’un qui a déjà dit que nous n’allons pas accepter que les braconniers de la démocratie puissent venir encore faire le tripatouillage autour de la Constitution. Donc, le jour où on va décider de dire qu’on va modifier la Constitution, ça sera une sorte de levée de boucliers. Les Romains s’empoigneront.

Souvenez-vous que sous Kabila on voulait aussi retoucher cette Constitution. Mais il se posait un problème de la durée du mandat. On voulait y mettre 7 ans au lieu de cinq  ans. On voulait enlever l’incise  » une fois  » en ce qui concerne le renouvèlement de mandat du Président de la République. Il y a des aspects qui sont dans la loi électorale qu’il faut retoucher. C’est la problématique de la caution. 100.000 $ pour être candidat Président de la République c’est trop de par la conjoncture marquée aujourd’hui par la récession économique ou marasme et même cette affaire de la pandémie à Coronavirus (COVID-19). Il faut donc revoir la caution à la baisse.

Il y a le problème du système électoral. On a cherché le système de la proportionnelle avec des listes. C’est celui ou celle qui est en tête de liste qui est élu, qui gagne. Ce n’est pas la personne qui a eu plus de voix qui l’emporte mais celle qui est en tête de liste. Ce système nous a été apporté par un certain nombre de malins. Est-ce qu’il n’y a pas moyen qu’on puisse aujourd’hui repenser ce système ? Ce sont des options.

Je considère que le temps qu’on fasse ce débat-là qui est juridique, qui est lié aux lois essentielles, des semaines, voire, des mois vont s’écouler. Et, maintenant qu’on regarde du côté sécuritaire. Est-ce l’état de siège est levé ? Est-ce qu’il y a toujours des problèmes des escarmouches ? Maintenant on parle encore du M23 qui a fait la résurgence. Si on regarde du côté finances. Qui va financer le processus électoral ? Est-ce que c’est nous-mêmes ? Qui vont nous accompagner et avec combien ? La budgétisation doit être abordée.

Moi, je pense que ce n’est pas sérieux d’aller aux élections par un raccourci. Il y a des efforts à fournir. Tel que ça se présente et avec le temps qui reste, je commence à douter. Je commence aussi à douter que dans le contexte qui est le nôtre où il y a rupture de confiance. A voir la CENI qui a été mise sur pied dans les conditions que l’on connait. Les Catholiques et les Protestants ont été marginalisés. J’ai donc peur que ces deux églises qui ont toujours été des accompagnatrices du processus électoral, soient absentes parce que ça ne va pas faciliter les choses. Pour elles, il faut absolument que les élections se tiennent dans les délais et qu’en 2023, il y ait alternance au sommet de l’Etat. Ces deux églises ont même prodigué des conseils.

Alors est-ce que entre la volonté d’organiser coûte que coûte le processus électoral en 2023 et la nécessité d’avoir des élections crédibles, transparentes et démocratiques, n’y a-t-il pas moyen de trouver le juste milieu ? Là aussi un consensus doit être dégagé. Il faut chercher les parties prenantes au processus électoral, engager une discussion franche et sincère, dégager des pistes de solution, voir comment orienter l’Etat de façon que le pays puisse aller vers l’embellie. Autrement, c’est vers des heurts, vers des échauffourées qu’on va se retrouver en 2023 et bien sûr au-delà de cette année électorale.

La voie du glissement me semble être ouverte par le fait qu’on ne décolle toujours pas. Le processus électoral est toujours au point mort. Vous ne pouvez pas dire que depuis que Kadima est là, il a déjà posé tel ou tel autre acte pour démarrer le processus. Non. De quelques millions qui ont été sortis, il y a même des discussions autour des chiffres. Kadima dit avoir eu 21 millions. Le Ministre des Finances dit avoir débloqué 37 millions. Tandis que l’ODP (Observatoire de la Dette Publique) parle de 107 millions de dollars américains. Alors il faut que l’IGF, une fois de plus, se mêle pour tirer au clair ce dossier qui nous jette l’opacité sur la gestion des fonds publics. Est-ce qu’il n’y a pas moyen que l’IGF intervienne pour éclairer la lanterne de l’opinion publique au sujet de ces fonds publics qui font l’objet de contestations ?

Je suis en train d’imaginer qu’au-delà de 2023, il y a la vie. La RD Congo ne disparaitra pas. Mais seulement, le processus électoral, s’il est organisé dans les conditions où je le vois titiller aujourd’hui, ça risque d’être des élections bâclées. Un simulacre du processus électoral. Il y a des aspects de commande des kits. Ce qui demande aussi des infrastructures. Il y a des coins entiers du territoire national auxquels on a du mal à accéder. Il faut qu’on refasse les routes, qu’on arrange les voies pour que les populations des différents coins soient atteintes et que les kits électoraux y arrivent. Commander les kits électoraux veut dire qu’il faut lancer des appels d’offres auprès des meilleurs fournisseurs. Il se pose également un problème du fichier électoral parce que l’actuel a vieilli. Il faut un fonds pour l’enrôlement. Même si le fichier électoral est actualisé, il faut le géo spatialisé.

Au stade actuel, je ne vous dis pas oui il y aura élection ou non il y en aura pas. J’estime que les paramètres que je viens d’évoquer demandent un peu plus de concentration et que leurs conséquences peuvent déterminer que oui ou non on peut aller aux élections. Mais tel que ça se présente, je commence à douter. Le ciel est suffisamment brumeux.

Le Pape François arrive en juillet prochain dans un pays en proie à des conflits armés et des querelles politiciennes stériles. Avez-vous un mot à placer à ce sujet ?

Marcel Ngoyi : le Souverain Pontife est une personnalité qui a une double casquette. C’est d’abord un Chef d’Etat. Il est à la tête du plus petit Etat du monde, le Vatican. C’est aussi le Chef de l’église catholique romaine, la plus grande église aujourd’hui en termes d’implantation, d’infrastructures, du nombre de fidèles. Donc une église qui compte. Sa présence dans un pays comme le nôtre est un signe non seulement de bénédiction mais aussi de crédibilité. Ça démontre que notre pays redevient fréquentable. C’est un plus. Parce que ce Pape qui arrive, il vient au Congo après 37 ans. La dernière fois que Jean Paul II est passé ici remonte à beaucoup d’années.

Je crois que la présence du Souverain Pontife peut permettre de renforcer le sentiment de cohésion nationale, le sentiment de solidarité, le sentiment d’amour du prochain, le sentiment de charité. Parce que, très souvent, chacun veut vivre pour soi. Je salue la venue d’une autorité d’un si grand envergure. Et, je recommande à tout le monde, chrétien catholique ou pas, de lui préparer un accueil délirant. Son message est bien attendu, bien venu.

Il a certainement des raisons pour lesquelles il arrive. Il ne vient pas pour se promener au Congo. Il y a aussi son passage à Goma qui est attendu, une ville qui fait partie des zones troubles. Sa présence va y susciter un sentiment de réconfort et constituer un motif de fierté pour tout Congolais qu’il soit catholique ou pas.

Nous allons terminer ce tour d’horizon de l’actualité en parlant de nous-mêmes journalistes. En votre qualité d’Editeur-Directeur Général du quotidien La Prospérité, vous avez pris part d’une manière active aux Etats généraux de la Communication et des Médias. Les nombreuses résolutions ayant été prises au cours de ces assises resteront-elles lettres mortes ou pas ?

Marcel Ngoyi : Je pense que les engagements qui ont été pris dans le cadre des Etats généraux sont en train progressivement d’être exécutés. Il y a le Ministre de la Communication et des Médias qui a mis en place le comité de suivi il y a quelques jours. Pour matérialiser la vision et les ambitions qui ont été affichées là-bas, il avait été décidé qu’on institue un comité de suivi.

Depuis qu’on a fini les Etats généraux, on a consacré tout ce temps de silence à l’élaboration des rapports et même à l’élaboration de ce qui a comme synthèse. Il fallait voir quels sont les points exacts qu’il faut mettre en mouvement. La suite c’est le comité de suivi qui a été institué. Contrairement aux autres habitudes qui s’étaient installées dans notre pays, ces Etats généraux ont été une expérience enrichissante. Ç’a été un grand rendez-vous qui a concerné aussi bien les professeurs d’université, les journalistes praticiens mais aussi les responsables des organes de presse. 

Ma prière, mon souhait est que tous les journalistes concourent à la réalisation, à la matérialisation, à la mise en œuvre de différentes résolutions. C’est vrai que ce n’est pas facile. C’est comme toute conférence, tout séminaire, tout rassemblement. Vous pouvez prendre des grandes décisions mais leur mise en œuvre ne peut se faire que de façon progressive.

Je souhaite vraiment que ces résolutions ne soient pas lettres mortes. C’était des Etats généraux pour la refondation, pour la requalification de l’exercice de la profession et les termes qui ont été convenus doivent être progressivement mis en œuvre. Ces résolutions sont salutaires et ont été prises pour que la profession s’améliore. Dans quel intérêt on ne les exécuterait pas ? C’est un suivi qualitatif qui doit être assuré.

Avant de clore cet entretien, je voudrais placer un mot pour dire tout simplement merci à James Mpunga Yende que je découvre aujourd’hui comme initiateur, fondateur d’un magazine, L’Œil du Congo, et que moi j’avais accueilli ici à La Prospérité d’abord comme pigiste et  ensuite,  comme journaliste reporter et un peu plus tard comme Rédacteur en Chef.

Et, que tu deviennes aujourd’hui initiateur, fondateur, créateur, si pas éditeur d’un magazine,  c’est une fierté partagée. Parce que c’est le couronnement. C’est même ça l’idéal. Nous n’avons forcément pas besoin d’avoir des personnes qu’on encadre et qui ne grandissent pas professionnellement. Je souhaite longue vie à L’Œil du Congo et à son géniteur.

Si j’ai accepté d’accorder cette interview, c’est justement pour donner un coup de pouce à L’Œil du Congo de façon que nous puissions, petit à petit, enrichir son contenu. Je vais rester constamment ouvert à des échanges et à des nouvelles discussions chaque fois que cela pourrait être nécessaire.

Les portes de Ngoyi Marcel ne seront pas fermées. Toutes les fois que vous aurez besoin de notre éclairage du point de vue de l’actualité, nous serons au rendez-vous.

Propos recueillis par James Mpunga Yende

L’œil du Congo Magazine (Juin – juillet 2022)

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