Herman Cohen


Curieux, insolite, étrange, surprenant, bizarre : à chacun de choisir le qualificatif qui lui convient.
Constatons seulement que c’est au moment où les Congolais décident d’en finir avec la perfidie de Kigali au travers de son fameux M23 qu’un américain, une belge et une française décident de faire parler d’eux.
Leurs Etats respectifs ont une histoire d’abord liée entre eux, ensuite liée avec la RDC depuis Berlin 1885.
Au cours de ces 30 dernières années, ces trois occidentaux ont des postures, font des déclarations, commettent, pardon posent des actes qui ont fait très mal au Congo-Zaïre, simplement en s’instituant zaïrologues ou congologues.
Ils influent sur les décisions prises par leurs pays, si bien que le Congo ne s’en sort pas mieux.
Au contraire.
Le 9 novembre 2022, dans un tweet, l’américain Herman Cohen fait cette annonce : «Dans l’Est de la RDC, les rebelles du M-23 seront bientôt vaincus (…) il est temps pour eux soit d’accepter l’amnistie gouvernementale, soit de s’exiler dans les pays voisins qui les parrainent».
Le 27 septembre dernier, il disait déjà : « (…) Je ne sais pas pourquoi les autres ne les condamnent pas (…) Il faut condamner le Rwanda, il faut condamner l’Ouganda aussi parce qu’ils sont tous les deux en train d’armer les milices à mon avis».
Sous-secrétaire d’Etat chargé des Affaires africaines entre 1989 et 1993, très proche du maréchal Mobutu, Herman Cohen caresse aujourd’hui la RDC dans le sens du poil comme jamais il ne l’a fait depuis 1997.
Préconisant la solution armée pour en finir avec ce mouvement terroriste, il conseille les Fardc de « _faire la guerre contre ceux qui soutiennent les milices_ » et considère qu’« _Il faut que l’armée congolaise aille là-bas et fasse la guerre contre ceux qui ont envahi, ceux qui soutiennent les milices congolaises. C’est l’armée congolaise qui doit faire le travail contre les Congolais qui font le terrorisme avec l’aide des pays extérieurs…».
Colette Braeckman se rappelle au bon souvenir des Congolais le 2 novembre dernier avec l’éditorial «Le Congo n’a d’autre ami que lui-même*» par dans le quotidien belge Le Soir.
Cet extrait mérite méditation : «En réalité, le seul allié du Congo, c’est sa population elle-même. Elle demeure attachée à l’intégrité territoriale, farouchement hostile à la balkanisation, toujours désireuse de participer à des élections démocratiques, de jouir d’une liberté d’information et d’expression exceptionnelle. Cette population est jeune, dynamique et résiliente, patriote aussi. Elle croit toujours (religieusement) que demain sera mieux qu’aujourd’hui. Au lieu de courir les capitales étrangères, de quémander des soutiens ambigus et de dilapider les ressources, les dirigeants congolais auraient intérêt, de toute urgence, à miser sur cette population, à la faire bénéficier des richesses du pays et à l’aider à défendre sa souveraineté_».
Pareille invite de Dame Colette a de quoi réveiller plutôt Mobutu et Laurent-Désiré Kabila (ses bêtes noires) que Kasa-Vubu et Lumumba.
Et Sonia Rolley, dans tout ça ? Évidemment, elle n’est pas en reste. « C’est la première fois en 20 ans de carrière que je me fais formellement expulser. Je reste abasourdie de l’être aujourd’hui au Congo de cette manière après toutes ces années de reportages, d’enquêtes», a-t-elle écrit sur Twitter.
Ce qui surprend dans son expulsion pour des raisons administratives, c’est la colère des ONGs ravivée par le parti pris de la Monusco, tout au moins de son Bureau en charge des Droits de l’homme.
Si pour Colette Braeckman et Sonia Rolley, les motivations peuvent relever de la profession (on sait qu’elle mène tout), pour Herman Cohen, on ne se tromperait pas en évoquant…Inga !
Oui, le barrage d’Inga, ce «broyeur silencieux des chefs d’Etat en RDC», plus fort que Gécamines-Miba réunies.
Car un barrage, avec son énergie propre, ne meurt que si l’eau disparaît. Et personne de sensé ne voit « mourir » le fleuve Congo et ses affluents.
Que ceux qui ne le savent pas l’apprennent alors : Herman Cohen est lobbyiste d’un consortium international américain constitué autour du barrage d’Inga.
N’ayant pu sauver de la descente aux enfers son ami Mobutu, il avait eu l’audace de révéler en 2011 l’appartenance du Kivu au Rwanda ! «Dans ma lettre au président Obama, j’ai suggéré que l’on légalise le commerce des minerais au Kivu qu’exploitent les hommes d’affaires rwandais. Le Rwanda a envahi le Kivu en 1998. Pendant six ans, il a mis en place des réseaux pour l’exploitation des minerais, surtout le coltan qui rapporte des milliards de dollars. Je pense que tout le monde trouvera son compte et la RDC percevra des impôts. J’ai proposé que le commerce des minerais soit légalisé. Mais, j’ai rencontré une farouche opposition de la part des Congolais qui évoquent la question de souveraineté. Souveraineté ? Au Département d’Etat, le Kivu fait partie du Rwanda».
L’entendre 11 ans après exhorter les autorités congolaises à faire à la guerre à la fois au Rwanda et à l’Ouganda a pour double conséquence : bloquer le déploiement de la Force régionale, c’est-à-dire le Processus de Nairobi et de Luanda, et reconstituer l’axe Kampala-Kigali à la base de la guerre de l’Afdl en 1997.
Il y a de fortes probabilités qu’il n’y ait aucun lien de cause à effet avec le réveil soudain du trio « Herman-Braeckman-Rolley ». Cependant, cela n’empêche pas de relever la nécessité pour les Congolais de doubler de prudence et de vigilance. Car, résultat d’une résignation ou d’un sursaut d’orgueil, la coïncidence de leur « réveil » ne peut pas ne pas susciter le soupçon, le doute…
«Chat échaudé craint à jamais l’eau froide»…
Omer Nsongo die Lema/CP