A moins de deux semaines du début de la campagne présidentielle, plusieurs personnalités de l’opposition ont accepté de dépêcher leurs lieutenants en Afrique du Sud pour évoquer l’hypothèse d’une candidature commune. Ils étaient 24 candidats à avoir été retenus sur la liste provisoire de la Commission électorale nationale indépendante(Céni). Ils sont désormais 26 à pouvoir se présenter sur la ligne de départ après le repêchage de deux concurrents supplémentaires par la Cour constitutionnelle. Face à Felix Tshisekedi qui brigue un second mandant, l’opposition avance pour le moment en ordre dispersé.
Dialogue préparatoire
Un canal de discussion existe depuis plusieurs mois entre certains adversaires du président congolais, à l’instar de Martin Fayulu, Matata Ponyo Mapon, Moise Katumbi, Delly Sesanga et Deny Mukwege. Plusieurs d’entre eux avaient d’ailleurs tenté d’afficher un front uni sur les questions électorales, notamment après s’être réunis à Lubumbashi en Avril. Mais l’idée d’une candidature commune de l’opposition était jusque- là restée en suspens, nombre de ces personnalités ayant, pour le moment, des stratégies divergentes en amont des échéances électorales.
Selon nos informations, certains candidats de l’opposition ont été approchés à la fin du mois d’octobre par une ONG sud- africaine, la « in Transformation initiative » (ITI). Parmi eux figurent Martin Fayulu, Moise Katumbi, Delly Sesanga, Denis Mukwege et Matata Ponyo Mapon. Ces derniers ont été invités à prendre part à un « dialogue préparatoire » dans le cadre de la préparation de prochaines élections.
Candidature et plateforme commune
Selon les termes proposés par l’ONG aux participants, les discussions permettront « d’explorer les possibilités de collaboration entre l’opposition ». « Cela peut impliquer, entre autres, la possibilité d’avoir à la fois un candidat commun et une plate- forme électorale commune », précise la proposition de l’ITI, que jeune Afrique a pu consulter.
Négociateurs de la fin de l’apartheid
Fondée en 2013 par d’anciens acteurs de la transition post- apartheid, l’ITI compte parmi ses directeurs Roelf Meyer, négociateur en chef du gouvernement du parti national (au pouvoir pendant l’apartheid), il était notamment en charge des discussions avec le congrès national africain (ANC, en anglais) alors représenté par Cyril Ramaphosa, aujourd’hui président de l’Afrique du Sud. Il a par la suite été ministre de Nelson Mandela.
Mohammed Bhabha, un ex- membre de l’ANC, qui a été l’un des négociateurs de la constitution sud- africaine post- apartheid, fait lui aussi partie des directeurs de l’ITI, comme Ivor Jenkins, spécialiste dans la résolution de conflits et la transition politique. Contactés, différents membres de l’ITI n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations.
L’ONG n’est pas novice dans ce type de démarche, ni étrangère aux dossiers politiques congolais. En octobre 2018, deux mois avant les dernières élections présidentielles, elle avait réuni plusieurs leaders de l’opposition, dont des candidats déclarés à la succession de Joseph Kabila. Les discussions de Genève, sous l’égide de la Fondation Kofi Annan, avaient ensuite permis à l’opposition de faire émerger un candidat commun, en la personne de Martin Fayulu – avant que Felix Tshisekedi et Vital Kamerhe ne fassent route à part.
Vers un ticket ?
Si l’idée d’une candidature unique de l’opposition semble à ce stade écartée, ces leaders parviendront-ils à faire émerger un ou plusieurs candidats communs ? Rien n’est moins sûr. Si en 2018, plusieurs poids lourds de l’opposition avaient été empêchés de concourir à l’image de Jean- Pierre Bemba ou Moise Katumbi, la totalité des candidatures déposées ont cette fois été validées. Le calendrier est également plus resserré qu’en 2018 et la campagne électorale doit débuter normalement le 19 novembre. Dans ce contexte, la marge de négociation semble limitée, même si la multiplicité des candidatures de l’opposition réduit ses chances dans le cadre d’une élection à un seul tour.
Les stratégies de différents candidats sont pour le moment assez floues. Lequel d’entre eux acceptera cette fois-ci de retirer sa candidature au profit d’un autre ? L’hypothèse d’un ticket réunissant un candidat à la présidence accompagné de celui qui, en cas de victoire, deviendrait son Premier ministre ou le patron d’une autre institution, peut-elle séduire ?
Pour le moment en privé, chacun prend soin de se poser en homme providentiel. Denis Mukwege, Moise Katumbi, Delly Sesanga et Matata Ponyo Mapon présentent leurs candidatures pour la première fois. Après avoir longtemps tergiversé et misé sur un boycott du scrutin, Martin Fayulu a décidé de tenter de prendre sa revanche après le scrutin controversé de 2018 qu’il affirme toujours avoir remporté. « L’idée de cette première réunion de trois jours est déjà de savoir si tout le monde peut s’entendre sur l’utilité d’une candidature commune», glisse le bras droit de l’un des candidats.
Texte tiré de jeune Afrique
Du lundi 06 novembre 2023