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Chroniques « Balises » Connotation politico-messianique « Garant de la Nation » : menace vraie pour la démocratie…

Par La Prospérité
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(Par Omer Nsongo die Lema)

Elle ne figure ni dans les Constitutions de 1967 et de 1974, ni dans la Constitution de 1992, moins encore dans la Constitution de la Transition 1+4. Celle du 16 février 2006 l’a simplement ignorée. Curieusement : elle n’est que dans la Constitution de 1994, celle tant désirée par Etienne Tshisekedi rivé au schéma du Chef d’Etat régnant et du Premier Ministre gouvernant. Que s’est-il passé pour que 30 ans après, Félix Tshisekedi s’en souvienne pour s’attribuer la qualité de « Garant de la Nation » et, hélas !, fasse de l’article 217 une interprétation sujette à controverse ?

Il n’y a pas de Garant de la Nation

En effet :

  • dans la Constitution de la République Démocratique du Congo du 24 juin 1967, l’article 20 dispose  : « Le Président de la République représente la Nation. Il est le chef de l’Exécutif. Il détermine et conduit la politique de la Nation. Il fixe le programme d’action du Gouvernement, veille à son application et informe l’Assemblée nationale de son évolution ». C’est tout. Il n’y a pas de garant de la Nation.
  • dans la LOI n°74/020 DU 15 août 1974 portant révision de la Constitution du 24 Juin 1967, l’article 30 dispose : « Le Président du Mouvement Populaire de la Révolution est de droit Président de la République et détient la plénitude de l’exercice du pouvoir. Il préside le Bureau politique, le Congrès, le Conseil Législatif, le Conseil Exécutif et le Conseil Judiciaire ». C’est tout. Il n’y a pas de garant de la Nation.
  • dans l’ACTE portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition DU 04 août 1992, l’article  39 dispose : «Le Président de la République représente la Nation. Il promulgue les lois votées par le Haut Conseil de la République dans les quinze jours qui suivent leur réception. Passé ce délai, les lois deviennent exécutoires ». C’est tout. Il n’y a pas de garant de la Nation non plus.
  • dans l’Acte Constitutionnel de la transition du 09 avril 1994, l’article 39 dispose : « Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente la Nation. Il est le symbole de l’unité nationale et le Garant de la Nation ». Ici, exceptionnellement, il y a Garant de la Nation.
  • dans la Constitution DU 4 avril 2003 relative à la Transition ‘’1+4’’, l’article 68 dispose : « Le Président de la République est le chef de l’État. Il représente la nation. Il veille au respect de la Constitution de la transition. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de la souveraineté nationale ». C’est tout. Il n’y a pas de Garant de la Nation.
  • dans la Constitution DU 16 février 2006 telle que modifiée en 2011, l’article 69 dispose 69 dispose : « Le Président de la République est le chef de l’État. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ». C’est tout. Il n’y a pas de garant de la nation.

Amplement amplifiée sous Mobutu

Quand Félix Tshisekedi, d’un ton martial, déclare le 16 novembre dernier à Lubumbashi : « Qui est-celui-là qui va m’interdire, moi, le garant de la nation, de ne pas faire ça ? », en vérité il ignore que cette expression, amplifiée sous Mobutu, n’a aucun contenu juridique, sauf pour la Constitution de la Conférence nationale souveraine.

Déjà, comme en personnes averties, les législateurs de 1967, de 1974 et de 1992 de l’avaient pas intégrée dans les textes ! Pourtant, ils passaient pour des Mobutistes « convaincants et convaincus », pour reprendre une expression consacrée.

Même si comparaison n’est pas raison, l’article 5 de la Constitution française de 1958 ne présente pas le chef de l’Etat en garant de la Nation. Il dispose, en effet, : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat. « Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».

Quand on connaît la connotation politico-messianique de « Garant de la Nation » dans la culture politique zaïro-congolaise, c’est-à-dire du « Tata Bo ? Moko » – Mama Bo ?, Moko » – « Mokonzi Bo ? Moko », on n’est pas loin de trouver dans la phrase de Félix Tshisekedi les velléités de la dictature mobutienne combattue pourtant farouchement par un certain Étienne Tshisekedi.

C’est à croire que Félix Tshisekedi, par cette phrase, se livrerait au « parricide », dès lors que son père biologique et mentor politique est co-rédacteur de la Constitution de 1967. Constitution dont l’article 69 est la copie conforme de l’article 217.

La RDC est pour l’heure totalement coincée au sein de l’EAC

Surchauffé par la prise de position du chef de l’État au cours de son meeting de Lubumbashi, le débat autour de l’article 217 devient intéressant à l’analyse du dernier paragraphe de l’article 69 de la Constitution actuelle.

Est-ce que, à ce jour, le Président de la République peut se vanter d’être le garant du respect des traités et accords internationaux conclus par la RDC ? Si oui, il a pleinement conscience du sens de l’alinéa 1 de l’article 4 de la charte de l’EAC (African East Community), à savoir : « 1. La Communauté a la capacité, à l’intérieur de chaque Etat membre, d’une personne morale avec succession perpétuelle et a le pouvoir d’acquérir, de détenir, de gérer et de céder des terres ou d’autres propriétés, d’ester en justice et d’être poursuivie devant les tribunaux en son nom propre ».

Tout comme il l’est des dispositions suivantes de l’article 145 relatif au retrait d’un membre : « 1. Un Etat membre peut se retirer de la Communauté à condition », selon le point b que : « l’Etat membre notifie le Secrétaire général de son intention par écrit, 12 mois à l’avance, à moins que l’Etat membre n’annule cette notification avant expiration du délai de 12 mois ». Et cet article ajoute : « 3. Nonobstant le retrait effectif d’un État membre à l’issue de l’expiration du délai, cet Etat continue d’être responsable des engagements à long terme qu’il a souscrits alors qu’il était membre de la Communauté ».

Résultat : la RDC est pour l’heure totalement coincée au sein de l’EAC, à supposer que la procédure de retrait ait été engagée avant une année.

Précédent dangereux pour l’unité nationale

Il y a toutefois pire : l’avenir du pays dans les organisations sous-régionales comme la CEEAC pour l’Afrique Centrale, la SADC pour l’Afrique australe en plus de la CIRGL et du COMESA.

Dès l’instant où le Président de la République assume sa qualité de garant du « respect des traités et accords internationaux » en interprétant l’article 207 de cette manière-là, le pays doit en assumer les conséquences. Au nombre desquelles, hélas !, la disqualification des différents protocoles des organisations sous-régionales, régionales et continentales et des Nations Unies souscrits, protocoles sécuritaires, diplomatiques, financiers, monétaires, économiques, commerciaux, culturels, etc.

Il y a là un précédent dangereux autant pour le devenir que pour l’avenir du Congo…

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