(Par Professeur Florent Gabati)
Nos inquiétudes aujourd’hui sur ce que représente le bourbier congolais nous ramènent à élucider pourquoi l’histoire de la RDC est un éternel recommencement et nos voisins nous voient comme des paillassons au-dessus desquels ils doivent nous marcher ? La problématique de l’éveil patriotique, du nationalisme réside dans la qualité, l’état d’esprit de nos dirigeants. Depuis l’indépendance, les congolais ont organisé plus de soixante conciliabules qui n’ont abouti à rien parce que les mêmes causes continuent d’engendrer les mêmes effets. Si c’était plus facile, il suffirait d’éviter les erreurs du passé pour s’épargner les conséquences dommageables résultantes d’aujourd’hui. En dépit de nombreux dialogues, concertations nationales, la RDC s’effondre et devient la risée du monde par manque de leadership fort marquant une rupture drastique avec le passé dans le contexte géopolitique actuel caractérisé par l’émergence des armées fortes au service de la paix, de la diplomatie.
Il convient ici de revenir brièvement sur les acteurs politiques congolais qui ont pris l’habitude de se partager le gâteau et le reste au diable après certains dialogues. L’origine de la crise existentielle congolaise éclate immédiatement après l’indépendance. La question cruciale était celle de la carence des cadres congolais formés à la gestion du pays, car le gouvernement belge n’avait pas en réalité anticipé sur l’émancipation de la colonie. En dehors de la riche documentation empirique que nous disposons aujourd’hui, il faut souligner que c’est à l’acteur politique congolais d’assumer la plus grande responsabilité dans la gestion de la Res publica parce qu’après 65 ans d’indépendance nous ne pouvons pas continuer de jeter l’anathème sur l’occident quant à la mauvaise gouvernance, à la mégestion de la construction nationale. L’Evangile de Jésus Christ selon Luc 6,41 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » nous élucide davantage sur la vraie réalité de nous-mêmes. Il nous est plus facile de condamner les autres que d’admettre nos responsabilités sur la déliquescence de notre pays. La faillite de l’État congolais incombe aux dirigeants médiocres qui ont plongé notre pays dans un état fantomatique. Certes nous ne pouvons pas aussi négliger le partage des responsabilités applicables à l’Union européenne dont la dimension morale de la Commission européenne se heurte aujourd’hui aux intérêts malhonnêtes en recelant les minerais de sang vendus par le Rwanda. C’est pourquoi la gravité de la situation que tous les congolais observent aujourd’hui continuera de susciter des fortes mobilisations.
On dit que l’histoire sert à éclairer le présent. Eclairer veut dire comprendre ce qui s’est passé dans l’histoire politique de la RDC dans les perspectives de trouver des réponses aux questions que nous pose le temps présent. A-t-on tiré les leçons pour savoir pourquoi Laurent Désiré Kabila a été assassiné en 2001 suite aux tensions entre le Feu président et ses alliés ougandais et rwandais ? Si on ne peut pas dégager politiquement les leçons des expériences du passé pour définir les stratégies politico-militaires pour renforcer nos capacités dans le cadre géopolitique où la RDC est entourée des voisins belliqueux, on va droit au mur en répétant les mêmes erreurs du passé. Qu’il s’agisse de la diplomatie de force, de la défense de l’intégrité territoriale, nul n’ignore que l’état du monde se fonde sur la logique de la puissance militaire. Les relations internationales entrent dans le contexte des rapports de force, des zones d’influence, de soft power. La puissance, qu’elle menace ou qu’elle protège détermine les conditions d’existence des Etats et des populations. Aujourd’hui la puissance militaire d’un pays se met au service de la diplomatie, du développement du pays. Si la fameuse devise romaine : « Si vis pacem, para bellum » vaut son pesant d’or dans le contexte du monde d’aujourd’hui où les régimes autoritaires ne respectent que la force, c’est parce que les romains harcelés par les barbares prirent la décision de se défendre pour s’assurer pendant des siècles la paix et la prospérité. Les dirigeants congolais, ces jouisseurs de première catégorie se délectant dans le marigot de Kinshasa n’ont jamais pris la mesure des événements politico-sécuritaires dans le paradigme de la puissance militaire. Mobutu à son époque l’avait très bien compris. L’on ne saurait enfin parler de la géopolitique de force sans mettre l’accent sur la qualité des animateurs, en l’occurrence les officiers supérieurs des Forces armées. Quand la corruption et d’autres fléaux gangrènent toutes les institutions du pays, tous ces maux ne permettent pas aux forces armées de mettre le pied à l’étrier.
Quant à l’appel lancé par l’église catholique et l’église protestante pour le dialogue national, c’est l’ultime moyen parce que la paix n’a pas de prix, car nos compatriotes ne doivent plus continuer à mourir à l’est du pays, l’intégrité de nos frontières et notre souveraineté doivent être respectées. Le régime de F. Tshisekedi et tous ceux qui le soutiennent ont déjà perdu le contrôle du pays et le glas a sonné pour qu’ils préparent leurs valises. Ces losers viennent de créer des situations chaotiques et aujourd’hui des administrations parallèles à l’est du pays. C’est un pouvoir qui ramène le pays à la fin des années 1990, d’août 1998, voire même au début des années 1960. La situation de la RDC va un cran plus loin et c’est dans ce sens que le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’inquiète du cycle de violence sans fin en RDC. Il faut souhaiter que le dialogue national aboutisse à une feuille de route en vue des nouvelles élections générales dans un délai plus raisonnable.
