(Pa le Professeur Patience Kabamba)
Le congressman Ronny Jackson s’est rendu en République démocratique du Congo pour quelques jours et est rentré avec un verdict clair et décapant sur ce pays. Selon sa conclusion, il ne sait pas ce qui devrait se produire pour enclencher le changement dont la RDC et la région ont besoin. Le MDW qui a toujours évité de parler de la guerre du Congo a néanmoins décidé de s’appesantir sur les propos de l’homme politique américain.
Il y a un dicton connu des anthropologues ouest-africains qui se décline laconiquement comme suit : « Si un Français qui visite le Tchad pendant deux semaines rentre chez lui, à son retour en France, il écrira un livre de 500 pages sur ce pays du Sahel. Un visiteur français qui séjourne au Tchad deux années d’affilée écrira un article de 10 pages. Le Français qui y reste dix années n’écrira rien parce qu’il n’aura pas fini de comprendre la complexité de ce pays ».
C’est dire que plus longtemps on reste dans un milieu, moins enclin on sera d’écrire, d’autant plus que la complexité de la situation devient plus difficile à démêler. La conclusion logique peut donc être devinée ici : Ronny Jackson ne vient de passer que quelques jours dans la région des Grands Lacs africains et fait une déclaration très décapante.
On pouvait le comparer au visiteur français du Tchad qui écrit un livre de 500 pages après sa visite de 30 jours. Cependant, Ronny Jackson n’est nullement un simple visiteur. Il est membre de la commission des affaires étrangères et du renseignement dans la chambre des représentants des Etats-Unis. Il a été ‘marine’ de l’armée américaine et possède ‘un œil’ capable de résumer en peu de temps et de manière décapante une situation sur laquelle il s’est surement renseigné avant de s’embarquer pour cette mission. Je pense personnellement que monsieur Jackson a été briefé par l’ambassade des USA à Kinshasa et par la CIA sur la situation générale dans l’Est du Congo.
Le MDW partage une partie de l’analyse du congressman du Texas. Monsieur Jackson dit à peu près ceci : la RDC est un pays extrêmement riche, elle est encore plus riche dans sa partie orientale, mais elle n’est simplement pas gouvernée. Elle est prise en otage par son gouvernement présent. En effet, un rapport confidentiel donne des détails plus clairs pour garnir la conclusion plutôt décharnée de Ronny Jackson.
Le rapport dit ceci, je cite : « Ce rapport confidentiel expose une architecture complexe de détournement de fonds publics, des contrats militaires frauduleux, des collusions politiques et des engagements avec des individus sous sanctions internationales. L’enquête repose sur l’analyse de documents contractuels, d’extraits bancaires, de correspondances internes ainsi que de sources diplomatiques croisées. Le système identifié implique :
-–Des contrats militaires surfacturés ou non exécutés ;
–Des paiements offshore vers des sociétés écrans ;
– l’implication d’acteurs déjà sanctionnés par les Etats-Unis, l’Union européenne ou l’ONU ;
– une proximité directe avec des membres de la présidence congolaise ;
–Des éléments de collusion avec des groupes armés actifs à l’est de la RDC ; et le montant total estimé du détournement s’élève à 722 millions USD entre 2022 et 2025.
Ceci résume le fait que le gouvernement congolais est caractérisé par une corruption endémique qui a transformé sa partie orientale en un Far West ingouvernable et qui a déclenché chez les voisins, dont le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, une ruée sur les richesses congolaises sous prétexte de poursuivre leurs dissidents. Tout le monde vient se servir à l’est du Congo, y compris le M23, les militaires congolais et les soldats des Nations unies. Englué dans la corruption, le gouvernement n’a aucun moyen de contrôler la partie septentrionale de la RDC. Celle-ci fonctionne donc comme une zone franche où Rwandais, Burundais, Ougandais, M23, militaires Congolais et soldats de la paix et ceux de la SADC se servent, chacun pour son propre compte.
Une des erreurs historiques que contient le discours du congressman américain Ronny Jackson est le fait de reproduire la propagande du président rwandais Paul Kagame qui fait croire qu’une partie du Rwanda avait été incluse dans le territoire congolais. C’est plutôt le contraire qui s’est produit d’après des historiens sérieux.
En effet, il y a eu des territoires congolais qui ont été inclus dans le nouveau Rwanda. Cependant, monsieur Jackson a dit une vérité qui consiste à dénoncer le fait qu’il y ait des Congolais dont la nationalité est remise en question et qui doivent être traités plus justement. Avec ou sans l’aide de l’armée rwandaise, les troupes du M23 sont capables, dit monsieur Jackson, de se battre pour maintenir leur nationalité congolaise.
La conclusion du congressman texan est d’autant plus intrigante qu’elle laisse planer un doute sur la solution de paix dans la partie Est de la RDC.
En substance, Monsieur Jackson dit ceci : « Quelque chose doit arriver, je ne sais pas quoi, mais quelque chose doit arriver pour que cette partie d’Afrique retrouve la paix et la prospérité qu’elle mérite. »
Il serait alors légitime de se demander quel est cet événement qui doit se produire pour rétablir la paix en Afrique, et plus précisément dans cette partie du monde que la RDC. Le MDW voudrait prolonger, en la précisant, cette conclusion du congressman américain.
Sans une révolution populaire dans la RDC actuelle, notre génération va manquer son rendez-vous avec l’histoire. Quand est-ce que cette révolution se produira-t-elle ? C’est lorsque le temps sera mûr pour cela, et chaque jour nous avançons vers cette maturité.
Avant d’en arriver là, la seule solution viable pour la RDC aujourd’hui est le dialogue inclusif et sincère que propose la CENCO-ECC. Sans cela, le pays va entamer une autre décennie d’incertitude, de pauvreté et de faillite avérée.