Dans un tournant spectaculaire de l’actualité politique congolaise, le Ministère de la Justice a annoncé ce 19 avril l’ouverture de poursuites judiciaires à l’encontre de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila Kabange, pour haute trahison et complicité dans l’agression rwandaise via le mouvement M23. Cette décision intervient quelques jours seulement après un communiqué tout aussi explosif émanant du Ministère de l’Intérieur, lequel évoquait déjà des restrictions de mouvement et une surveillance renforcée des figures de l’ancien régime.
Le Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, affirme avoir donné injonction à l’Auditeur Général des FARDC ainsi qu’au Procureur Général près la Cour de cassation, pour l’ouverture d’une enquête judiciaire visant M. Kabila et les cadres du PPRD/FCC, sa plateforme politique. Selon le communiqué officiel, il leur est reproché une implication directe dans les opérations militaires du mouvement terroriste M23, considéré par Kinshasa comme le bras armé du Rwanda dans l’Est du pays.
« Il a été requis de procéder à la saisie de l’ensemble de leurs biens mobiliers et immobiliers, et d’appliquer des mesures restrictives de mouvement à l’égard de tous les responsables impliqués », précise le document du ministère.
Un signal fort du pouvoir en place
Cette offensive judiciaire fait suite à une série de révélations sur le soutien logistique et politique que certains hauts responsables de l’ancien régime auraient apporté au M23, dans le contexte de l’insécurité persistante à l’Est de la RDC.
Le Ministère de l’Intérieur, dans un communiqué antérieur daté du 17 avril, avait déjà ordonné un renforcement des contrôles aux frontières, la suspension des passeports diplomatiques de plusieurs anciens dignitaires, et placé sous surveillance des propriétés soupçonnées de servir de relais logistiques au groupe rebelle.
Une nouvelle ère de justice ?
L’initiative du gouvernement s’inscrit dans la volonté déclarée du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, de « mettre fin à l’impunité et aux réseaux de trahison », tandis que le pays fait face à une intensification des affrontements dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Cette action judiciaire sans précédent contre un ancien président soulève de nombreuses interrogations, aussi bien sur le plan politique que sécuritaire. Elle pourrait également redessiner les équilibres dans la classe politique congolaise à l’approche des élections locales prévues dans plusieurs provinces.
Pour l’heure, ni Joseph Kabila ni les responsables du PPRD/FCC n’ont encore réagi officiellement à ces accusations. Mais des sources proches de l’ancien chef de l’Etat évoquent une volonté de se défendre « devant la justice nationale et internationale ».
Patrice Piardon