(Par le Professeur Wata)
Sur un autre égard, un moment d’innovation, de symbolisme fort et de repositionnement sur la scène internationale ont ponctué cette cérémonie de prestation de serment.
La cérémonie d’investiture de Brice Clotaire Oligui Nguema à la tête du Gabon a marqué bien plus qu’un simple changement de leadership. Par sa mise en scène, ses symboles puissants et la mobilisation qu’elle a suscitée, elle a redéfini les contours d’un pouvoir en quête de légitimité multiple : historique, populaire, panafricaine et institutionnelle.
Loin d’une simple formalité institutionnelle, cet événement a révélé une volonté délibérée de marier enracinement culturel, reconnaissance internationale et mobilisation populaire.
En marge de la prestation de serment devant la Cour constitutionnelle, le président Oligui Nguema a été l’objet d’un rituel d’adoubement traditionnel aux accents de légitimité historique, en présence des notables issus des grandes chefferies du pays.
Ce moment hautement symbolique, inédit dans les investitures récentes au Gabon, visait à ancrer la légitimité du nouveau chef d’État dans les traditions ancestrales, renforçant ainsi l’idée d’un pouvoir en harmonie avec les valeurs ancestrales du peuple gabonais. Ce geste fort souligne également une tentative de réconcilier la gouvernance moderne avec l’autorité coutumière, dans une période de refondation institutionnelle.
Une reconnaissance diplomatique sans précédent
Autre innovation majeure : la présence remarquée de 17 chefs d’État et délégations de haut niveau venus du continent et d’ailleurs, marquant un retour spectaculaire du Gabon sur la scène diplomatique. La cérémonie a offert l’image d’un président adoubé non seulement par ses pairs, mais aussi par une communauté internationale soucieuse de stabilité et de dialogue constructif.
La réintégration du Gabon au sein de l’Union africaine, après la levée des sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), est venue entériner cette reconnaissance. En effet, cette normalisation diplomatique rapide, moins d’un an après le coup de force militaire, témoigne de la capacité d’Oligui Nguema à convaincre ses pairs de la sincérité de sa transition et de son engagement pour le retour à un ordre constitutionnel viable.
Les mots du facilitateur Archange Touadéra : une approbation appuyée
Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, facilitateur désigné du dossier gabonais, n’a pas caché sa satisfaction. Dans son discours, il a salué « un moment de fierté pour toute l’Afrique centrale », reconnaissant les efforts du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) dans la gestion pacifique de la transition et la restauration de la confiance. Ces mots, chargés de sens, renforcent l’idée d’un processus de transition en phase avec les attentes sous-régionales et internationales.
Enfin, l’investiture a été marquée par une mobilisation populaire inédite teintée de communion. Le stade qui accueillait l’événement était rempli « comme un œuf », illustrant une forte adhésion populaire à la figure charismatique du président Oligui Nguema. Cette ferveur, rarement observée lors des cérémonies d’investiture au Gabon, traduit un regain d’espoir, voire un pari populaire sur la rupture promise par les nouvelles autorités.
Une ferveur populaire ancrée dans l’attente de changement
Mais l’un des signes les plus forts demeure sans doute la mobilisation populaire massive : un stade archicomble, une foule compacte et enthousiaste, signe d’un peuple qui adhère — pour l’instant — au récit d’un renouveau national.
Cette ferveur ne se nourrit pas uniquement de la figure du président Oligui Nguema, mais surtout des immenses attentes sociales : la soif de justice, le besoin d’un État de droit effectif, des services de santé et d’éducation dignes, un soutien accru à l’entrepreneuriat, à l’emploi des jeunes, et plus largement à l’autonomisation des Gabonais dans tous les secteurs.
Cette adhésion populaire est donc conditionnelle, et se nourrit d’une espérance forte : que cette rupture avec l’ancien régime ne soit pas que symbolique, mais débouche sur une véritable transformation du pays.
Le passage de la flamme : un signal fort de continuité panafricaine
Autre moment marquant : la transmission de la flamme par Brice Clotaire Oligui Nguema à son homologue, le général Mamadi Doumbouya, président de la transition guinéenne. Ce geste hautement symbolique dépasse les clivages nationaux pour inscrire la transition gabonaise dans une dynamique continentale.
La flamme, portée comme un flambeau de refondation, illustre le passage d’un combat commun pour la souveraineté, l’intégrité et la restauration des institutions africaines, dans une ère de post-démocraties autoritaires contestées. Il l’encourage ainsi à faire de l’exemple gabonais un cas d’école pour produire une suite de transition exemplaire et apaisée.
Conclusion : vers une présidence de refondation
Par la conjugaison de ces différents aspects – ancrage traditionnel, reconnaissance internationale et mobilisation citoyenne –, la cérémonie d’investiture de Brice Oligui Nguema s’est imposée comme un événement politique majeur, porteur d’innovations significatives. Plus qu’un rituel de pouvoir, elle a posé les jalons d’une présidence de refondation, placée sous le signe de la légitimité multiple.
Un moment marquant à plus d’un titre qui trace une voie originale dans un contexte africain en pleine reconfiguration politique. Mais derrière le faste et la symbolique, le réel attend : le Gabon regarde désormais vers l’avenir, avec exigence et vigilance.