Enfin, la fumée blanche est sortie de la cheminée de la chapelle Sixtine du Vatican, à Rome, signe qu’un nouveau Pape est élu. Ce signe est remarqué après le 5ème vote des 133 Cardinaux électeurs. L’archevêque américain Robert Francis Prevost, âgé de 69 ans, a été élu ce 8 mai 2025 le 267ème Souverain pontife à l’issue du conclave et prendra le nom de Léon XIV. Il succède ainsi à François, décédé le 21 avril dernier.
Issu d’une famille d’ascendance française, italienne et espagnole, il est né à Chicago le 14 septembre 1955, en la fête de la Sainte Croix. Après sa formation en mathématiques et en philosophie à l’université de Villanova à Philadelphie, il entre en 1977 en noviciat chez les pères augustiniens, où il prononce ses vœux quatre ans plus tard, avant de recevoir l’ordination sacerdotale en 1982 à Rome. C’est une figure considérée comme « progressiste » au sein de la Curie romaine qui lui impose les mains pour lui conférer le sacrement de l’ordre : Mgr Jean Jadot (1909-2009), diplomate du Saint-Siège alors pro-président du secrétariat pour les non-chrétiens. Cet archevêque de nationalité belge avait été délégué apostolique aux États-Unis de 1973 à 1980, à une époque où la nonciature n’existait pas encore en raison de l’absence de relations diplomatiques formelles entre Washington et le Saint-Siège.
Qualités de médiateur
Mgr Prevost exerce en plus la charge d’administrateur apostolique du diocèse de Callao, le grand port sur le Pacifique, de 2020 à 2021. Au sein de la conférence des évêques du Pérou, il est élu vice-président, devenant membre du conseil permanent de 2018 à 2023, et président de la commission pour l’éducation et la culture de 2019 à 2023. Avec le président de la conférence des évêques du Pérou, il joue un rôle important pour la stabilité institutionnelle durant les crises politiques successives qui mènent aux renversements des présidents Pedro Pablo Kuczynski en 2018, Martín Vizcarra et Manuel Merino en 2020, et Pedro Castillo en 2022. Ce qui laisse augurer des qualités certaines de médiateur chez le nouveau pape qui devra probablement s’affronter diplomatiquement au président Trump, en particulier au sujet du sort des migrants à la frontière mexicaine.
C’est en janvier 2018, au cours du voyage pontifical au Pérou, que François repère Mgr Prevost, reçu en audience privée en 2021. Il le nomme rapidement membre du dicastère pour le Clergé, en juillet 2019, et du dicastère pour les Évêques en novembre 2020, avant de lui confier un dicastère stratégique, celui des évêques, chargé de sélectionner les premiers responsables des diocèses dans les pays depuis longtemps évangélisés, essentiellement situés dans l’hémisphère Nord.
Prenant la succession effective du cardinal Marc Ouellet le 12 avril 2023, de sensibilité plus traditionnelle, il devient le premier évêque missionnaire nommé à ce poste. Les terres de mission demeurent sous la juridiction du dicastère pour l’Évangélisation, l’ex-congrégation pour l’Évangélisation des peuples. Cependant, des évêques venus des pays de l’hémisphère Sud ont parfois occupé la charge de préfet du dicastère pour les évêques, tels que les cardinaux Bernardin Gantin, béninois, de 1984 à 1998 et Lucas Moreira Neves, brésilien, de 1998 à 2000. Durant ses premiers mois de mandat, le nouveau préfet, resté discret dans les médias, est apprécié pour sa qualité d’écoute et sa maîtrise des dossiers.
À peine élu, le nouveau pape doit faire face à une polémique : ses deux années à la tête de la province augustinienne Notre-Dame-du Bon Conseil (1999-2001) ont fait l’objet, vingt ans plus tard, de vives critiques de la presse américaine en raison de son attitude dans une affaire d’abus sexuels sur mineurs impliquant un membre de sa congrégation. En tant que provincial, en septembre 2000, Prevost avait en effet permis l’accueil d’un religieux condamné pour abus sexuels sur mineurs dans un prieuré augustinien situé près d’une école primaire. Avec le durcissement des règles établies par l’épiscopat américain, ce prêtre a été écarté de cette résidence, avant d’être « réduit à l’état laïc » selon l’expression consacrée, en 2012, après la découverte de nouvelles affaires le mettant en cause.
En tant que préfet du dicastère pour les évêques, le cardinal Prevost a eu ensuite pour mission d’appliquer les règles du motu proprio du pape François Vos estis lux mundi, qui peut amener à la démission d’évêques reconnus coupables de négligence, de couverture ou de mauvaise gestion de cas d’abus impliquant des prêtres situés sous leur juridiction. Membre du Synode sur la synodalité, ce grand chantier lancé en 2021 pour rendre l’Église plus inclusive et moins cléricale, le cardinal Prevost a été particulièrement impliqué dans les réflexions sur les nominations d’évêques et leur mode de gouvernance, déclarant que le processus de sélection devait être plus synodal, c’est-à-dire impliquer notamment des laïcs, ce qui était de toute façon déjà prévu dans le droit de l’Église mais pas toujours mis en pratique au niveau des nonciatures.
Personnalité discrète et paisible
Lors de la deuxième phase du Synode sur la synodalité, en 2024, il a mis en valeur l’importance d’une formation commune pour les évêques des diocèses de l’hémisphère Nord et ceux des diocèses dits « de mission », invitant à mieux articuler le lien entre Rome et les Églises locales et à élargir la sélection des nouveaux évêques en consultant le peuple de Dieu. Dans un entretien aux médias du Vatican en 2023, il avait pour autant expliqué ne pas souhaiter que le choix des évêques soit le résultat d’un processus démocratique ou politique, défendant en cela la tradition de l’Église.
Dans le même registre, début 2024, il faisait partie des évêques de la Curie qui ont bloqué le projet de « Conseil synodal » du Synode allemand, cette structure voulue pour permettre à des représentants laïcs désignés démocratiquement de participer pleinement à la gouvernance de l’Église catholique dans le pays. Sur la question du rôle des femmes, le nouveau pape suivra la ligne de François, écartant la possibilité de femmes diacres, une décision qui selon lui risquerait de « cléricaliser » la femme dont la vocation dans l’Église n’est pas de l’ordre du ministère ordonné. Le cardinal Prevost a largement plaidé cependant pour donner davantage d’espace aux femmes, notamment à des postes de responsabilités. Son dicastère s’est d’ailleurs transformé dans ce sens puisque trois femmes y siègent. Son pontificat, fidèle aux avancées de celui qui l’a précédé, sera certainement plus serein, à l’image de la personnalité discrète et paisible du Pape Léon XIV.
César Nkangulu