Figure politique chevronnée du parti Mouvement pour le Renouveau (MR), Clément Kanku a choisi une date hautement symbolique, le 17 mai 2025, jour commémoratif du Soldat congolais, pour rompre un long silence d’observation. Devant une assemblée de journalistes, il a livré une analyse sans concession des maux qui rongent la République Démocratique du Congo, esquissant des pistes de sortie et appelant à une prise de conscience collective. Au cœur de son intervention, la guerre d’agression qui meurtrit l’Est du pays, la nécessité impérieuse de renforcer les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) par une prise en charge adéquate, et l’épineuse question de la levée des immunités parlementaires de l’ancien Chef de l’Etat, Joseph Kabila, dont l’ombre plane sur des accusations de connivence avec les forces déstabilisatrices du M23/AFC.
D’emblée, Clément Kanku a marqué les esprits en revisitant la signification du 17 mai. Loin d’une simple commémoration, il y voit une date capitale, mais dans un sens tragique : « Le 17 mai, cette date consacre la descente aux enfers de notre pays, » a-t-il asséné.
Pour lui, c’est le point de départ de l’agression rwandaise et des ingérences étrangères qui ont mis la RDC à genoux devant de petits pays soutenus par certaines puissances. Il fustige l’ironie cynique de célébrer les FARDC à une date qui, selon son analyse, a marqué « la destruction et la fragilisation de nos forces armées. »
Rappelant l’adage qu’un peuple qui ignore son passé est condamné à le revivre, Clémént Kanku soutient que les affres actuelles trouvent leurs racines dans ce jour où ‘’certains Congolais ont accepté de servir de cheval de Troie au Rwanda et à d’autres pays pour faire main basse sur la richesse de notre pays. » Cette complicité interne aurait engendré une « spirale de violence » et une « instabilité quasi chronique, » plaçant la nation sous la coupe de « forces mafieuses dirigées par les pays voisins. »
Face à ce qu’il considère comme un travestissement de l’histoire, le président du MR propose une démarche forte : une pétition pour que le 17 mai symbolise désormais « le malheur du peuple congolais. » Il va plus loin, suggérant de déloger le mausolée de Laurent-Désiré Kabila devant le Palais de la Nation pour y ériger « une espèce de stèle ou une sculpture qui reprend le malheur du peuple congolais, » un lieu de recueillement annuel pour ne jamais oublier.
Clément Kanku ne mâche pas ses mots : « C’est le Rwanda qui est en guerre contre le Congo. » Partant de ce constat, toute discussion ou recherche de terrain d’entente doit se faire prioritairement avec Kigali. Cependant, avant toute chose, il appelle les Congolais à un examen de conscience. « Nous devons nous regarder en face, nous les Congolais d’abord. Nous devons nous demander comment une armée forte qui a fait ses preuves à travers le monde peut se retrouver en 2025 mise à mal et fragilisée par les pays voisins », s’est-il interrogé.
Il rend hommage aux FARDC et aux résistants Wazalendo tombés au front, affirmant que les Congolais n’ont pas démérité. Par ailleurs, il pointe du doigt l’infiltration, la manipulation comme causes de l’affaiblissement de l’armée, tout en gardant l’espoir qu’elle doit un jour se relever pour sortir ce peuple de cette humiliation.
L’homme politique déplore que, malgré les alternances démocratiques de 2018 et les élections de 2023, « certains Congolais prennent un raccourci pour aller se greffer derrière l’agression rwandaise afin de revenir au pouvoir. » Il rappelle qu’en 2006 et 2023, de grands partis d’opposition avaient refusé de participer aux élections sans pour autant prendre les armes. « Ce que nous ne comprenons pas, c’est que cette fois-ci, certains trouvent l’occasion d’aller soutenir l’agression rwandaise pour justifier une démarche politique, » s’indigne-t-il, regrettant que des compatriotes continuent de « servir de cheval de Troie. »
Crise sécuritaire, pas politique
Pour Clément Kanku, le diagnostic est clair : « Il n’y a pas de crise politique au Congo, mettons-nous d’accord. Nous avons une crise sécuritaire qui est due à l’agression de notre pays par le Rwanda. » Il dénonce une distraction entretenue par certains politiciens qui voudraient enfermer le pays dans des débats politiciens stériles, au détriment des véritables enjeux de développement. « Quand est-ce que nous allons nous consacrer au développement de ce pays ? Quand est-ce que nous allons construire des autoroutes ? Assurer de l’eau potable, de l’électricité ? », a-t-il lancé.
Il critique ceux qui, y compris certaines confessions religieuses, tombent dans le piège de lier la guerre d’agression à des élections prétendument mal organisées. « Nous disons non, » martèle-t-il.
Dans cette optique, le soutien au gouvernement et au Commandant Suprême dans leurs efforts pour restaurer la paix est, pour lui, acte patriotique. « A l’inverse, mettre les bâtons dans les roues, aller faire une campagne à l’étranger contre votre propre armée, aller défendre la thèse de l’agresseur est un acte de trahison. » Il s’étonne que certains conditionnent leur prise de position contre la guerre à la tenue préalable d’un dialogue, surtout si ce dialogue vise à obtenir la démission anticonstitutionnelle du président actuel.
Aux acteurs politiques non partie prenante aux affaires, il conseille la patience jusqu’aux élections de 2028, citant son propre cas. « Si chacun de nous, à chaque fois qu’il n’est pas aux affaires et qu’il veut accéder au pouvoir, doit aller prendre les armes, nous allons continuer à tourner en rond et nous allons donner une passerelle à ceux qui nous manipulent depuis l’indépendance. »
Il fustige également l’attitude de ceux qui, ayant participé au pouvoir ou y étant toujours, « sautent sur l’occasion pour demander au gouvernement d’aller négocier » avec l’agresseur, au lieu de concentrer les efforts sur le renforcement de l’armée. « Nous ne sommes pas d’accord pour que le Congo se mette à genoux devant le Rwanda, » proclame-t-il avec force. « Quand la maison brûle, on ne se pose pas la question de savoir qui a gagné ou qui a perdu. On regarde dans la même direction. »
Levée des immunités de Joseph Kabila
Un des points saillants de l’intervention de Clément Kanku concerne la situation de l’ancien président Joseph Kabila. Le leader du MR plaide sans ambages pour la levée de ses immunités parlementaires, alors que des soupçons de « connivence avec les terroristes de l’AFC-M23 » pèsent sur lui.
Le leader du MR critique vertement la loi sur le statut des anciens Chefs d’État, estimant qu’elle a été « trafiquée par l’ancienne majorité pour qu’elle soit une loi qui consacre totalement l’impunité, » alors que son intention originelle était simplement d’assurer « un certain standing et un mode de vie » aux anciens présidents. Il juge cette loi anticonstitutionnelle et appelle à sa modification, voire à sa suppression pure et simple. Pour lui, « Joseph Kabila, ancien président de la République, est un citoyen ordinaire. Et donc, il est soumis à la loi. »
Cette prise de position courageuse s’inscrit dans une logique de redevabilité et de lutte contre l’impunité, considérée comme un frein majeur à l’instauration d’un État de droit véritable.
Propositions concrètes pour une sortie de crise
Au-delà des constats et des critiques, Clément Kanku formule une série de propositions à l’endroit du Chef de l’État, Félix Tshisekedi :
1. Consulter les leaders politiques et les leaders d’opinion pour recueillir leurs perspectives.
2. Inviter tous les opposants politiques pour une discussion franche sur la situation du pays et les pistes de sortie de crise.
3. Organiser une Conférence Nationale pour la Paix, ‘’un cadre de concertation initié et mené par les Congolais eux-mêmes, non pas pour un partage de pouvoir, mais pour cimenter l’unité nationale. « L’unité nationale n’a pas de prix, l’unité nationale n’a pas de condition, » a-t-il souligné.
Il insiste sur la nécessité de renforcer les FARDC, de veiller à ce que les fonds alloués parviennent à destination, et d’améliorer drastiquement les conditions de vie des combattants et des résistants Wazalendo. Il salue les efforts déjà consenti par le gouvernement pour la prise en charge des familles des soldats tombés au champ d’honneur, une mesure qu’il avait lui-même proposée. « Ceux qui vont se battre sachent qu’ils se battent pour la République, pour défendre le drapeau, mais que s’il arrive quelque chose, leurs familles ne seront pas abandonnées. »
Gouvernance et malaise socio-économique
Enfin, Clément Kanku n’a pas éludé les défis internes, condamnant la mégestion au sommet de l’État ainsi que les nombreux cas de détournements des deniers publics par les acteurs politiques aux affaires, la gestion opaque des finances publiques et l’insécurité urbaine. Ces maux, selon lui, sapent le développement socio-économique et le bien-être des Congolais.
La Pros.