Alors que l’éducation devrait être un droit égal pour tous, les frais de participation aux examens nationaux en République Démocratique du Congo mettent en lumière une réalité particulièrement inquiétante. Ces frais varient fortement d’une province à l’autre. A Kinshasa, les élèves ne paient que 31 000 FC pour passer la session ordinaire de l’examen d’État.
Pendant ce temps, leurs camarades d’autres provinces comme l’Équateur ou le Maï-Ndombe doivent s’acquitter de 85 000 FC, voire davantage dans certaines régions. C’est ce que révèlent les données publiées récemment sur le site officiel du ministère de l’Éducation nationale et de la Nouvelle Citoyenneté. Une disparité choquante que le Gouvernement central, selon certains observateurs, semble entériner.
Des exemples édifiants
A Kinshasa, un élève paie 26 000 FC pour le Tenasosp, 54 000 FC pour la hors session, et 31 000 FC pour la session ordinaire de l’examen d’État. A l’Équateur, ces frais s’élèvent respectivement à 35 000 FC, 95 000 FC, et 85 000 FC. Dans la province de la Tshuapa, la session ordinaire atteint 90 000 FC. À l’inverse, dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, les examens sont entièrement gratuits en raison du contexte sécuritaire. Ça se comprend !
Une logique décentralisée… mais inéquitable
En RDC, ce sont les gouverneurs de province qui fixent les frais de participation aux examens. Cette mesure, liée à la décentralisation, visait à adapter les coûts aux réalités locales. Mais, dans la pratique, elle a entraîné de fortes disparités.
Le paradoxe est frappant : les provinces les plus économiquement défavorisées imposent parfois les frais les plus élevés. Là où le coût de la vie est déjà difficile, les familles doivent supporter une charge financière disproportionnée pour permettre à leurs enfants d’accéder aux examens nationaux. À l’inverse, Kinshasa, la capitale où se concentre une grande partie des ressources publiques, affiche les tarifs les plus bas. Une situation qui alimente un sentiment d’injustice et de frustration chez de nombreux parents vivant dans les provinces.
Cette situation soulève une question fondamentale : comment garantir une éducation équitable si l’accès aux examens dépend du lieu de résidence ? Le principe d’égalité des chances, inscrit dans la Constitution congolaise, est ici mis à mal. Il est impératif que le gouvernement central, en collaboration avec les autorités provinciales, procède à l’harmonisation des frais de participation aux examens nationaux. Une telle mesure permettrait de rétablir l’équité, d’éviter que la réussite scolaire ne soit conditionnée par des critères géographiques, et de garantir à tous les élèves, sans distinction, les mêmes chances de réussite.
Aussi longtemps que ces inégalités persisteront, de nombreuses familles choisiront d’envoyer leurs enfants à Kinshasa. La capitale, déjà surpeuplée, devient le refuge d’un espoir éducatif que le reste du pays ne semble plus garantir. Ce phénomène d’exode interne provoque un abandon progressif des provinces, l’affaiblissement des identités locales et un déséquilibre territorial profond.
Beaucoup de jeunes quittent leur terre d’origine, abandonnent leur culture, leur langue, leurs repères, avec l’idée que l’avenir ne se construit qu’à Kinshasa.
L’Etat, par des réformes mal équilibrées, ne contribue-t-il pas à ce déséquilibre ? Cette politique tarifaire à double vitesse est un signal clair : certaines vies scolaires valent plus que d’autres. L’éducation est un droit, pas un privilège. Pour qu’elle le reste, la République Démocratique du Congo doit mettre fin aux disparités injustifiées dans les frais d’examens nationaux. Il en va de l’égalité des chances, de la justice sociale et de l’avenir de notre jeunesse. Harmoniser, c’est aussi freiner l’exode vers Kinshasa, renforcer la cohésion nationale, et rappeler que chaque élève congolais, de Boende à Goma, de Kananga à Kinshasa, a autant de valeur, de potentiel et de mérite.
Bahati Kasindi/CP