L’écrivain Kényan Ngugi wa Thiong’o est décédé ce mercredi 28 mai 2025 à l’âge de 87 ans à Buford, en Géorgie, aux États-Unis. La cause de son décès est liée à des complications de santé, après avoir subi une chirurgie cardiaque en 2019, laissant derrière lui une œuvre monumentale et un héritage intellectuel qui a profondément marqué la littérature africaine contemporaine. Connu pour son engagement indéfectible envers la décolonisation des esprits, il fut l’un des plus ardents défenseurs de l’écriture en langues africaines de la libération culturelle du continent africain.
Né le 5 janvier 1938 à Kamiriithu, près de Limuru au Kenya, lors de la colonie Britannique, Ngugi wa Thiong’o a vécu le bouleversement de la lutte pour l’indépendance et en a fait la trame de plusieurs de ses romans. Il a débuté sa carrière littéraire en écrivant en anglais, avant de se tourner vers le Kikuyu, sa langue maternelle, pour dénoncer le colonialisme et revendiquer la souveraineté culturelle africaine. Parmi ses romans, les plus célèbres il y a notamment, Weep Not, Child (1964), Petals of Blood (1977) et Wizard of the Crow (2006). A travers ses personnages complexes et ses récits puissants, il a dénoncé les injustices coloniales, les dérives du pouvoir post-indépendance et les violences sociales subies par les populations africaines.
Après avoir abandonné l’écriture en anglais à la fin des années 1970, il choisit Kikuyu sa langue maternelle comme langue d’expression littéraire et intellectuelle. Ce choix à contre-courant des attentes de l’industrie éditoriale mondiale, avait marqué un tournant majeur de sa carrière. Il publia ainsi Caitaani Mutharaba-Ini (le diable sur la croix), depuis sa cellule de prison sur des papiers hygiéniques, après avoir été emprisonné en 1977, pour sa pièce de théâtre engagée contre les abus du régime Kényan.
Son serment politique l’a conduit en prison et poussé en exil. Son emprisonnement a été fait sans qu’il ait un procès, après avoir écrit la pièce Ngaahika Ndeenda qui signifie « je me marierai quand je veux », qui blâme le néocolonialisme et les élites corrompues. Après sa condamnation, Ngugi a jugé bon de s’exiler aux Etats-Unis d’Amérique, où il poursuivra son œuvre littéraire et enseignera dans l’Université de la Californie à Irvine.
C’est 22 ans après son exil, précisément en 2004, qu’il retourne au Kenya avec sa femme. Quelques jours après, ils ont été victimes d’agression dans leur habitation. Après réflexion, il conclut que c’était une tentative d’intimidation politique et continua, ainsi, à lutter comme d’habitude.
Professeur, Essayiste, Penseur politique et critique de la néocolonisation, Ngugi a aussi brillé dans des essaies tels que : ‘’Décoloniser l’esprit’’, dans lequel il appelait à repenser l’éducation, la langue et la culture africaine lors du cadre eurocentré. Son œuvre académique a inspiré plusieurs générations d’écrivains, d’intellectuels et d’activistes.
La mort de Ngugi wa Thiong’o marque la fin d’une époque pour la littérature africaine, mais son œuvre traduite dans de nombreuses langues, continuera de résonner dans le monde entier, comme un appel vibrant à la liberté, à la dignité et à la mémoire des peuples africains. Son engagement, son audace et son génie littéraire font de lui l’un des plus grands écrivains du XXème et du XXIème siècle.
Corinne Ontande