La présidence congolaise a mis en place une cellule de coordination afin de suivre les négociations autour d’un accord sur les métaux critiques avec les Etats-Unis. En ligne de mire, des investissements et un appui sur la crise sécuritaire dans l’Est.
Le président congolais, Félix Tshisekedi, tient à l’avancée des discussions autour de l’accord sur les minerais entre la RDC et les États-Unis, lequel est évoqué depuis février 2025. Si, côté RDC, le partenariat doit ouvrir la voie à une aide américaine plus conséquente sur le conflit dans l’est du pays, côté américain, celui-ci doit faciliter l’accès des investisseurs aux gisements stratégiques de cuivre, de cobalt ou encore de lithium dont regorge la RDC.
Pour avancer dans les pourparlers avec l’administration Trump, la présidence congolaise a mis en place, mi-mai, une « cellule de coordination stratégique » chargée du suivi des négociations comme de la mise en œuvre du partenariat « relatif aux minerais critiques, au développement et à la prospérité ». En tout, cette nouvelle instance est constituée de 22 personnes, dont huit chargées de sa direction, cinq au secrétariat technique et neuf experts.
La cellule sera supervisée par Anthony Nkinzo Kamole, directeur de cabinet du chef de l’État congolais, et coordonnée par Patrick Mpoyi Luabeya. Ce dernier, à la tête de l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (Arecoms), est sur le devant de la scène depuis qu’en février, son organisation a suspendu pour quatre mois les exportations de cobalt depuis la RDC, générant un séisme sur le marché mondial de ce métal clé de la transition énergétique.
Experts venus du public et du privé
La direction de la cellule est également composée de la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et de son homologue des Mines, Kizito Pakomba Kapinga Mulume. Parmi les figures attendues celle de Sumbu Sita Mambu, haut représentant de Félix Tshisekedi sur la feuille de route de Luanda, dont l’objectif était de trouver les conditions de la paix entre la RDC et les rebelles du M23.
Les patrons des entreprises minières publiques de RDC, propriétaires d’une large partie des permis miniers qui seront proposés aux investisseurs américains, auront également leur mot à dire dans les discussions. Guy Robert Lukama, président du conseil d’administration de la Gécamines, détentrice de nombreux périmètres de cuivre et de cobalt dans le Haut-Katanga et le Lualaba, a été nommé au sein de la direction de la cellule. Le DG de la société, Placide Nkala Basadilua, fait partie du groupe d’experts. Il en est de même de ses homologues à la Cominière, Célestin Kibeya Kabemba, société propriétaire du très stratégique gisement de lithium de Manono, et à la Sakima, Fidèle Babala Wandu, qui possède des permis aurifères dans le nord-est de la RDC.
Patron du Cadastre minier (CAMI), l’instance chargée d’attribuer les périmètres dans le pays, Popol Mabolia Yenga sera lui aussi sollicité pour son éclairage. Le 30 mai, il a signé un communiqué informant de la fermeture temporaire des nouvelles demandes de droits miniers et de carrières, afin d’assainir le fichier cadastral.
Stéphane Cormier, conseiller de Guy Robert Lukama, après avoir été celui de l’ancien PCA de la Gécamines Albert Yuma, a été placé au secrétariat technique de la cellule, tout comme l’ex-secrétaire général de la compagnie publique, Deogratias Ngele Masudi. Jean-Claude Kabongo, qui a été ex-conseiller spécial en matière d’investissement de Félix Tshisekedi pendant son premier mandat, intègre lui aussi la cellule. Ce conseiller de l’ombre est l’une des courroies de transmission entre Kinshasa et Doha alors que le Qatar joue en ce moment un rôle de médiateur entre les autorités congolaises et les rebelles du M23.
Celle-ci est également composée d’experts venus de l’extérieur de l’appareil étatique congolais, mais travaillant souvent à ses côtés. L’avocat Pascal Agboyibor, fondateur d’Asafo & Co, est ainsi conseil de la Gécamines depuis des années. C’est aussi pour la Gécamines qu’a déjà travaillé le cabinet EY. Son associé en RDC, Baraka Kabemba, est l’un des experts associés à la cellule. L’avocate Kawtar Raji, du cabinet Gauvin & Raji, a un rôle similaire.
Incertitudes
Un accord Kinshasa-Washington doit permettre à la RDC de diversifier ses partenaires miniers. À l’heure actuelle, le secteur est largement dominé par des groupes chinois. Les capitaux venus des États-Unis sont néanmoins déjà présents avec le producteur d’étain Alphamin Resources et celui de cuivre Ivanhoe Mines, fondé par le Canado-Américain Robert Friedland.
Le groupe californien KoBold Metals a fait part de son intérêt pour le gisement de lithium de Manono, espérant ainsi solder le litige opposant l’australien AVZ Minerals au chinois Zijin Mining. La société Chemaf, propriétaire des mines de cuivre-cobalt de L’Étoile et Mutoshi, est également l’objet des attentions américaines. Certains permis contrôlés par le groupe d’origine kazakhe Eurasian Resources Group (ERG) pourraient aussi faire partie des options, tout comme l’achat de la production issue de mines congolaises.
Pour que des investissements américains se concrétisent en RDC, encore faut-il lever une série de réticences, parmi lesquelles une instabilité législative et contractuelle qui sévit dans le pays, mais aussi à la corruption, l’insuffisance des infrastructures ou encore l’insécurité. À cela s’ajoute une incertitude politique, renforcée par le retour de l’ancien président Joseph Kabila dans le pays, alors que sous sa présidence, la présence chinoise a augmenté dans les mines de RDC.
De Jeune-Afrique