(Par le Professeur Patience Kabamba)
Le MDW de ce samedi est au sujet du principe de responsabilité de Hans Jonas, un philosophe allemand (1903-1993). Il pense que nous sommes responsables de ce que le monde sera demain. Nous avons à la fois une responsabilité dans le domaine de l’éducation, de la sante et aussi de l’écologie. Les élèves et étudiants que nous formons aujourd’hui reflèteront ce que nous leur donnons comme formation. La sante de nos enfants dépendra de la manière dont nous les nourrissons aujourd’hui. Bref, demain aura l’image de ce que nous sommes aujourd’hui. Si nous érigeons le mensonge en principe de gouvernance, ne soyons pas surpris que notre progéniture excelle dans le mensonge. Si nous nourrissons nos enfants avec des cuisses des poulets surgelés sans légumes ni fruits, ne nous étonnons pas que l’on est des personnes anémiques et ratatinées dans le futur.
C’est cette logique que le philosophe allemand Jonas veut pour nous dire. Pour lui, la nature de demain sera ce que nous en ferons aujourd’hui. Si nous la traitons avec un sens aigu de responsabilité, elle nous offrira ce que nous attendons d’elle. La semaine prochaine, je parlerai de la vie des peuples autochtones (pygmées) dans une conférence en ligne.
Nos relations dans l’avenir avec les premiers occupant de l’Afrique dépendront de la manière dont nous les traitons aujourd’hui. L’appel de Hans Jonas reste d’actualité. Il ne s’agit pas de croire totalement à l’anthropocène ni même d’être climatosceptique, mais de comprendre la logique de la corrélation entre nos actions et le comportement de la nature.
Le point de départ de la théorie de Jonas est un constat : longtemps, la nature est demeurée un cadre immutable, à la fois protecteur et menaçant, d’une vie humaine ressentie comme précaire.
Aujourd’hui, grâce à la technologie, la nature est devenue altérable à volonté, elle est devenue comme “un être fragile et menace.”
De menaçant, la nature est devenue menacée. Elle est devenue un objet de responsabilité, comme un bébé que l’on doit protéger.
Il n’est plus sûr que l’humanité trouve demain les conditions de sa survie. “Après-nous, ça ne devrait pas le déluge !”
Pour Hans Jonas, la responsabilité à l’égard de l’humanité est le fondement d’une conception inédite de l’éthique. Généralement, nous comprenons la responsabilité sous sa forme juridique. Responsabilité signifie être capable de répondre de ses actes, revendiquer la paternité de ses actes. On dédommage, par exemple, la personne qu’on a lésée. C’est la responsabilité – imputabilité.
Cependant, Jonas va plus loin, son sens de responsabilité est une idée morale ou métaphysique. La responsabilité dont il parle n’est pas au sujet d’une personne présente qu’il faut dédommager ; il ne s’agit pas d’une responsabilité juridique.
La responsabilité jonassienne est une responsabilité devant l’avenir, un souci ou une sollicitude pour autrui. – obligation ou je me trouve de répondre même si aucune loi ne m’y oblige.
Dans ces conditions, la responsabilité est le fondement de l’autonomie et non sa conséquence. La responsabilité de Hans Jonas est la condition de l’humanité et non sa conséquence. Cette responsabilité – sollicitude est une véritable “sujétion à autrui”. Le moi est assujetti à autrui comme le dira Emmanuel Levinas.
La responsabilité de Jonas n’est pas considérée à partir des actes que l’on fait, mais à partir de ce que l’on est capable de faire, le “pouvoir-faire.” Du “tu dois, donc tu peux”, on passe à du “tu peux, donc tu dois” (p.177)
A cause du progrès technologique qui fragilise la planète, la nature et la vie dans son ensemble sont périssables, alors, je dois me considérer comme garent de la planète, et à ce titre, comme “co-responsable” de son devenir. A cause du fait que la planète est devenue fragile et épuisable, il faut agir de sorte que le monde continue après toi.
Cette responsabilité est non-réciproque. Elle m’oblige à l’égard d’un avenir qui n’existe pas, qui n’est pas encore là, et auquel je ne demanderai pas de compte. La fragilité du nouveau-né oblige les parents de manière irréfutable, à s’occuper de lui. La relation de l’adulte à l’égard du nouveau-né n’est pas juridique. Elle est éthique, fondamentalement asymétrique et irréversible. Le propre de l’éthique est de commander sans rien promettre en échange. Elle commande le respect de l’humanité- agir en faisant en sorte que l’humanité soit, que les hommes soient possibles, qu’ils puissent encore naitre et devenir.
L’impératif catégorique Jonassien se présente comme suit : « Agit de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la pertinence d’une vie authentiquement humaine sur terre.” (pp.30-31).
La responsabilité citoyenne dont nous parlons dans la gestion des déchets domestiques fait partie d’une telle éthique qui repose sur le souci de prendre en considération l’intérêt de la planète et des générations à venir. En tant que “gardien de la planète,” nous avons des obligations à l’égard des générations futures, de même que nos ancêtres eurent des obligations à notre égard. Chaque génération est la gardienne de la planète en même temps que son usufruitières.
La génération congolaise de demain sera ce que nous en ferons aujourd’hui. Nous avons une responsabilité générationnelle qu’il faudra prendre avec gravitas !