(Par Isidore KWANDJA NGEMBO)
Le XXe Sommet de la Francophonie qui se tiendra au Cambodge l’année prochaine sera électif. L’actuelle secrétaire générale, Madame Louise Mushikiwabo, finit son deuxième et dernier mandat à la fin de l’année prochaine. La désignation du nouveau secrétaire général de la Francophonie sera un moment fort de ce Sommet. Le choix se fait par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), à huis clos, par consensus ou, en cas de désaccord, par vote. Conformément à l’Annexe I, point 2 du Règlement unique des instances de la Francophonie : « La Conférence ministérielle de la Francophonie ordinaire se tenant l’année précédant un Sommet électif, lance un appel à candidature pour pourvoir au poste de secrétaire général et fixe une date limite de dépôt des candidatures qui ne peut être inférieur à six (6) mois avant le Sommet électif. »
La prochaine Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) ordinaire, précédant le XXe Sommet électif qui se tiendra au Cambodge en 2026, est prévue en novembre 2025 à Kigali au Rwanda. La RDC a déjà exprimé son intention de ne pas y participer si cette 46e CMF n’est pas délocalisée dans un autre pays : « organiser la Conférence ministérielle de la Francophonie à Kigali constituerait une caution tacite de l’agression du Rwanda contre la RDC et une transgression des valeurs portées par la Francophonie », dixit la ministre déléguée de la RDC en charge de la Francophonie.
En mars dernier, le Canada avait également exprimé son intention de revoir sa participation aux événements internationaux organisés au Rwanda, pour protester contre les violations flagrantes de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et de la Charte des Nations Unies. A défaut d’obtenir la délocalisation de la 46e CMF, la RDC devrait tout de même suivre de plus près le déroulement de cette réunion cruciale pour la suite des choses. Cela dit, il y a une coutume qui peut se vérifier à l’OIF selon laquelle, il y aurait un accord non écrit, mieux, un consensus implicite qui voudrait que le choix du secrétaire général soit porté sur un ressortissant d’un pays du sud et que l’administrateur de l’OIF vienne d’un pays du Nord.
Comme nous pouvons le voir, nous avons eu des secrétaires généraux suivants : Boutros BOUTROS-GHALI issu de l’Afrique du Nord ; Abdou DIOUF issu de l’Afrique de l’Ouest, Michaëlle JEAN issu du Canada et Louise MUSHIKIWABO issu de l’Afrique de l’Est.
En 2014, pour déroger à cet accord non écrit, je me rappelle que nous présentions la candidature de Michaëlle JEAN comme une synthèse du Nord et du Sud, tout en valorisant ses origines africaines. Cela étant, j’entends encore résonner à mes oreilles le discours du Président Emmanuel Macron, le 12 octobre 2018, au Sommet de la Francophonie à Érevan en Arménie : « La francophonie doit se redonner un mandat fort en faveur de notre langue. La langue française et sa diffusion sont au centre de notre organisation. Et quand je dis la langue française, je parle de nos langues françaises dont l’épicentre, je l’ai souvent dit, n’est ni à droite ni à gauche de la Seine, mais sans doute dans le bassin du fleuve Congo, ou quelque part dans la région. »
Le Bassin du fleuve Congo dont parle le Président français, est situé en Afrique centrale et s’étend sur six (6) pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon. Cette Afrique centrale n’a jamais eu l’occasion de diriger notre organisation intergouvernementale. Elle a fait trois tentatives infructueuses, en présentant la candidature de l’ambassadeur congolais Henri LOPES, d’abord en 1997 face à Boutros Boutros-Ghali, ensuite, en 2001 face à Abdou DIOUF et enfin, en 2014 face à Michaëlle JEAN. Il est temps maintenant que l’Afrique centrale puisse prendre également la direction de la Francophonie.
Ainsi, fort de son poids démographique galopant, la République démocratique du Congo est devenue le premier pays francophone au monde, mais, disons-le franchement, son influence politique et diplomatique est très limitée au sein des instances de cette organisation. Le président Félix Tshisekedi qui a fait de la paix, – valeur fondamentale de la Francophonie -, l’une des clefs de voûte de sa diplomatie multilatérale, devra savoir user du poids démographique de son pays au sein de cette organisation pour y exercer une influence politique et diplomatique réelle. De plus, en réussissant à placer un Congolais à la tête d’une organisation internationale, il aura gagné à coup sûr un pari qu’aucun autre chef d’État congolais avant lui n’avait osé. En effet, si hier la Francophonie était dirigée essentiellement par des anciens chef d’Etat et des ministres, aujourd’hui comme on peut bien le remarquer à l’Annexe I, point 3, du Règlement unique des instances de la Francophonie adopté lors de la 40e session de la CMF du 16 mars 2022 à Paris, la fonction de secrétaire général n’est plus une exclusivité ou l’apanage des seuls anciens chefs d’État ou de gouvernement, encore moins des anciens ministres ou des ministres en fonction.
Le Règlement unique des instances de la Francophonie, qui fixe les critères et la procédure de désignation du secrétaire général de la Francophonie, donne la possibilité à tout ressortissant d’un État membre de plein droit, qui a exercé des fonctions officielles importantes, possédant de hautes qualifications, de hautes compétences et d’expériences internationales avérées et surtout qui a fait preuve d’un engagement remarquable en faveur des valeurs et priorités énoncées dans la Charte de la Francophonie, de briguer le mandat de secrétaire général de la Francophonie. Il est également important de souligner que l’un des objectifs visés dans la Charte de la Francophonie, c’est d’œuvrer au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle. A cet effet, le Sommet de la Francophonie et les Jeux de la Francophonie sont les deux grands événements majeurs qui font rayonner la Francophonie à travers le monde.
Avec l’organisation des Jeux de la Francophonie à Kinshasa, qui ont réuni des jeunes talents autour d’épreuves sportives et culturelles, nous avons contribué effectivement au rapprochement des jeunes francophones issus de cinq continents, en favorisant la diversité, l’excellence et la solidarité francophone. Nul doute que si la RDC présentait notre candidature, elle serait la bienvenue, aurait bien évidemment le soutien du Canada, du Québec, du Nouveau-Brunswick et l’assentiment de plusieurs pays membres.
Notre candidature viendrait répondre à la préoccupation du président de la République française qui disait, dans son discours du 12 octobre 2018, au Sommet d’Érevan que : « Ma première conviction, ma conviction profonde, c’est que la Francophonie doit reconquérir la jeunesse, doit redevenir un projet d’avenir plein et entier. Oui, notre organisation doit s’adresser d’abord à la jeunesse. On nous a parfois reproché d’être trop institutionnels. C’est souvent injuste, mais pas toujours infondé. Notre organisation doit renouer avec nos populations, s’adresser à elles, faire la preuve auprès d’elles de ce qu’elle apporte. La population de l’espace francophone est jeune, ne l’oublions pas, lui proposer un avenir par l’éducation, la formation professionnelle, l’emploi, l’engagement dans la cité, la culture, c’est notre défi principal. Le premier combat de la Francophonie dans les années à venir, c’est la jeunesse, et tout particulièrement la jeunesse en Afrique. »
Nous devons revenir aux fondamentaux sur lesquels s’appuient l’action de la Francophonie, à savoir : la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique ; la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme ; l’appui à l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ; le développement de la coopération économique au service du développement durable.
Isidore KWANDJA NGEMBO
Représentant de la RDC au Conseil d’orientation du Comité International des Jeux de la Francophonie ;
Direction national des IXes Jeux de la Francophonie.