Accueil » Ma réponse à la situation de l’université Columbia, mon alma mater.

Ma réponse à la situation de l’université Columbia, mon alma mater.

Par La Prospérité
0 commentaire

(Par le Professeur Patience Kabamba)

Depuis près d’un an, l’université Columbia de New York se trouve à l’avant-garde des manifestations, parfois violentes, sur le campus en soutien au peuple palestinien, perçu, à juste titre, comme victime d’une guerre asymétrique menée par Israël, considéré comme le bourreau. Cependant, le Hamas est devenu un symbole de résistance plutôt qu’un groupe terroriste. La situation s’est détériorée en raison de la réaction du gouvernement Trump, qui envisage de retirer à l’université Columbia les avantages associés au Titre VI.

 Le Titre VI et ses règlements stipulent que les établissements d’enseignement supérieur recevant une assistance financière fédérale doivent fournir à tous les étudiants un environnement académique exempt de discrimination or de harcèlement fondé sur la race, la religion, la couleur et l’origine nationale.

Cela implique que les étudiants ont le droit d’être protégés contre les insultes ethniques ou raciales, le harcèlement lié à leur apparence vestimentaire ou à leur manière de s’exprimer, ainsi que contre tout stéréotype basé sur des caractéristiques ancestrales or ethniques, qu’elles soient réelles ou perçues.

Selon les allégations du gouvernement fédéral, l’université Columbia n’a pas réussi à protéger les étudiants juifs des intimidations des manifestants propalestiniens. En raison de ces affrontements avec le gouvernement fédéral, l’université Columbia a déjà perdu sa première présidente, Minouche Shafik, et sa successeure a également été contrainte de démissionner.

La Présidente Katrina Amstrong était accusée d’avoir accepté la liste des requêtes du gouvernement Trump. Aujourd’hui, la présidente intérimaire Shipman s’efforce de maintenir l’équilibre entre la liberté académique et le respect du Titre VI. Une tâche qui se complexifie en raison du militantisme de certains étudiants et enseignants. 

Je m’interroge sur la raison pour laquelle, malgré la persistance de l’antisémitisme dans les universités américaines, y compris à l’université Columbia depuis des longues années, la situation n’a jamais atteint ce niveau critique.

En effet, vers les années 1950s, les Juifs constituaient 30 % de la population de New York, et l’université Columbia, à l’instar de nombreuses institutions d’élite, avait instauré un système de quotas pour les admissions. 

L’histoire de l’enseignement supérieur en Amérique révèle que les Juifs ont été confrontés à l’antisémitisme et à la discrimination au sein des universités et des campus des États-Unis, depuis la création des universités des Treize Colonies jusqu’à nos jours, avec une intensité fluctuante. De l’aube du XXe siècle jusqu’aux années 1960, plusieurs quotas indirects ont été établis pour les admissions des juifs.

Ces quotas ont initialement été instaurés pour les Juifs par des universités prestigieuses telles que Columbia, Harvard et Yale, et ont perduré jusqu’aux années 1960 dans des établissements comme Stanford. Ces quotas ont disparu dans les années 1970s. Cependant, Le débat se déroulait dans des salles de classe de manière tumultueuse, visant à historiciser les événements pour en faciliter la compréhension. Les salles de classe constituaient l’agora des discussions sociétales, et les enseignants s’efforçaient de présenter, dans une perspective historique, les enjeux et les limites du débat sur l’antisémitisme.

Dans les années 2000, alors que j’étais étudiant à l’université Columbia (2002-2008), nous discutions de l’orientalisme d’Edward Said. L’image la plus éloquente discutée dans nos cours était celle de Said lançant une pierre sur les chars israéliens. Cette image possède une éloquence remarquable ; la fragilité de la pierre face aux puissants chars de combat illustre parfaitement la résistance à l’occupation israélienne.

Et cela suscitait des discussions concernant la compréhension de l’histoire ayant conduit à cela. Tous ces instants étaient aussi intenses que ceux que nous expérimentons actuellement. Cependant, l’engagement des enseignants était de se comporter authentiquement en tant qu’éducateurs, et non en tant qu’endoctrineurs. Ils assistaient les étudiants à historiciser cette problématique existentielle entre deux peuples, arabes et juifs. La liberté académique était pleinement exercée en classe sous la modération du professeur. Les libertés académiques, de recherches et d’expressions étaient destinées à former des hommes et des femmes capables d’historiciser les évènements.

Ces types d’enseignants dans nos universités sont en train de disparaître au profit des endoctrineurs pour raison de l’argent. La recherche, les libertés académiques et le sens critique sont des outils pour éduquer des individus aptes à appréhender l’histoire de leur environnement et l’environnement de leur histoire. 

Un homme et une femme sont les entités biologiques dont la nature s’épanouit pleinement pour appréhender l’être générique conscient de son historicité. Avec la quête de financement, notamment celui en provenance du Moyen-Orient pour l’université – l’École d’Études Africaines et Moyen-Orientales a radicalement évolué depuis l’acceptation des fonds des pays arabes –  on a l’impression que les universités, y compris notre alma mater, façonnent des individus contemporains en tant que produits de l’usine globale, des vestiges de la capitalisation ; des morts-vivants dépourvus de tout lien avec l’historicité.

A l’université Columbia, comme dans la plupart des universités de la Ivy League, l’histoire est déshistoricisée; les étudiants semblent totalement déconnectés de l’historicité radicale de la transformation. Malgré les apparences de revendications ardentes, violentes et émotionnelles, ils sont des hommes et des femmes morts. 

Les débats en classe, autrefois, avaient pour but de façonner la structure des individus, hommes et femmes, aptes à transformer les données initiales, dotés d’une capacité historique d’intentionnalité, d’élucidation et de transformation. Grâce à la formation intellectuelle et humaine acquise à l’université Columbia, nous sommes en mesure de résister à l’attrait de l’homme-mort de l’usine globale, des morts-vivants absolus dans le cadre d’un rapport social d’abrutissement total.

Qu’il émane des nations arabes ou de l’administration fédérale, l’argent ne constitue pas uniquement un instrument d’échange ou de transaction ; il représente une essence du capital qui engendre une totale phagocytose du travail vivant par le travail mort.

En l’absence d’enseignements rigoureux, de débats académiques en classe, de conférences et de forums ou de publications, éloignés de l’endoctrinement socio-académique des jeunes étudiants impressionnables, le risque est élevé de générer des individus superficiels, reproduisant le fétichisme de la marchandise et créant une rupture avec l’historicité de la transformation.

You may also like

Laissez un commentaire

Quotidien d'Actions pour la Démocratie et le Développement

Editeur - Directeur Général

 +243818135157

 +243999915179

ngoyimarcel@ymail.com

@2022 – All Right Reserved. La Prospérité | Site developpé par wetuKONNECT