Sauf imprévu, c’est ce vendredi 27 juin 2025 que le Processus de Washington va produire son premier effet décisif : la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda. Contrairement à ce qui a été annoncé initialement, la cérémonie ne sera pas rehaussée de la présence des chefs d’État. Elle va se limiter aux ministres des Affaires étrangères. On devrait attendre peut-être jusqu’au plus tard le 7 juillet 2025 pour voir Félix Tshisekedi et Paul Kagame autour de Donald Trump. À moins pour le chef d’Etat américain de renoncer à ses vacances prévues à partir de cette date…
Washington pour l’accord RDC-Rwanda, Luanda pour les affaires
En attendant, Félix Tshisekedi a tenu à participer personnellement au 17e Sommet des Affaires États-Unis/Afrique programmé du 22 au 25 juin 2025 à Luanda. Il a été aux côtés de ses homologues dont le chef d’État hôte angolais João Lourenço, président en exercice de l’Union africaine. Thème du forum : «Les voies de la prospérité : une vision commune du partenariat entre les États-Unis et l’Afrique».
Selon les organisateurs, l’objectif est la consolidation des partenariats stratégiques dans les infrastructures, l’énergie, l’agriculture, la santé et le numérique, qualifiés de secteurs-clés, le tout sur fond des projets structurants au nombre desquels, naturellement, le «corridor de Lobito devant relier l’Angola et la RDC à la sous-région des Grands Lacs. Pour rappel, Paul Kagame a boudé ce projet lorsque Joe Biden l’a lancé en janvier 2025.
L’absence d’une délégation de Kigali au sommet d’affaires de Luanda pourrait s’expliquer et se comprendre par cette bouderie.
Le processus de DOHA succède à celui de Nairobi et le processus de Washington celui de Luanda
Pour l’heure, l’enjeu majeur pour la RDC est Washington.
En se focalisant sur l’aspect diplomatique sur fond des affaires et de la sécurité, son Processus se substitue en réalité à celui de Luanda limité autrefois à la question sécuritaire.
Quant au Processus de Doha, il se substitue au Processus de Nairobi sur fond du Dialogue politique.
Ainsi, au point où en est, il est illusoire d’envisager l’inclusion de l’AFC-M23 dans le PDDRC (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation).
Un message «subliminal» a d’ailleurs été envoyé aux Congolais par la cheffe de la Monusco Bintou Keita le 13 juin dernier à Goma : celui de sa rencontre avec le «leadership de l’AFC-M23_». De ce fait, l’AFC-M23 prend de l’épaisseur et du poids en devenant l’interlocuteur du Gouvernement à Doha.
Et pour cause !
Avec l’ouverture à Aru, depuis le lundi 23 juin, d’un dialogue entre les autorités congolaises et les groupes armés locaux pour en finir avec les conflits armés en Ituri, les choses se présentent comme si le Processus de Doha devrait être réservé exclusivement au M23-AFC.
C’est exactement de cette manière que l’AFDL avait été placée face au maréchal Mobutu à Lomé, Pretoria et Outenika en 1997 ; le RCD et le MLC face à Laurent-Désiré à Lusaka en 1999 ; le RCD, le MLC, le RCD-KML et le RCD-N face à Joseph Kabila à Addis-Abeba puis à Sun City de 2001 à 2003 ; le CNDP face aussi à Joseph Kabila en 2009 et le M23 face encore à Joseph Kabila à Kampala et Nairobi en 2013.
De quoi rappeler Sun City et Luanda en 2002
Comme si le metteur en scène était le même, pendant qu’on plante à Doha le décor du Dialogue politique avec pour protagonistes, d’un côté, le Pouvoir congolais et, de l’autre, l’opposition armée, l’opposition politique et la société civile sur le modèle du Dialogue intercongolais, on plante aussi à Washington le décor du Dialogue diplomatique avec pour protagonistes, d’un côté, la RDC et, de l’autre, le Rwanda. De quoi rappeler pour le premier Sun City et pour le second Luanda, les deux Processus menés au cours de la même année 2002 avec, en plus, l’Ouganda pour Luanda.
C’est à ce stade que le Pacte Social initié par la synergie CENCO-ECC a toute sa portée.
Dommage qu’à son annonce en janvier 2025, les agitateurs de la RAC «République des Agendas Cachés» aient piégé cette initiative dans ce qu’elle a d’essentiel : un double dialogue dont l’un pour les questions internes, l’autre pour les questions sous-régionales impliquant principalement les Grands Lacs. Ils l’ont brandi comme une menace contre Félix Tshisekedi.
Pourtant, dans ce Pacte, l’objectif est clairement indiqué : « Ensemble, arrêtons tout de suite la guerre, pour commencer – toutes affaires cessantes-à construire le Congo que nous voulons, dans une région des Grands Lacs où règnent la Paix et le Bien-vivre Ensemble » !
Vive le MPR parti-état bis…
Approché par BBC, Pr Mvemba Phezo Dizolele du Center for Strategic and International Studies aux Etats-Unis estime, par rapport au Processus de Washington, que _ »la logique actuelle du projet repose sur une base erronée : l’idée que la paix pourrait être obtenue par le partage ou l’exploitation conjointe des ressources naturelles, notamment les minéraux critiques du Kivu. C’est une erreur fondamentale. On ne fait pas la paix à cause des ressources naturelles. Les causes profondes du conflit sont ailleurs : elles relèvent de la citoyenneté, des droits, de l’identité, de l’hégémonie régionale et même de revendications territoriales injustifiées » ! C’est dans un article intitulé «Que sait-on de l’accord de paix provisoire entre le Rwanda et la RD Congo, avec Washington en médiateur ? Rédigé par Ousmane Badiane et publié le 20 juin 2025.
Plusieurs acteurs politiques majeurs congolais sont du même avis.
Malheureusement, on les fait taire par ceux qui sont convaincus qu’il suffit d’un accord sécuritaire avec Washington en contrepartie de l’exploitation minière pour que tout le monde rentre dans les rangs et, vive le MPR Parti-Etat bis !
Présence du non-invité. Un certain Patrice-Emery Lumumba
En acceptant finalement de mettre sur pied une Commission « inter-institutions » devant échanger avec la synergie CENCO-ECC pour le Dialogue plus d’une fois déclarée dans «BALISES» inéluctable, Félix Tshisekedi – dont les propositions pour ce forum sont vivement attendues – devrait se rappeler que l’Opposition politique (pilotée par l’UDPS) n’était pas signataire de l’Accord de Lusaka en 1999. Son intégration dans le Dialogue avait été obtenue grâce au forcing des belligérants RCD et MLC soutenus par la Communauté internationale limitée à l’Otan. Donc à l’Occident. Donc à Washington.
L’histoire pourrait se répéter par deux fois. La seconde avec la synergie CENCO-ECC qui réclamerait la présence de toutes les forces politiques et sociales ayant pignon sur rue. On ne voit pas comment le Pouvoir y résisterait.
La première, elle, tient d’une symbolique : pour négocier l’indépendance, la délégation congolaise sélectionnée par les Belges avait conditionné sa participation à la table ronde politique de Bruxelles (20 janvier-20 février 1960) par la présence du non-invité le plus célèbre à l’époque : un certain Patrice-Emery Lumumba gardé dans une prison pour l’empêcher d’y prendre part. Les Belges furent pris dans leur propre piège.
On en imagine l’effet boomerang en cas de replay 65 ans après !
On peut se le dire pour les deux cas : Washington ne trouverait aucun inconvénient à une participation inclusive dans le Dialogue envisagé. Surtout quand les éventuels exclus sont de la partie orientale minière du pays, celle-là même devenue depuis le 30 juin 1960 le terrain de prédilection de toutes les formes de guerres existantes au monde à se reproduire en RDC : *sécession, rébellion, agression !
Les Américains savent, eux, que la sécurisation de leurs intérêts dans cette partie du pays requiert d’abord le soutien du leadership politique, économique et social de l’Est avant celui du leadership national.
Il s’agit d’une évidence à la fois indéniable et implacable…
Sur ces entrefaites, entre la signature de l’accord ce vendredi 27 juin 2025 et sa mise en application à une date non déterminée (encore que le Parlement congolais censé l’entériner est en vacances parlementaires jusqu’au 15 septembre 2025 sauf convocation d’une session extraordinaire), beaucoup d’eau va couler sous le pont. Beaucoup alors.
Le comédien Herman Amisi nous conseillerait de surveiller cette fois-ci ce pont à la place du fleuve…
Omer Nsongo die Lema
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