(Par Omer Nsongo die Lema)
Sauf autre version que celle reproduite par le Bureau du Département d’État américain le 27 juin 2025, le document intitulé « Accord de Paix entre La République Démocratique du Congo et La République Du Rwanda » se focalise essentiellement sur la neutralisation des FDLR pendant que l’AFC-M23 est « sécurisé » dans le Processus de Doha ! D’ailleurs, tout le CONOPS signé à Luanda le 24 décembre 2024 ne concerne que les FDLR. Pas un mot sur l’AFC-M23…
Seules les FDLR sont nommément citées
De la cérémonie de signature de l’Accord RDC-Rwanda le 27 juin 2025 à Washington, le premier renseignement à tirer et l’unique vérité à rétablir sont d’abord dans le Préambule. L’Accord y identifie deux parties prenantes, en l’occurrence « Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (« RDC ») et le Gouvernement de la République du Rwanda (« Rwanda ») ».
Seulement voilà : au chapitre intitulé « 1. Intégrité territoriale et interdiction des Hostilités », il est souligné que « Les parties conviennent des conditions suivantes pour assurer le respect de l’intégrité territoriale et la promotion de relations pacifiques ».
Au point 1.i, il est question de « Respect de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo ». Son contenu est : « Désengagement des forces/levée des mesures défensives du Rwanda : Les parties conviennent de mettre en œuvre le Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces/levée des mesures défensives du Rwanda (CONOPS) du 31 octobre 2024, tel que prévu dans le présent Accord ».
Au point 1. ii, il est question de «Respect de l’intégrité territoriale de la République du Rwanda». Son contenu est : « Neutralisation des FDLR : Les parties conviennent de mettre en œuvre le Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces/levée des mesures défensives du Rwanda (CONOPS) du 31 octobre 2024, tel que prévu dans le présent Accord ».
Comme on peut le relever d’emblée, seules les FDLR sont nommément citées pour le respect de l’intégrité territoriale et de la RDC et du Rwanda !
Le CONOPS ne concerne que les FDLR, pas l’AFC-M23
A la Maison-Blanche le 27 juin 2025, le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe s’est prononcé sur le CONOPS présenté comme « Concept d’opérations du Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces/levée des mesures défensives par le Rwanda », document signé le 31 octobre 2024.
Les objectifs politiques du CONOPS, selon l’ «Accord sur les modalités de fonctionnement du Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité» (Annexe), sont : « 2.1 Rétablir un climat de confiance entre la RDC et le Rwanda à travers la neutralisation des FDLR par la RDC et le désengagement des Forces/levée des mesures défensives par le Rwanda » ; « 2.2 Créer un environnement sûr et sécurisé favorisant la reprise des activités socio-économiques » ; « 2.3 Assurer une paix et une stabilité durables dans la région où les droits de l’homme sont respectés » ; « 2.4 Assurer la protection de tous les citoyens des deux pays » ; « 2.5 Mettre en terme à des discours de haine et des attaques verbales ».
Les objectifs stratégiques sont : « Défaire le groupe armé FDLR et ses supplétifs » ; « Protéger la population et les infrastructures locales » ; « Assurer le retour des déplacés dans leurs milieux d’origine » ; « Avoir le contrôle des sites d’exploitation des ressources naturelles ».
Les « Effets militaires stratégiques désirés » sont : « Désescalade des conflits armés à l’Est de la RDC est acquise » ; « Axes et les agglomérations sécurisés » ; «•Population sécurisée» ; « Libre circulation des personnes et de biens» ; «•Baisse de la tension entre la RDC et le Rwanda».
L’ «État final recherché» est : «•La menace FDLR en RDC est éradiquée» ; «•Les mesures de défense établies par le Rwanda sont levées» ; «•L’autorité de l’État est rétablie» ; «La confiance RDC-Rwanda est rétablie» ; «•Les réfugiés congolais sont rapatriés et réinstallés en RDC et les réfugiés rwandais sont rapatriés et réinstallés au Rwanda» ; «•La paix, la stabilité et le développement à l’Est de la RDC ainsi que le bon voisinage entre les peuples des deux pays sont rétablis».
Les «Conditions préalables de succès définies» sont : «•Maitrise du Renseignement»; «•Meilleure coordination entre les différentes forces sur le théâtre Ops» ; «•Etroite collaboration entre différents acteurs impliqués dans les Ops» ; «•Soutien de la Communauté Régionale et Internationale» ; «•Opérations d’influence efficaces&» ; _«•Sensibilisation de la population à se désolidariser des FDLR».
La «mission assignée est pour la République Démocratique du Congo» : «•Neutraliser les FDLR» ; «•Favoriser le rapatriement des membres FDLR au Rwanda» ; «•Garantir les conditions d’une paix et d’une stabilité durables dans la Sous-Région des Grands Lacs» ; «• Protéger la population et assurer le retour des déplacés dans leurs milieux d’origine».
La «mission assignée est pour le Rwanda» : «•Désengager les forces/Lever les mesures de défense mises en place par le Rwanda» ; «•Assurer la réintégration sociale des ex-combattants FDLR démobilisés et rapatriés au Rwanda».
Ainsi, le CONOPS intégré dans l’Accord de Washington ne concerne que les FDLR, et encore pour sécuriser le Rwanda et non l’AFC-M 23.
Les choses se corsent lorsque le ministre rwandais des Affaires étrangères affirme que «La première tâche à accomplir est de commencer la mise en œuvre du Concept d’opérations pour la neutralisation des FDLR qui doit s’accompagner d’une levée des mesures défensives du Rwanda» et y trouve « le fondement de la paix et de la sécurité dans notre région».
Or, de ce mécanisme, Jason Stearns, cofondateur de l’Institut congolais de recherches Ebuteli, dit ceci : «Il y a beaucoup de controverses autour du Conops qui a été signé à Luanda l’année dernière. Il avait du sens avant la chute de Goma et de Bukavu, mais il n’est plus adapté au contexte actuel (…) une grande partie des positions FDLR sont aujourd’hui en territoire sous contrôle du M23. Comment les FARDC pourraient-elles s’attaquer à des groupes armés auxquels ils n’ont pas accès ?».
Nulle part ne sont établies les causes exactes du conflit en cours
Qu’en est-il alors de l’AFC-M 23 ? Dans l’Accord, il est cité deux fois. D’abord dans le Préambule. L’énoncé de la phrase est : «Conscients des négociations en cours entre la RDC et l’AFC/M23 sous la médiation de l’État du Qatar à Doha, et de l’obligation des Parties de leur apporter leur plein soutien pour les mener à bien».
Ensuite au niveau du chapitre 2 portant «Désengagement, Désarmement ET Intégration des groupes armés non étatiques». Il y est dit : «Afin de promouvoir une cessation durable des conflits et de réaliser le potentiel économique de la région, les Parties soutiennent les négociations en cours entre la RDC et l’AFC/M23 avec la médiation de l’État du Qatar à Doha et les efforts visant à désarmer et à démobiliser les groupes armés non étatiques».
Si pour les FDLR il n’est pas question d’un dialogue direct avec le Gouvernement rwandais, pour le M23-AFC, par contre, il y a le Processus de Doha (dialogue) avec le Gouvernement congolais.
Kinshasa a foi dans la Résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’Onu du 21 février 2025 et d’autres résolutions pertinentes du même organe ; espérant réduire ce groupe armé au P-DDRCS (Processus de Désarmement, de Démobilisation, de Réintégration Communautaire et de Stabilisation). Un challenge !
Bref, il y a manifestement déséquilibre (au détriment de Kinshasa), s’agissant d’obligations auxquelles sont soumis les deux Etats belligérants sans d’ailleurs que l’Accord n’ait établi jusque-là clairement la nature de leurs différends. Nulle part, en effet, ne sont relevées les causes exactes du conflit en cours ; causes noyées subtilement dans la formulation d’une crise sécuritaire globalisée de trois décennies !
Pire, comme pour se moquer de la RDC, la donne économique est mise en exergue dans le même chapitre. Il y est dit :«Afin de promouvoir une cessation durable des conflits et de réaliser le potentiel économique de la région, les Parties soutiennent les négociations en cours entre la RDC et l’AFC/M23 avec la médiation de l’État du Qatar à Doha et les efforts visant à désarmer et à démobiliser les groupes armés non étatiques». Ce qui veut dire que pour la médiation, la priorité est l’exploitation des ressources naturelles !
Personne n’aimerait être à la portée du coup de colère de Félix Tshisekedi !
Après une bonne deux centaines de résolutions, de recommandations, de déclarations et d’accords respectivement au niveau des organisations internationales (à elle seule, l’Onu en prend au moins 4 pour la RDC chaque année depuis trois décennies), au niveau des organisations africaines et au niveau des Etats en bilatéral, il est normal de voir certains Congolais réagir en chat échaudé. Ce n’est pas qu’ils soient foncièrement opposés à Félix Tshisekedi, mais seulement par crainte de le voir le chef de l’Etat subir le sort de Blanquette, la chèvre de Monsieur Séguin !
Car, si on est d’accord pour la solution américaine au problème américain créé dans les Grands-Lacs en 1994 dans la foulée du génocide rwandais (crise dans les Grands Lacs), on souhaite une solution congolaise à la crise congolaise.
On a malheureusement l’impression de voir Kinshasa vouloir plutôt recourir à Washington à la fois pour ses différends diplomatiques, sécuritaires et économiques avec Kigali que pour ses différends politiques internes.
Kinshasa n’appréhende pas les conséquences d’une prise de position de l’Administration Trump qui serait favorable au Dialogue interne, et ce dans le prolongement du Processus de Doha…
Dans cette perspective, personne de prudent n’aimerait être à la portée du coup de colère de Félix Tshisekedi !