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Quel Kinshasa aujourd’hui : 1960 à ce jour

Par La Prospérité
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(Par Jacques Fumunzanza Muketa)

On avait pendant longtemps chanté, non sans fierté, Kisasa-poto-moyindo, Kin-la-belle. On voulait s’en convaincre face à Brazzaville, ‘’Poto-poto’’, modeste capitale de l’Afrique française. Mais quelles sont les origines de ce Kinshasa ? Dans cette tribune, le chroniqueur kinois, Fumunzanza Muketa expose trois périodes de son développement : Kinshasa d’autrefois (Des temps reculés à 1881) ; Kinshasa colonial (1881 – 1960) et Kinshasa d’aujourd’hui (1960 à ce jour).

C’est le 30 juin 1960 que le Congo-belge devient indépendant et ce fut la fin de la période coloniale. Sa capitale, Léopoldville, retrouvera en 1966 son appellation authentique, Kinshasa et ses habitants, les Kinois, s’attendaient à une ville décolonisée et joyeuse.

Cependant la répartition spatiale de la ville héritée de la colonisation restera durablement figée, inchangée, bâtie sur la politique ségrégationniste, ville et cité. Depuis 1960, aucune restructuration n’a jamais été faite pour se départir de la mentalité coloniale en vue de construire une ville intégrée, décolonisée et nationale.

Dans son développement la capitale a produit 5 types de communes sans se reformer : – les communes des quartiers pour habitations des Blancs (Gombe, Ngaliema et Limete. Mombele est encore un terrain marécageux de la zone annexe squatté pair les Noirs) interdits à la circulation de la population noire ; les communes des Cités anciennes (Barumbu, Kinshasa, Lingwala et Kintambo) ; Les Nouvelles Cités (Kasa-Vubu, Ngiri-Ngiri et Kalamu-Nord, Ndjili ; les Cités planifiées (Bandalungwa, Matete, Kalamu-Sud, ImmoCongo, Lemba) ; les Quartiers du Sud et de l’Est de l’après indépendance (Bumbu, Selembao, Makala, Ngaba, Kisenso, Mont-Ngafula, au sud, Masina et Kimbanseke, à l’Est) ; et plus à l’Est, deux Communes qualifiées d’urbano-rurales (Nsele et Maluku). La caractéristique de ces trois dernières catégories est l’auto construction.

Ce mode de construction ne fait aucun appel à l’esthétique par l’uniformité des toits ou des façades, le long de grandes avenues pour donner un style au quartier, par exemple. Les Cités avaient déjà vieilli et les différences entre elles apparaissaient de moins en moins suite aux modifications pour plus de confort. Mais ces travaux de construction des ajouts et des clôtures d’enceinte, accompagnés de déplacements des bornes, à l’exception de la Gombe, ont transformé les quartiers de la cité en un chao architectural indéfinissable.

Au cours de ces trois dernières décennies, trois plans d’aménagement du territoire urbain avaient été élaborés : 1) le Schéma régional d’aménagement, Plan d’Auguste Arsac de 1967 ; 2) Schéma Directeur d’aménagement urbain de 1975, et 3) le Plan de Développement de Kinshasa de 1985. L’exécution des projets de ces plans dépendait de la situation économique instable et de la seule volonté de Mobutu.

Entretemps près de deux mille logements avaient été construits par la Caisse nationale d’épargne et de crédit immobilier (C.N.E.C.I.), à la cité Salongo avec 800 maisons. Un autre organisme privé construira 442 maisons à la cité Verte et 674 logements à la cité Mama Mobutu avec la sous-traitance de logement Economique (Logec) : une goutte d’eau dans un océan de demandes de logements.

A ces réalisations, s’ajoute la construction de plusieurs édifices de prestige, public-privés, dont certains furent qualifiés ‘’d’éléphants blancs’’ : la Cité de l’Union africaine (1967) avec ses 41 villas, la Foire internationale du Congo Kinshasa (Fickin) et son dépendant, Motel Fickin (1969) ; l’Hôtel Intercontinental (1971), rénové et devenu Pullman Grand Hôtel Kinshasa, aujourd’hui ; la Tour de la Radio et de la Télévision Nationale Congolaise (RTNC 1974-1975) ; le Centre de commerce international du Zaïre (C.C.I.Z), transformé aujourd’hui en Kempisky Fleuve Congo Hôtel ; la Tour de la Société Zaïroise de  commercialisation des minerais (Sozacom, 1977), Gécamines aujourd’hui ; la Tour de l’Echangeur de Limete (1970-1974) ; le premier élargissement du Boulevard Lumumba (1975) ; l’immeuble de la Régideso (1970-1980) ; le palais du Peuple (1980) ; le Stade des Martyrs de la Pentecôte (1988-1993).

Il faut compléter sur ce tableau quelques constructions pour les forces armées et les camps de police à Lemba, Ngaliema, Kibomango, Badiadingi, au Camp Tshatshi, au Camp Bumba.

Alors que la population avait presque quintuplé passant de 2.540.000 habitants en 1984 à près de 12 million d’habitants en 2015, aucune construction planifiée n’a été réalisée pour loger ces millions de Kinois. Les projections de l’INS-RDC pour 2025 estimaient cette population kinoise à plus de 20 millions. Tant qu’il y avait une réserve foncière importante à revendre, rien n’inquiétait l’autorité urbaine, puisque par une ordonnance présidentielle de 1968, la ville s’était offerte 9.965 km2 de terres.

Ainsi on s’imaginait qu’en peut d’années, une nouvelle ville, une cité moderne, bien éclairée ; de l’eau, de l’électricité et du transport public, s’élèverait bientôt à l’Est avec une voirie parfaite, bien pavée. Nsele et Maluku étaient devenus l’envie et le rêve des Kinois à la recherche de plus d’espace. Ceux des kinois plus dynamiques qui avaient quitté la vieille cité pour plus d’espaces à l’Est avaient déchanté et fait demi-tour depuis les pillages des années 1991 et 1993 pour se retrouver coute que coute au bord de la Gombe, le seul quartier équipé.

Malgré l’absence de voirie et d’assainissement viables, les parcelles de cet espace Kintambo-Lingwala, Kinshasa-Barumbu ainsi que Kalamu subissent une pression locative et immobilières sans précédent par le phénomène de rachat, de morcellement ou de construction d’annexes ou de maisons à étage pour y loger le plus de monde possible.

En mars 2014, le gouvernement provincial avait dévoilé le projet d’un plan appelé ‘’Schéma d’orientation stratégique de l’agglomération de Kinshasa (SOSAK) et Plan particulier d’aménagement de la zone nord de la ville (PPA). L’orientation générale retenue était ‘’de faire passer Kinshasa du statut de mégapole à celui d’une mégapole moderne’’. Cette ville manqua aussi de sortir de terres. Le rêve avait tourné au cauchemar. Quel plan existe-t-il aujourd’hui ?

La ville rêvée manquait de tout, l’argent, les plans, son urbaniste et la volonté pour se bâtir. Le rêve s’était brisé, Adieu, veau, vache, cochon, couvée… de la laitière et le pot au lait. D’une cité coloniale habitée par des travailleurs, faute d’infrastructures, routes, eau et électricité, il apparait que Kinshasa a choisi de se construire à la seule demande de l’auto construction, sans respect des normes édictées par l’urbanisme.

On construit Kin en lui refusant sa physionomie, son visage, son teint, une ville au soleil, à l’ombre d’arbres, aérée. Il fait chaud à Kin et il faut boire : les fontaines. Il faut un plan qui construit l’avenir pendant que nous habitons le présent. Réfléchissons d’abord avant de construire.

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