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Avec l’âge les choses et les apories s’éclairent !

Par La Prospérité
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(Par le Professeur Patience Kabamba)

Malgré mon apparence juvénile, je vieillis et j’approche de la soixantaine. Deux choses deviennent de plus en plus claires avec l’âge, du moins pour mon expérience. La première est que les épreuves de la vie m’ont débarrassé de la vanité. Avec l’âge, j’ai compris une chose : il ne faut pas être sa propre fin. Deuxièmement, et c’est sur cela que le MDW va se focaliser, lorsqu’on grandit intellectuellement et physiquement, on porte avec soi des questions existentielles auxquelles on trouve des réponses avec l’âge. Une des contradictions que je porte avec moi depuis plusieurs décennies a trouvé une réponse avant-hier en accompagnant mon fils Warren en vue de son orientation pour sa première année d’université. En effet, je me suis toujours demandé pourquoi une telle contradiction persiste.

Je vais décliner les termes de cette contradiction pour une meilleure compréhension. Lors de mon parcours en Amérique, j’ai rencontré des gens formidables. La grande partie de mes accointances est faite des professeurs d’université. Ils ont un grand cœur et soutiennent les pauvres, des vaincus et victimes du capitalisme.

Pour beaucoup de mes collègues, il n’y a qu’une seule classe, la classe capitaliste. Les autres sont des vaincus, des victimes qui méritent qu’on les soutienne. Mes amis sont d’une très grande générosité. Il y en a qui ont adopté des enfants africains, asiatiques ou américains. J’étais très bien reçu au département d’anthropologie de Columbia university. Mais, tous mes professeurs, férus de sciences sociales, sont convaincus qu’il n’y a qu’une seule classe dont ils font partie, c’est la classe capitaliste, de la bourgeoisie qui n’existe plus aujourd’hui.

Le système de tenure met à l’abris les professeurs. Ils peuvent difficilement perdre leur travail. Une garantie importante dans le monde capitaliste. J’ai rencontré des personnes très humaines, très solidaires de l’Afrique, de la situation que vit la majorité de la population.

Face à cela, j’ai rencontré un système économique impitoyable, qui détruit la grande majorité de la population. Personne ne peut se battre pour devenir propriétaire des moyens de production. Ils ne peuvent pas mener une lutte de classe pour un meilleur partage de la valeur. Le seul moment heureux, c’est lorsqu’ils achètent une voiture, une télévision ou une gamme de jeux vidéo qui les aliènent davantage et les consolent.

Il n’est point question pour eux de devenir propriétaires des moyens de productions, coactionnaires de l’usine dans laquelle ils travaillent. Le système est tel que la seule personne qui produit de la valeur économique, c’est le pauvre ouvrier. Les machines ne produisent pas de la valeur. La machine vous coûte son prix d’achat jusqu’à son amortissement et son usure. Vous ne chercherez pas de mettre moins d’huile dans votre voiture pour épargner de l’argent. Vous détruirez l’engin.

Donc, ce n’est pas avec la machine que l’on produit de la valeur économique. La machine constitue le capital mort. Seuls les humains, les ouvriers produisent de la valeur marchande. Au lieu de payer 50$ à l’heure à l’ouvrier, on lui donne facilement 20$ l’heure, c’est ce qui produit le bénéfice. Ceci est impossible avec la machine. L’homme exploité est le capital vivant. Il est ce genre de marchandise spéciale qui vous permet de faire des bonnes affaires. Vous pouvez le faire travailler pour huit heures et vous lui payer seulement le salaire de 2 heures, vous vous appropriez les six heures de son travail. Je travaillais dans une usine de production de moto de luxe.

Avec le prix d’une seule moto, la compagnie était capable de nous payer tous. Nous produisions vingt motos par jour. L’exploitation est encore plus grande dans des industries à haute technologie comme Boeing ou Airbus. Généralement, ceux qui travaillent dans des usines de fabrication de voitures sont capables de s’en procurer après un temps d’épargne. Mais les ingénieurs aéronautiques, les ouvriers de Boeing, sont incapables même après dix ans d’épargne de s’acheter un avion. Ils font pourtant des bénéfices énormes que se payent ou reçoivent les actionnaires.

L’interrogation que je traîne avec moi est celle de savoir comment, mes amis, qui sont d’une générosité incroyable envers moi et envers beaucoup de personnes pauvres et vaincues par le capitalisme, acceptent-ils ce système qui clochardise plus des trois quarts de la population du pays et même mondiale ?

Avec l’âge, je désespérais de trouver une réponse à cette interrogation. Les personnes de très bon cœur qui choisissent de solidariser avec les pauvres sans toucher au système qui rend cette pauvreté possible, un système que l’on accepte de perpétuer ad vitam æternam.

Personne ne songe ni à une autre alternative de production ni à une socialisation de la valeur. Pourquoi mes collègues et amis qui solidarisent avec moi, adoptent même des enfants africains, sympathisent avec les pauvres, ne voient-ils pas que le mode de production capitaliste nous conduit dans un mur anthropologique ?

Comme je le disais, l’accompagnent de mon fils, il y a quelques jours, qui veut entreprendre des études de business et finances m’a permis d’avoir une lueur de réponse à la contradiction observée du comportement de mes collègues.

En fait, un de ses professeurs a eu l’amabilité de présenter aux parents qui étaient présent le programme pour les quatre années du business school. Voici comment il se présente pour les cours fondamentaux du business : Comptabilité ; droit des affaires, économie, finance, systèmes d’information, management, marketing, opérations/chaîne d’approvisionnement ; analyse quantitative ; module carrière.

Ce module est généralement suivi en trois ans. La quatrième année est exclusivement consacrée à des cours de synthèse.

Ma compréhension est que l’université forme des étudiants pour perpétuer le même système exploitatif des individus. Le tout commence avec et autour de l’argent : comptabilité, droit des affaires, finance, management, marketing, etc… L’argent est la donnée de base pour les études sur le business. L’argent n’est pas sui generis, il ne tombe pas du ciel, il est produit dans des conditions souvent inhumaines d’exploitation.

Pour l’illustrer, les téléphones portables contiennent de la tantalite qui provient des zones de guerres ; des pantalons Jeans fabriqués dans des pays où les gens travaillent plus de 50 heures par semaine au Bengladesh ou ailleurs pour des salaires de misère. Dans le programme de business school où ira mon fils, l’origine de l’argent est tout simplement occultée. Il provient des banques, Point.

Non, il provient du vol des humains, de la prédation sur la grande majorité de la population. Les étudiants qui sortent de ces écoles vont perpétuer le capitalisme. Les meilleurs étudiants de Harvard ne deviennent pas des professeurs de philosophie, ils vont à Wall Street dans la finance. On peut ainsi postuler que la religion du capital a le rôle de toute religion. Toutes les religions ont deux rôles : le premier rôle consiste à naturaliser la violence des institutions de la classe dirigeante en le rapportant à Dieu.

On naturalise une institution historique. Et le deuxième rôle de la religion est l’organisation d’une protestation illusoire. Au ciel, les pauvres seront les premiers et les riches les derniers. La religion capitaliste a ses dogmes : propriété lucrative, marché du travail, crédit.

Et nos jeunes étudiants ingurgitent ces dogmes pour accepter les enseignements des économistes comme dans les églises : vous irez en enfer si vous ne suivez pas ! La seule religion omniprésente dans l’Etat, c’est l’église capitaliste. Mes collègues et mes amis professeurs sont des croyants capitalistes. Les grands prêtres sont des économistes ; les bas clergés proches du peuple organisent la protestation illusoire : acceptez votre pauvreté aujourd’hui, demain elle changera. Le demain des sciences sociales, c’est le ciel du christianisme.

Pour mes collègues, il n’y a qu’une seule classe, la classe dirigeante. C’est impossible à changer. On parle des mouvements de masses, mais on reste théorique. Dans la sociologie américaine, ou vous imitez les maitres ou vous entrez dans l’insignifiance des révoltés.

L’âge m’a permis de comprendre cette aporie. Les gens ont choisi de solidariser avec les vaincus et non de transformer le mode de production capitaliste qui les a vaincus. Ils ont renoncé à être des révolutionnaires et préfèrent gérer les victimes, solidariser avec les pauvres !

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