(Par Jonas Tshiombela, Avocat du peuple)
Kinshasa, le 11 juillet 2025. « La démocratie, c’est la cohabitation pacifique des contradictions dans la tolérance »(JTK). Et comme on dit : « du choc des idées jaillit la lumière ». Depuis la publication de notre première tribune analysant l’accord de paix signé le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda, nous avons été submergés par une vague de réactions certaines enthousiastes, d’autres plus virulentes. C’est le propre des débats démocratiques. À tous ceux qui ont réagi, dans un sens ou dans l’autre, nous disons merci. Car c’est ensemble, dans la confrontation des visions, que se construit une société plus éclairée, plus forte, plus libre.
Nous avons publié deux tribunes le même jour
Pour nourrir un débat responsable, équilibré et constructif, votre Avocat du peuple a pris soin de publier deux tribunes distinctes le même jour. L’une analytique, l’autre critique. L’objectif n’était pas de défendre aveuglément un accord, mais d’alimenter la réflexion nationale autour de ses enjeux, ses limites, et ses possibilités d’amélioration. Nous avons voulu ouvrir la voie à une discussion nationale sérieuse, loin des postures simplistes et des procès d’intention.
Le droit de critiquer… mais aussi le devoir de proposer
Oui, le Cardinal Fridolin Ambongo a le droit légitime de critiquer l’accord de paix. Comme tout citoyen congolais mieux encore, comme autorité morale il peut exprimer ses doutes, rejeter ce qui lui paraît inadéquat, et alerter l’opinion. C’est une liberté que nous défendons farouchement. Mais le droit de critiquer s’accompagne du devoir de proposer. En rejetant cet accord, quelle alternative crédible, réaliste et inclusive le Cardinal avance-t-il ? Le dialogue intercongolais aussi nécessaire soit-il ne peut à lui seul suffire. La crise qui ravage l’Est de notre pays est aussi géopolitique, transnationale, et nécessite des leviers diplomatiques, sécuritaires, économiques et même confessionnels au niveau régional et international.
Contradictions morales : les deux poids, deux mesures
Nous sommes étonnés qu’en critiquant l’approche diplomatique américaine (dite « méthode Trump »), certains oublient que la délégation ECC-CENCO elle-même s’est rendue à plusieurs reprises à Kigali. Pour obtenir quoi, concrètement ? Des engagements ? Des concessions ? Des garanties ? Et pourquoi, face à la menace toujours brandie des FDLR, qui servent d’alibi à la présence militaire rwandaise en RDC, aucune voix ecclésiastique ne s’élève pour exiger un véritable dialogue inter-rwandais, entre le régime de Kigali et ses opposants armés ?
Oui, l’Accord n’est pas parfait… mais il existe !
Comme nous l’avons souligné dans notre tribune, cet accord est loin d’être parfait. Il comporte des zones d’ombre, des risques d’instrumentalisation et des limites de mise en œuvre. La NSCC, fidèle à sa mission de veille citoyenne, a d’ailleurs publié une grille critique claire, identifiant les points forts, les faiblesses, et des pistes concrètes d’amélioration. Mais préjuger de son échec avant même son application, sans même lui accorder le bénéfice de l’expérimentation et du suivi, relève moins de la sagesse prophétique que de la mauvaise foi politique.
Ne nous trompons pas d’ennemis
Nous lançons ici un appel à la responsabilité : ne nous trompons pas d’ennemis Le peuple congolais n’a pas besoin de joutes morales stériles. Il a besoin de cohérence, de vision, et d’unité d’action. Il a besoin que les forces vives églises, société civile, État, diplomatie, diaspora travaillent ensemble, non pour flatter leur camp, mais pour redonner sens à l’espérance de paix. Nous remercions toutes les personnes, anonymes ou connues, qui ont réagi, débattu, contredit ou soutenu notre position. Cela témoigne d’une chose essentielle : le débat est vivant. Mais débat ne doit pas rimer avec confusion. Notre rôle n’est pas d’attiser la haine, mais de construire des ponts entre les peuples, y compris ceux qui, naguère, se sont affrontés. Il est encore temps, si chacun accepte d’écouter et non seulement de parler, de faire de cet accord, non un outil de division, mais une base de dialogue renforcé. À chacun sa part de vérité. Mais à tous, le devoir de paix.