La situation des populations retournées dans plusieurs territoires du Nord-Kivu est critique. C’est le constat majeur d’un rapport présenté le jeudi dernier à Goma, lors d’un atelier réunissant acteurs humanitaires et presse. Soutenue par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’étude menée par l’ONG Action d’Aide pour la Protection de la Femme et de l’Enfant (AIDPROFEN) met en lumière les défis immenses qui entravent une réintégration durable.
L’enquête a été conduite récemment dans 24 villages des territoires de Masisi, Nyiragongo, Rutshuru et Beni. Son objectif était d’analyser les conditions de vie des personnes déplacées contraintes de retourner dans leurs localités d’origine, notamment suite à la décision de la coalition politico-militaire Alliance Fleuve Congo (AFC-M23) de démanteler les camps de déplacés dans les zones sous son contrôle.
La méthodologie s’est appuyée sur un échantillon de 875 ménages (53 % de femmes et 47 % d’hommes), complétée par 12 groupes de discussion et 120 entretiens semi-dirigés.
Des conclusions alarmantes sur le terrain
Le rapport publié par AIDPROFEN dresse un tableau sombre, révélant une forte précarité dans tous les secteurs essentiels.
– Santé : 94 % des ménages ont rapporté des cas de maladies nécessitant une consultation. Cependant, 37 % d’entre eux n’ont pas pu accéder aux soins. Les structures sanitaires sont débordées : 81 % des centres médicaux manquent de médicaments essentiels et 77 % de leurs lits sont occupés.
– Accès à l’eau : 19 % des ménages n’ont pas accès à une source d’eau potable, une proportion qui atteint un niveau critique de 70 % à Nyiragongo. Sur 2 525 points d’eau recensés, seuls 29 sont aménagés. Cette pénurie expose les populations à des risques majeurs : 17 % des ménages de Nyiragongo signalent des risques de violences sexuelles lors de la collecte de l’eau.
Education en péril
Le secteur éducatif est saturé, avec une moyenne de 65 élèves par salle de classe, bien au-delà du standard national de 50. 32 % des enfants retournés ne sont pas scolarisés. Parmi ceux qui vont à l’école, 88 % déclarent manquer de fournitures scolaires.
L’accès à la terre, au logement et aux marchés entravé.
– Logement : 41 % des retournés rencontrent des problèmes de logement. Plus en détail, 77 % des ménages ont retrouvé leurs maisons complètement détruites ou partiellement endommagées, et 5 % les ont trouvées occupées.
Propriété : La situation est aggravée par l’absence de titres de propriété pour 41 % des ménages. Parmi eux, 73 % déclarent les avoir perdus durant leur fuite.
Moyens de subsistance : 63 % des retournés rencontrent des obstacles pour accéder à leurs champs, principalement à cause de l’insécurité (68 %) et des conflits fonciers (15 %). De plus, 77 % des ménages affirment que des barrières spécifiques limitent leur accès aux marchés.
Planifier l’aide d’urgence
Pour Pascal, chargé de projet chez AIDPROFEN, « il y a eu un retour massif des déplacés, et il était impératif de savoir si ce retour était durable. La durabilité touche à l’éducation, la santé, les infrastructures, et tous ces aspects nécessitent une attention urgente. »
Les participants à l’atelier ont salué cette étude, la qualifiant d’outil essentiel. Ils ont affirmé que cette vision d’ensemble leur permettra de mieux planifier et cibler leurs futures interventions pour répondre aux besoins criants de ces populations.
Guellord Risasi