(Par Jonas Tshiombela)
Kinshasa, 18 juillet 2025.La récente décision du gouvernement congolais d’autoriser les filles enceintes à poursuivre leurs études a suscité une onde de réactions contrastées. L’une des plus marquantes est celle de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), qui s’est déclarée non concernée, arguant que cette mesure serait contraire à la morale chrétienne. Une position aussi rigide que déroutante, venant d’une institution censée incarner compassion, accompagnement et espoir pour les exclus.
Quand la morale devient une barrière à la justice sociale
A quel moment la morale chrétienne a-t-elle cessé d’être miséricorde pour devenir condamnation ? L’Église, qui se veut un refuge pour les pécheurs et les blessés de la vie, choisit-elle aujourd’hui de devenir le tribunal de ceux qui tombent ? Refuser à une fille enceinte le droit de poursuivre ses études, c’est la condamner doublement : d’abord à la stigmatisation, ensuite à l’ignorance et à la pauvreté. C’est la reléguer à la périphérie de la société, alors que l’Évangile commande d’aller vers les marges.
Une indignation sélective et hypocrite
L’indignation morale de certains responsables religieux semble étonnamment sélective. Où est cette même rigueur lorsque des prêtres pédophiles salissent le nom de l’Église ? Où est la dénonciation forte lorsqu’un enseignant abuse de son autorité pour abuser d’une élève ? Ces silences deviennent complices. En pointant du doigt uniquement la fille enceinte, on oublie volontairement de nommer les véritables prédateurs. L’Église n’est pas ne doit pas être une assemblée de justes, mais une communauté de rédemption.
Refuser l’école, c’est condamner à vie
La réalité est claire : chasser une fille enceinte de l’école ne résout rien. Cela ne prévient pas les grossesses précoces. Cela n’éduque pas davantage à la responsabilité. Cela ne répare aucun tort. Cela produit au contraire une génération d’enfants non scolarisés, marginalisés, abandonnés à leur sort. L’éducation est un droit fondamental, non un privilège réservé aux “parfaits”.
Et pourtant, ailleurs, l’Eglise agit autrement
Partout dans le monde, de nombreuses branches de l’Église universelle accompagnent les filles mères, les soutiennent psychologiquement, spirituellement, parfois même financièrement. Des couvents ouvrent des maisons d’accueil. Des écoles confessionnelles offrent des cursus adaptés. Pourquoi ce modèle ne peut-il pas inspirer notre Église au Congo ? Pourquoi sommes-nous toujours prompts à juger, mais lents à accompagner ?
Des pistes pour une Eglise éducatrice, pas excluante
1. Créer des structures d’encadrement éducatif et spirituel pour les filles enceintes dans les écoles confessionnelles, plutôt que de les exclure.
2. Former les enseignants à une éthique chrétienne de l’accompagnement, et non de la stigmatisation.
3. Mettre en place des comités paroissiaux d’écoute et de soutien aux jeunes mères, pour favoriser leur réinsertion sociale et scolaire.
4. Soutenir les politiques publiques de protection de la jeune fille, dans une logique de coresponsabilité morale et sociale.
5. Condamner et sanctionner avec la même vigueur les auteurs masculins d’abus, y compris au sein des institutions religieuses.
6. Prévenir les grossesses précoces par une éducation à la sexualité responsable, adaptée à l’âge, basée sur les valeurs chrétiennes, le respect de soi, le consentement et la dignité humaine.
7. Organiser des campagnes de sensibilisation dans les paroisses, écoles et médias pour responsabiliser les jeunes filles, les garçons et les familles sur les enjeux de la maternité précoce, de l’abus sexuel et du respect mutuel.
Le Christ ne rejetait personne
L’Église devrait se rappeler que le Christ n’a jamais rejeté la femme adultère. Il a défendu sa dignité, lui a offert une seconde chance. Il est temps d’imiter cet exemple. L’heure n’est pas au rejet, mais à la rédemption. Il faut cesser d’habiller la peur du changement avec le manteau de la morale. Ce que l’État offre comme opportunité de justice réparatrice, l’Église devrait; l’embrasser comme une mission de miséricorde. Car éduquer une fille mère, c’est sauver deux vies : la sienne et celle de son enfant.
Jonas Tshiombela, Avocat du peuple, Serviteur des pauvres