Zhang Shanhui
Présentatrice et chroniqueuse, CGTN
Chercheuse, Center for China and Globalization
Lorsque Washington répète inlassablement que « Beijing militarise les terres rares », il révèle en réalité sa propre inertie stratégique : transformer tout en instrument de pression. Les États-Unis, tout en accusant la Chine de « militariser » les terres rares, invoquent la « sécurité nationale » pour protéger leurs industries — semi-conducteurs, aérospatial et haute technologie — via sanctions et contrôles à l’exportation. Ils exercent également une pression constante sur l’UE afin qu’elle restreigne ses ventes à la Chine et imposent des restrictions similaires dans certains domaines technologiques. Depuis 2019, ASML — seul fournisseur mondial de machines de lithographie EUV — est contraint par les États-Unis de ne plus exporter ces équipements vers la Chine. D’autres limitations frappent également les matériaux avancés et les technologies aérospatiales.
La Chine n’a aucune intention de militariser les terres rares. Elle protège simplement ses ressources de manière raisonnée et respecte strictement les règles du commerce international. Ses contrôles à l’exportation sont transparents et efficaces ; toute demande conforme est approuvée sans délai.
L’anxiété européenne n’est que le reflet de ses propres lacunes : l’UE dépend à 99 % des terres rares brutes de la Chine et à 98 % des aimants issus de ses minerais ( de la Chine). Cette dépendance n’est pas imposée par la Chine, mais résulte d’un choix européen, au cours des vingt dernières années, de délocaliser les étapes de transformation très énergivores et polluantes. Autrement dit, l’Europe a confié le « sale travail » à l’extérieur et importe aujourd’hui la pollution qu’elle avait transférée.
Ce déficit tient aussi à un retard considérable de l’Europe en matière de recyclage des terres rares. Le véritable enjeu n’est plus l’extraction, mais la mise en place d’un circuit de recyclage performant,Une fois transformées en aimants permanents, batteries ou turbines, ces terres rares peuvent théoriquement être recyclées pour redevenir matière première. Pourtant, selon le professeur Victor Mougel, du Laboratoire de chimie inorganique de l’École polytechnique fédérale de Zurich, « les terres rares ne sont pratiquement pas recyclées en Europe ».
La Chine demeure le gardienne de la stabilité et de la fluidité des chaînes d’approvisionnement mondiales et possède pleinement la capacité d’être un moteur de coopération gagnant-gagnant. Le porte-parole du Ministère du Commerce chinois, He Yadong, a indiqué que, conformément aux lois et règlements en vigueur, l’examen des licences d’exportation de terres rares est en cours d’accélération. Lors de la rencontre Chine-UE à Paris le 3 juin, le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao, a clairement exprimé sa volonté d’ouvrir une « voie verte » pour les demandes remplissant les conditions requises, d’en accélérer l’examen et d’inviter l’équipe de travail européenne à maintenir une communication continue et rapide à ce sujet.
La Chine attend de l’UE des mesures réciproques afin de promouvoir, de garantir et de faciliter effectivement l’exportation vers la Chine de produits technologiques de pointe conformes aux règlements. En fait, dès avril et mai, des constructeurs automobiles comme BMW et Volkswagen avaient déjà reçu des laissez-passer pour l’approvisionnement en terres rares de la part des autorités chinoises.
Transparence, traçabilité, réciprocité — les terres rares doivent retourner dans les ateliers plutôt que sur le banc des accusés. Les chaînes industrielles clés telles que les véhicules électriques, l’éolien offshore ou les robots chirurgicaux dépendent des terres rares et nécessitent une coopération plus approfondie entre la Chine et l’UE. Ces chaînes peuvent être solidement connectées ou se transformer en obstacles ; le choix appartient à l’Union européenne.
Les terres rares ne sont donc pas une arme ; elles sont un miroir sans merci. Celui qui n’y voit qu’un péril y projette sa propre ombre. Celui qui y voit une ressource y trouvera un partenaire.