Contrairement à l’idée reçue, à la croyance, et au discours largement véhiculés ou répandus, et aux usages ; dans un Régime Semi-présidentiel, comme celui de la RD Congo, un Gouvernement remanié peut aussi être transformé en un Gouvernement issu de l’Union nationale ; c’est-à-dire, tout en gardant le Premier Ministre en fonction (Gouvernement remanié), la Constitution donne au Président de la République, la possibilité de nommer aussi, un Gouvernement issu de l’Union nationale ; c’est-à-dire, la possibilité pour le Premier Ministre, de proposer aussi, et pour le Président de la République, de nommer aussi, dans l’équipe gouvernementale, des personnes venant de l’Opposition politique, et de la Société civile ; en clair, des personnes n’appartenant ni à la Majorité parlementaire, ni à la Coalition majoritaire, voire, ni aux Partis politiques, au moment de leur nomination.
Le Président de la République et le Premier Ministre, sont donc libres, ils ont un réel pouvoir et, un choix réel.
I. Les compétences, liée et discrétionnaire du Président de la République au moment de la nomination du Premier Ministre et des autres membres du Gouvernement
En Droit administratif, la compétence est l’aptitude qu’a une autorité administrative de faire quelque chose, et en particulier, de prendre un acte administratif.
Pour rappel, le Président de la République est une autorité administrative ; et qu’une ordonnance présidentielle, est un acte administratif.
Comme les compétences de l’Administration sont d’attribution, donc les compétences d’une autorité administrative les sont aussi.
C’est-à-dire, la Constitution, la loi, … lui ont donné une parcelle des compétences pour qu’elle en jouisse au nom du Principe d’Indisponibilité des Compétences Administratives.
C’est-à-dire, au sens strict, les compétences qu’on lui a attribuées, sont indisponibles à d’autres autorités administratives.
Cela dit, rappelons en passant, les 3 différents angles sur lesquels s’exercent les compétences d’une autorité administrative :
- La Compétence ratione loci
Ici, la compétence est géographique.
C’est-à-dire, la Compétence en « raison du lieu » (ratione loci), sur un territoire donné.
Illustration 1 :
Le Président de la République, Félix Tshisekedi, est le Président de la RD Congo.
Le territoire, le lieu, où il jouit géographiquement de ses compétences, en tant qu’une autorité administrative, est la RD Congo, et non le Royaume de Belgique, à titre d’exemple.
Donc, il prend des actes administratifs qui n’engagent que la RD Congo, et non le Royaume de Belgique.
Illustration 2 :
Le Recteur de l’Université de Kinshasa, (UNIKIN), en tant qu’autorité administrative, jouit géographiquement de ses compétences dans un lieu donné, sur un territoire donné, qui est son université, c’est-à-dire, l’UNIKIN.
En clair, il prend des décisions, actes administratifs, qui n’engagent que l’UNIKIN, et non l’Université Pédagogique Nationale (UPN), à titre d’exemple.
2) Compétence ratione materiae
C’est-à-dire, la compétente en » fonction de la matière », en fonction du domaine d’action.
Illustration 1 :
En RD Congo, en matière de nomination du Premier Ministre et des autres Membres du Gouvernement, le Président de la République est compétent.
C’est-à-dire, en cette matière, la compétence lui revient ; et non au Premier Ministre, à titre d’exemple.
Illustration 2 :
En matière d’engagement de Professeurs ou d’assistants dans une université, telle que l’UNIKIN, c’est le Recteur de l’UNIKIN qui est compétent, et non le Secrétaire Général Administratif, à titre d’exemple.
- Compétence ratione temporis
C’est-à-dire, la compétente en fonction du temps, dans un temps déterminé.
Illustration 1 :
En RD Congo, le Président de la République, en tant qu’une autorité administrative, ne peut jouir de ses compétences que lorsqu’il est en fonction, et non lorsqu’ il a quitté ses fonctions, son poste.
Illustration 2 :
Le Recteur de l’UNIKIN ne peut engager l’UNIKIN que quand il est en poste et jouit de ses compétences, et non quand il a quitté son poste, ses fonctions.
Dans ce même ordre d’idées, la compétence peut aussi viser l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité administrative.
Cette compétence peut être soit liée soit discrétionnaire.
Une compétence n’est jamais totalement liée ou totalement discrétionnaire, mais, liée à certains égards et discrétionnaire à d’autres égards.
La loi et les principes généraux du droit balisent ce pouvoir d’appréciation.
L’autorité administrative a une compétence liée quand la loi vient strictement entourer son pouvoir d’appréciation.
Cela dit, contrairement à l’idée reçue, à la croyance, et au discours, largement véhiculés, répandus, ainsi qu’aux usages, excepté le cas du Premier Ministre, aucune disposition constitutionnelle ni législative, n’a régi, la prise en compte de l’appartenance politique des autres Membres du Gouvernement au moment de leur nomination.
En effet, c’est seulement l’appartenance politique du Premier Ministre qui est régie par la Constitution (cfr. Les alinéas 1 et 2 de l’article 78 de la Constitution).
I.1. La compétence liée du Président de la République au moment de la nomination du Premier Ministre
La Constitution a donné au Président de la République, la compétence de nommer le Premier Ministre.
La Compétence du Président de la République, en cette matière, est donc liée par les alinéas 1 et 2 de l’article 78 de la Constitution.
C’est-à-dire que ces alinéas de l’article 78 de la Constitution ont strictement entouré ce que le Président de la République devra faire pour nommer le Premier Ministre.
Celui-ci doit être nommé soit au sein de la Majorité parlementaire (alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution.)
Ici, dans l’esprit du Constituant congolais, la Majorité parlementaire nous renvoie au fait qu’un parti politique a suffisamment des Députés pour constituer, à lui, tout seul, la Majorité au Parlement, plus précisément, à l’Assemblée Nationale, c’est-à-dire, la Majorité absolue ou plus, donc la moitié de Députés +1 = 500/2 + 1 = 251 Députés (= Majorité absolue) ou plus de 251 députés ;
Le Premier Ministre peut aussi être nommé au sein de la Coalition majoritaire (l’alinéa 2 de l’article 78 de la Constitution), car dans l’esprit du Constituant congolais, si aucun Parti politique n’a obtenu, à lui, tout seul, la Majorité absolue, soit 251 Députés, voire plus ; le Président de la République confie à une Personnalité, la mission d’identifier une coalition afin de dégager une Majorité absolue ou plus, au niveau de l’Assemblée Nationale, au motif de permettre au Gouvernement de gouverner d’une manière plus stable.
I. 1.1. En RD Congo : le Gouvernement n’émane pas directement du Parlement
Contrairement aux Régimes politiques purement parlementaires, à l’instar du Régime anglais, où le Premier Ministre est Parlementaire, et le Gouvernement émane directement du Parlement ¹, car le (la) Chef (fe) de file du Parti majoritaire, après les élections législatives, a vocation de devenir Premier Ministre ², on a ainsi une homogénéité au niveau du Gouvernement.
Pour s’en convaincre :
Margaret Thatcher était la Cheffe de file du Parti Conservateur et son Gouvernement était homogène, Conservateur ;
Gordon Brown était le Chef de file du Parti travailliste et il a dirigé un Gouvernement homogène, travailliste ;
Rishi Sunak était le Chef de file du Parti conservateur, il a dirigé un Gouvernement homogène, Conservateur ;
Keir Starmer est le Chef de file du parti travailliste, il dirige un Gouvernement homogène, travailliste.
Ici, la Reine (le Roi) d’Angleterre, n’a pas le choix, elle (il) devra nommer ce (cette) Chef (fe) de file, ce (cette) leader unique et incontesté (e), Premier Ministre.
Après les élections législatives, outre le nom du Premier Ministre qui est déjà connu d’avance, avant même sa nomination ; et de surcroît, on sait aussi que c’est un Parlementaire, mais aussi, le (la) Chef (fe) de file de la Majorité parlementaire, et que son Gouvernement sera homogène ;
dans un Régime Semi-présidentiel, comme celui de la RD Congo, le Gouvernement n’émane plus directement du Parlement, car le Président de la République, nomme lui-même, directement et librement, son Premier Ministre (alinéas 1 et 2 de l’article 78 de la Constitution), ainsi que les autres Membres du Gouvernement, sur proposition du Premier Ministre (alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution).
I.2. La compétence discrétionnaire du Président de la République au moment de la nomination du Premier Ministre
Même s’il doit nommer son Premier Ministre au sein de la Majorité Parlementaire ³ ou de la Coalition majoritaire ⁴ (compétence liée), il n’est donc pas obligé de nommer le (la) Chef (fe) de file de la Majorité parlementaire ou de la Coalition Majoritaire (compétence discrétionnaire).
C’est ainsi qu’au nom de sa compétence discrétionnaire, le nom du futur Premier Ministre n’est pas connu d’avance, contrairement au modèle anglais.
Le Président de la République est donc libre, car au nom de sa compétence discrétionnaire, il n’est pas obligé de nommer comme Premier Ministre, le (la) leader de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire ; il peut choisir qui il veut comme Premier Ministre, toutefois, il devra tenir compte de sa provenance politique tels que stipulée par les alinéas 1 et 2 de l’article 78 de la Constitution.
Soulignons qu’en cas de Coalition majoritaire, il n’est donc pas, non plus, obligé, de tenir compte de certains paramètres tels que, la force ou l’encrage politique d’un parti politique, … car il n’est contraint par aucune disposition constitutionnelle ou législative qui, en cas de coalition majoritaire, le contraint, de nommer le Premier Ministre, au sein de la formation politique qui a le plus de députés , par exemple,…
Les alinéas 1 et 2 de l’article 78 de la Constitution l’obligent seulement de nommer le Premier Ministre au sein de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Ainsi, le Président de la République, a un réel pouvoir, et un choix réel.
Pour s’en convaincre, au moment de leur nomination :
Messieurs Gizenga, Muzito, Matata Ponyo, Tshibala, Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde, n’étaient pas des Parlementaires ni des Chefs de file de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Et de surcroît, les partis politiques de Messieurs Gizenga, Muzito, Badibanga et Tshibala n’étaient pas les premières forces politiques du pays.
Et leurs Gouvernements n’étaient pas homogènes mais de Coalition.
Madame Judith Suminwa Tuluka, non plus.
Elle n’est ni Parlementaire ni la Cheffe de file de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Son Gouvernement n’est pas homogène mais de Coalition.
Toutefois, le cas de Monsieur Samy Badibanga, est différent des autres, car, lui, il était Parlementaire, mais n’était pas le Chef de file de la Majoritaire parlementaire ni de la Coalition majoritaire, et n’en faisait d’ailleurs, même pas partie au moment de la formation du Gouvernement.
Son Gouvernement n’était pas homogène non plus, mais plutôt de Coalition
Contrairement aux Régimes purement Parlementaires, comme celui de l’Angleterre où le Premier Ministre et les autres Membres du Gouvernement émanent du Parti majoritaire, le seul parti qui a gagné les élections législatives ;
Dans le Régime Semi-Présidentiel, comme celui de la RD Congo, en cas de Coalition majoritaire, on retrouve dans le Gouvernement, les Membres du Gouvernement dont leurs Partis politiques ont perdu les élections législatives, c’est-à-dire, qui ont réalisé des moindres scores aux législatives.
Ici, ce qui compte c’est de constituer une Majorité à l’Assemblée Nationale.
En réalité, c’est une nette tendance à la Partitocratie comme en Belgique.
Cela dit, il convient de faire appel dès lors, à une analyse scientifique centrée sur la Neutralité Axiologique afin de tenter d’éclairer la lanterne des Congolais.
*MA RÉFLEXION*
« La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n’est aux faits eux-mêmes, parce que pour elle, se soumettre, ce serait cesser d’être. » ⁵
II. Précisions conceptuelles :
Gouvernement d’Union Nationale et gouvernement issu de l’union nationale
II. 1 Gouvernement d’Union Nationale
D’entrée de jeu, me semble-t-il, il convient de lever l’équivoque en replaçant chaque concept dans son contexte.
On parle du Gouvernement d’union nationale, quand stratégiquement, le pouvoir en place, souhaite intégrer dans la future équipe gouvernementale, un nombre significatif des partis politiques et des leaders politiques de l’Opposition, et des personnes venant de la Société civile, afin de gouverner ensemble d’une manière plus stable, pour des motifs qui pourraient être variés : à titre illustratif, d’affermir ou raffermir la Cohésion nationale, …
Scientifiquement, on parle donc du Gouvernement d’Union nationale, au moment de sa formation, c’est-à-dire, au moment où le pouvoir en place, en clair, la Majorité présidentielle, est en négociations, en tractations, en consultations, avec des forces politiques de l’Opposition, et la Société civile, afin qu’ils acceptent d’intégrer la future équipe gouvernementale, et cela donc, avant la nomination du futur Gouvernement.
II. 2. Gouvernement issu de l’Union Nationale
Ce qualificatif convient quand ce Gouvernement d’Union nationale formée, est enfin, nommé par le Président de la République, ensuite publié.
Il est donc impropre de parler du Gouvernement d’Union nationale quand tous les membres du Gouvernement sont nommés et en exercice, car après leur nomination, ils font désormais partie, et cela, automatiquement, du pouvoir en place, c’est-à-dire, de la Majorité présidentielle et de la Majorité parlementaire.
Ce Gouvernement nommé, travaille sur base d’un accord gouvernemental, centré sur le projet de société du Président de la République élu, et en fonction, et certaines orientations délibérées et voulues par des partenaires qui ont intégré ledit Gouvernement.
Un Gouvernement issu de l’Union nationale, n’est pas synonyme d’un Gouvernement issu de la cohabition.
Ici, le Président de la République dont le mandat court toujours, et son Projet de société, priment.
Pour s’en convaincre, dans notre cas de figure, si le Gouvernement Suminwa est remanié, et que le nouveau Gouvernement est formé sur base d’une large ouverture, appelée Union nationale ; on parlera plutôt du Gouvernement Suminwa II, issu de l’Union nationale, et non du Gouvernement d’Union nationale.
III. Au moment de leur proposition et nomination, l’appartenance politique des autres membres du Gouvernement n’est régie par aucune disposition constitutionnelle ni législative
Pour s’en convaincre, mettons en relief l’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution. Celui-ci stipule :
» Le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier Ministre. » ⁶
L’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution est très clair !
Il ne donne aucune indication quant à l’appartenance politique des autres Membres du Gouvernement lors de leur nomination.
Force est donc de constater que, cette disposition constitutionnelle, ne lie aucunement la compétence du Président de la République à une quelconque appartenance politique des autres Membres du Gouvernement lors de leur nomination.
Sous cet angle, c’est donc la compétence discrétionnaire du Président de la République qui agit.
Même si dans les usages du Système Politique congolais, le Premier Ministre est appelé à tenir compte de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire lorsqu’il propose les noms des candidats ministrables au Président de la République, aux fins de leur nomination, et cela, afin d’éviter un blocage persistant ou une crise grave lors de la formation du Gouvernement, mais aussi, par la suite, permettre au Président de la République et à son Gouvernement, de faire passer des lois et des réformes au Parlement.
Cependant, ni le Premier Ministre ni le Président de la République, ne sont contraints par une quelconque disposition législative ou constitutionnelle ;
C’est-à-dire, qu’aucune disposition législative ou constitutionnelle ne les oblige de choisir les ministrables et de les nommer, exclusivement, au sein de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Même si on peut comprendre que la Majorité parlementaire ou la Coalition majoritaire devra être très bien représentée au sein du Gouvernement pour des motifs techniques susmentionnés ;
Le Président de la République et le Premier Ministre, sont donc libres, ils ont un réel pouvoir et, un choix réel.
Au finish, le Président de la République peut ainsi, se servir de sa compétence discrétionnaire afin d’intégrer aussi, dans l’équipe gouvernementale, des personnes non issues de la Majorité parlementaire, de la Coalition majoritaire ou des Partis politiques, car la Constitution lui donne cette possibilité ; et cela, selon les critères que lui et son Premier Ministre, pourraient définir.
S’il le fait, il ne violera aucunement une quelconque disposition législative ou constitutionnelle.
IV. Dualisme entre le Gouvernement et le Parlement
Comme je l’ai souligné ci-haut, contrairement aux Régimes politiques purement parlementaires, comme celui de l’Angleterre ; à l’idée reçue, à la croyance et au discours, largement véhiculés ou répandus ; dans le Régime Semi-Présidentiel, le Gouvernement n’émane plus directement de l’Assemblée Nationale, même si le Président de la République devra tenir compte de la situation parlementaire, il est libre, il a un réel pouvoir, et un choix réel, car c’est lui qui nomme directement et librement, le Premier Ministre, un Premier Ministre dont le nom n’est pas connu d’avance ; et, sur proposition de celui-ci, les autres Membres du Gouvernement.
En outre, il existe une forme de dualisme entre le Pouvoir Exécutif dans lequel appartient le Gouvernement, et le Pouvoir Législatif ; dans le sens où, si le Parlement contrôle le Gouvernement, et que la Constitution donne à l’Assemblée Nationale le pouvoir de démettre le Gouvernement par une motion de Censure, dans l’autre sens, la Constitution donne aussi au Président de la République, en tant que le Chef de l’Exécutif, le pouvoir de dissoudre l’Assemblée Nationale.
Le Pouvoir Exécutif et le Pouvoir Législatif sont donc invités à collaborer.
En RD Congo comme en France, le Président de la République dispose donc d’un choix réel, il choisit lui-même son Gouvernement ; même si, contrairement à la France ; en RD Congo, en matière de nomination du Premier Ministre, la compétence du Président de la République, est liée d’une part, car la Constitution a déjà entouré ce qu’il doit faire, en indiquant l’appartenance politique du Premier Ministre, vu que le Président de la République le nomme au sein de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire ;
D’autre part, le Président de la République jouit aussi de sa compétence discrétionnaire car même si on sait que le Premier Ministre sera issu de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire, on ne sait pas encore, qui, le Président de la République nommera, Premier ministre.
Quant à la provenance des autres Membres du Gouvernement, en RD Congo comme d’ailleurs en France, aucune disposition législative ou constitutionnelle ne lie la compétence du Président de la République.
Pour rappel, même si pour des raisons techniques telles que susmentionnées, il devra tenir compte de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire lors de la formation du Gouvernement ; rien ne contraint le Président de la République de nommer, selon les critères et les raisons qui pourraient l’animer, dans l’équipe gouvernementale, des personnes ne provenant ni de la Majorité parlementaire ni de la Coalition majoritaire ni des Partis politiques.
C’est ici que le Gouvernement issu de l’Union nationale, trouve sa légalité.
Quant à la nomination du Premier Ministre, il en résulte que le Président de la République n’est pas obligé de choisir et de nommer son Premier Ministre parmi les chefs de file de la Majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Pour s’en convaincre, referons-nous aux illustrations mises en relief ci-haut, dans le cas de l’Angleterre et de la RD Congo.
Cela dit, c’est ainsi que, dès sa nomination, le Premier Ministre, dans le Régime Semi-Présidentiel, fait figure de leader.
Mais cela est l’inverse dans les Régimes purement Parlementaires, à l’instar de l’Angleterre.
En Angleterre, c’est donc l’inverse, car on retrouve à la tête de la Majorité parlementaire, un leader unique et incontesté. ⁷
Le seul leader du parti majoritaire a vocation de devenir Premier Ministre. ⁸
Le Gouvernement anglais émane donc directement du Parlement.
V. Rapports de force entre le Président de la République et le Premier Ministre en période de cohabitation dans un régime semi-présidentiel à l’instar de la RD Congo et de la France
Dans le Régime Semi-Présidentiel, en période de cohabitation, le Président de la République sera peut-être obligé de choisir et de nommer comme Premier Ministre, une personnalité qui l’a combattu dans le passé ou qu’il combattra ⁹, afin de préserver le pays d’une crise grave, et de l’associer, stratégiquement, à la comptabilité du bilan de la gouvernance (par exemple, en France : Jacques Chirac sous François Mitterrand ; et Lionel Jospin sous Jacques Chirac).
C’est ainsi que dans la pratique, lors de la Cohabitation, la formation de chaque Membre du Gouvernement nécessite l’accord du Premier Ministre et du Président de la République, ainsi sont donc engagées de grandes négociations surtout lorsqu’il s’agit d’attribuer un poste ministériel concernant un secteur d’activité sur lequel le Chef de l’Etat estime avoir un droit de regard particulier : Affaires étrangères, Défense nationale, Intérieur, …¹⁰
VI. La nomination et la révocation des membres du Gouvernement
En RD Congo, les règles relatives à la nomination et à la révocation des Membres du Gouvernement sont fixées par l’article 78 de la Constitution.
Le Président de la République nomme le Premier Ministre au sein de la Majorité parlementaire et il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci (Premier Ministre) de la démission du Gouvernement (l’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution).
Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions (l’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution).
C’est donc le Président de la République qui met fin aux fonctions du Premier Ministre et des autres Membres du Gouvernement (les alinéas 1 et 4 de l’article 78 de la Constitution).
MAIS, il ne peut pas le faire de sa propre initiative.
La liberté du Président de la République est en principe réduite.
L’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution dit qu’il met fin aux fonctions du Premier Ministre « sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ».
Donc, il en résulte un Premier Ministre qui veut être démis de ses fonctions.
D’où, le Président de la République ne peut révoquer par exemple un Premier Ministre qui, fort de la confiance de l’Assemblée Nationale, entendrait demeurer à la tête du Gouvernement. ¹¹
Attention, car le Président de la République exerçant son pouvoir d’arbitrage, pourrait se heurter aux vues du Premier Ministre exerçant, lui, son pouvoir gouvernemental. ¹²
Il est vrai qu’en RD Congo, dès l’entrée en vigueur de la Constitution de 2006, dans la pratique, jusqu’en 2018, le Premier Ministre était l’instrument de la politique présidentielle ; il était entièrement subordonné au Président.
Peut-être à cause de la Coalition, c’est-à-dire, le Président de la République et le Premier Ministre sont de la même obédience, et constituent en réalité, une Majorité présidentielle.
C’est ainsi que d’aucuns pensent que le Président de la République peut révoquer le Premier Ministre.
Or, l’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution ne dit pas tout à fait cela, mais plutôt que, le Président de la République ne peut mettre fin aux fonctions du Premier Ministre que si celui-ci lui remet la démission du Gouvernement.
La révocation peut être directe ou indirecte (coïncidence entre la Majorité Parlementaire et la Majorité Présidentielle, et l’idée que la tâche du Gouvernement est d’appliquer une politique déterminée par le Président de la République) même si les termes de l’alinéa 1 de l’article 78 n’expriment pas tout à fait cela.
Il est d’usage que le Premier Ministre remette la démission du Gouvernement au Président de la République après chaque renouvellement de l’Assemblée Nationale, quel qu’ait été le résultat de l’élection.
VII. Dans la composition du Gouvernement,
Le nombre et la nature de portefeuilles ministériels ne sont régis par aucune disposition constitutionnelle ni législative
Effectivement, en RD Congo, lors de la composition du Gouvernement, le nombre et la nature des portefeuilles ministériels ne sont régis par aucune disposition législative ou constitutionnelle.
La Constitution nous rappelle seulement, à l’alinéa 3 de l’article 90, que lors de la Composition du Gouvernement, qu’on doit tenir compte de la Représentativité nationale, c’est-à-dire, de l’origine provinciale de chaque Membre du Gouvernement afin qu’il y ait équilibre, et que toutes les provinces du pays soient représentées.
Le nombre et la nature des portefeuilles ministériels, ainsi que les titres conférés aux membres du Gouvernement, sont variables.
La pratique permet néanmoins de dégager certains usages ou certaines tendances.
VII.1. Le nombre de portefeuilles ministériels
En RD Congo, on constate une tendance assez nette à l’augmentation du nombre de portefeuilles ministériels. ¹³
Question : Pourquoi ?
Réponse :
° L’Etat intervient de plus en plus dans la vie économique et sociale. La politique d’intervention de l’Etat se retrouve à plusieurs égards dans différents ministères
° Le caractère composite de certaines coalitions majoritaires.
Plus les composantes d’une Coalition majoritaire, sont nombreuses, plus on aura tendance à multiplier les portefeuilles ministériels, car chaque tendance voudra être représentée au sein du Gouvernement proportionnellement à son importance.
Les Ministres individuellement considérés n’ont que des compétences administratives. Ils sont les chefs de leur département ministériel et doivent veiller, à ce titre, à ce que les directives gouvernementales soient appliquées par leurs services.
Leurs attributions sont fixées par ordonnance délibérée en Conseil des ministres.
VII.2. La hiérarchie interne
On distingue le Premier Ministre, les Ministres et les Vice-Ministres. Le cas échéant, les Vice-Premier Ministres, les Ministres d’Etat, et les Ministres délégués (alinéa 1 de l’article 90 de la Constitution).
1. Le Premier Ministre ¹⁴
Le Premier Ministre est le Chef du Gouvernement.
Il a une existence constitutionnelle réelle, et son autorité au sein du Cabinet est expressément reconnue.
2. Les Vice-Premier Ministres ¹⁵
Ils assistent le Premier Ministre dans la coordination des activités gouvernementales.
Ils assurent le suivi des décisions prises par le Conseil des Ministres dans leurs secteurs respectifs.
Ils adressent trimestriellement un rapport d’activités au Premier Ministre avec copies au Président de la République et au Secrétaire Général du Gouvernement.
Et, c’est généralement à l’un d’eux que l’on confie l’intérim du Premier Ministre lorsque celui-ci est absent ou empêché.
3. Ministre d’État ¹⁶
C’est un titre conféré à des personnalités qui incarnent une composante importante de la majorité parlementaire ou de la Coalition majoritaire.
Ils figurent parmi les têtes de liste des Membres du Gouvernement.
4. Ministre ordinaire (ou de plein exercice) ¹⁷
C’est un membre du Gouvernement placé à la tête d’un département ministériel autonome.
5. Ministre délégué ¹⁸
C’est un Ministre délégué près d’un autre Membre du Gouvernement, parfois près le Président de la République, près le Parlement, ou près le Premier Ministre ; et son rôle consiste à mettre en œuvre dans un secteur particulier, la politique décidée.
6. Les Vice-ministres ¹⁹
Ils sont généralement dans la même situation que les Ministres délégués, c’est-à-dire qu’ils sont rattachés à un autre Membre du Gouvernement, mais leur position dans la hiérarchie gouvernementale est moins élevée que celle des Ministres délégués.
Ils figurent tout à fait à la fin de la liste des Membres du Gouvernement.
Mais, ils participent, comme tous les autres Membres du Gouvernement, au Conseil des ministres.
VIII. Le statut des membres du gouvernement
VIII. 1. L’incompatibilité de la fonction de membre du gouvernement avec d’autres activités
L’article 97 de la Constitution stipule que les fonctions de Membre du Gouvernement sont incompatibles avec :
° L’exercice de tout mandat électif ;
° De tout emploi public, civil ou militaire ;
° Et de toute activité professionnelle, à l’exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de recherche ;
° Avec toute responsabilité au sein d’un parti politique.
Ce texte interdit donc aux Membres du Gouvernement, à l’exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de recherche ;
Toute activité autre que celle exigée par leur fonction gouvernementale.
Mais en réalité, ce que vise essentiellement l’incompatibilité, c’est le mandat parlementaire. ²⁰
L’accès au Gouvernement constitue un risque pour les Parlementaires puisqu’ils ne retrouveront pas automatiquement leur banc dans l’Assemblée au cas où le Cabinet serait renversé. ²¹
Par ailleurs, l’article 97 ne s’oppose pas à ce qu’un Ministre soit élu Député ou Sénateur, il doit simplement faire le choix, par la suite.
Donc l’article 97 ne créé pas une inéligibilité.
viii.2. Signification de l’incompatibilité
Le principal argument pratique est que l’incompatibilité renforce la solidarité ministérielle et la stabilité gouvernementale, parce qu’un ancien Ministre parlementaire sait qu’il ne retrouvera pas automatiquement son siège. ²²
La séparation des pouvoirs exige donc que les Ministres ne soient pas des Parlementaires mais à l’inverse, on soutenait aussi que les Ministres parlementaires pourraient exercer sur leurs collègues au Parlement une influence telle que c’est entre leurs mains que seraient concentrés les pouvoirs.
C’est donc le Parlement que l’incompatibilité visait, selon cette doctrine, à protéger.
Par ailleurs, si un Membre du Gouvernement veut être candidat pour l’Assemblée (renouvellement de l’Assemblée), il a le droit car comme il est écrit plus haut, à l’échéance des résultats des votes, il devra choisir entre sa fonction ministérielle ou parlementaire.
En général, les Ministres choisis en dehors du Parlement sont cependant plus nombreux.
Ce phénomène est en partie lié au rôle que joue le Chef de l’Etat dans la formation du Gouvernement.
Certains postes très élevés peuvent être accordés à des personnalités politiques ou à des personnes non politiques, ne jouissant pas d’une très forte représentativité politique ou d’une représentativité politique.
Cela rejoint le fait que le Chef de l’Etat est quelqu’un de forte influence.
Mais si ces personnalités politiques ou personnes non politiques, veulent poursuivre une carrière politique, ils devraient finir par briguer un mandat parlementaire.
IX. Le rôle du Parlement : la querelle de l’alinéa 5 de l’article 90 de la Constitution
Le Gouvernement existe juridiquement dès sa nomination sans avoir besoin d’avoir reçu une investiture de l’Assemblée Nationale ou d’un vote de confiance de celle-ci. ²³
La querelle : CEPEDANT le Gouvernement a besoin, pour agir, de la confiance de l’Assemblée Nationale, donc il pourrait être souhaitable que dès sa formation, il demande un vote de celle-ci, conformément à l’alinéa 5 de l’article 90 de la Constitution, qui dispose et engage, devant l’Assemblée Nationale, la Responsabilité du Gouvernement sur son programme.
En RD Congo, la formation d’un nouveau gouvernement est sanctionnée par un vote de confiance.
Mais, Cependant, l’alinéa 5 de ’article 90 de la Constitution peut être sujet à plusieurs interprétations concernant « l’engagement de la responsabilité du Premier Ministre devant les Parlementaires.»
En sens inverse, suivant l’esprit du Parlementarisme rationalisé, auquel se rattache la Constitution de 2006, étant présumé avoir la confiance du Parlement, plus précisément, de l’Assemblée Nationale ;
Est-ce que le Gouvernement devra encore être tenu d’en faire la démonstration ?
Cela ne pourrait-il pas devenir facultatif ?
En France, par exemple, qui est aussi un Régime Semi-Présidentiel comme la RD Congo ; et d’ailleurs des Spécialistes qualifient la Constitution de la RD Congo de 2006, de « Petite Sœur africaine de l’actuelle Constitution française, donc celle de 1958 » ²⁴ ;
La question d’opportunité politique du Premier Ministre est appréciée librement par celui-ci.
Pour s’en convaincre :
Les Premiers Ministres, Gabriel Attal (l’Actuel Premier Ministre français), Elisabeth Borne, Michel Rocard, Pierre Bérégovoy et Édith Cresson ont fait pareil.
Ils n’ont pas sollicité le vote de Députés en l’absence d’une Majorité absolue. ²⁵
En RD Congo, la motion de confiance (alinéa 5 de l’article 90 de la Constitution) peut être refusée au Gouvernement à la MAJORITE ABSOLUE des Députés composant l’Assemblée Nationale ; de même pour la motion de censure.
Tandis qu’en France, la motion de confiance peut-être refusée au Gouvernement par une MAJORITE SIMPLE, et la motion de censure, quant à elle, comme en RD Congo, peut être refusée au Gouvernement à la MAJORITE ABSOLUE des Députés composant l’Assemblée Nationale.
Donc un Gouvernement qui n’est pas sûr, n’a pas intérêt de déclencher l’application de cette procédure.
*Scientia Vincere Tenebras (La Science Vaincra les Ténèbres). *
Professeur Jean-Denis Kasese Otung Abienda
Professeur à l’Université Pédagogique Nationale (UPN)
Professeur, Chercheur et Collaborateur Scientifique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB)
Membre de la Faculté de Philosophie et des Sciences Sociales (ex – Faculté des Sciences Sociales et Politiques / Solvay Brussels School of Economics and Management) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB)
Membre de l’Institut de Sociologie (IS) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB)
Membre du Centre d’Études de la Coopération Internationale et du Développement (CECID) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
*NOTES ET RÉFÉRENCES*
1. KASESE OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, _Sciences et Institutions politiques, UPN, Inédit, 2019, p.38
2. Ibidem
3. L’alinéa 1 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006
4. L’alinéa 2 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006
5. Henri POINCARÉ, « Discours : Fêtes du 75 ème anniversaire de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) », ULB, Bruxelles, le 21 novembre 1909.
6. L’alinéa 4 de l’article 78 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006
7. KASESE OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, Sciences et Institutions politiques, Op. Cit., p.38
8. Ibidem
9. Ibidem
10. Ibidem
11. Ibid., p.39
12. Ibidem
13. KASESE, OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, Systèmes Administratifs Comparés, UPN, Inédit, 2011, p. 40
14. Ibid., p.41
15. L’article 15 de l’Ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du Gouvernement
16. KASESE, OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, _Systèmes Administratifs Comparés, UPN, Op. Cit., p. 41
17. Ibidem
18. Ibidem
19. Ibidem
20. Ibid., p.42
21. Ibidem
22. Ibidem
23.Ibid., p.38
24. POLLET – PANOUSSI, Delphine, » La Constitution congolaise de 2006 : petite sœur africaine de la Constitution française « , in REVUE FRANÇAISE DE DROIT CONSTITUTIONNEL, 2008/3 (n° 75), pp. 461-498
25. BFMTV, Parlement- « La France est-elle la seule à pouvoir se passer d’un vote de confiance pour son gouvernement ? », 30/01/2024
26. KASESE OTUNG ABIENDA, Jean-Denis, Droit administratif, UPN, Inédit, Kinshasa, 2020