(Par le Professeur Florent Gabati)
L’organisation d’un dialogue national dans le cadre de la situation géopolitique et sécuritaire demeure un impératif urgent au regard des enjeux actuels, de la fracture de la société congolaise et surtout de l’existence de deux administrations, du jamais vu dans l’histoire politique post Mobutu. De toute évidence, la RDC paraît comme une jungle où l’État n’a plus le contrôle des grands pans du territoire national, les ADF ajoutent de l’insécurité, les exploitations minières illicites alimentent les groupes rebelles. Si cette déclaration du chef de l’État congolais s’inscrit en termes de l’appropriation stricto sensu de l’organisation du dialogue national, il faut se poser de bonnes questions sur ce qui doit être fait et réalisé dans l’appréhension du concept dialogue par le président congolais. Est ce qu’il faut par-là penser que Fatshi s’estime au demeurant maître des Horloges ? C’est une aberration de motiver sa décision en fonction des initiatives internationales au moment où tous les voyants sont au rouge en RDC notamment la morosité politique, la balkanisation du pays, la guerre hybride, l’augmentation de la malnutrition aigüe, la traque des opposants politiques.
Un dialogue national dans quel but comme le veut Félix Tshisekedi ?
Le dialogue national est généralement organisé lorsque tous les acteurs politiques sans exclusion et la société civile estiment qu’une vaste consultation est essentielle pour aboutir à la réconciliation nationale, pour apaiser les tensions et instaurer la stabilité du pays nécessaire au développement durable. Le président congolais ne doit opter pour la politique de l’autruche.
Le dialogue national ne peut être perçu comme un événement isolé, exclusif. Comme nous l’avons toujours déclaré, monsieur Félix Tshisekedi est une grande partie du problème pour avoir généré la dynamique de la guerre actuelle. C’est bien l’une des facettes du conflit. La légitimité du président congolais n’est plus crédible, car des provinces immenses de la RDC ne sont plus sous sa tutelle. Que veut nous faire croire le chef de l’État pour déclarer « qu’il n’arrivera jamais de dialogue en dehors de sa propre initiative » ? Le président congolais est face au mur, il n’a plus toutes les cartes en main en voulant nous faire avaler des couleuvres. La RDC ne demeure pas aujourd’hui un pays post conflit, la guerre est là, le dialogue national s’impose dans le temps et à tous. Les initiatives de Doha ne régleront pas de manière plénière les problèmes qui engendrent depuis des décennies des conflits en RDC. La classe politique aux manettes est incapable de se surpasser, de se réinventer pour assurer la réconciliation nationale. Un président qui a déjà perdu une grande partie de sa légitimité a-t-il encore les armes géopolitiques pour mettre sur pied un vrai dialogue national ?
L’appel au forum national lancé par les Eglises catholique et protestante comme solution ultime à une apocalypse sociopolitique et sécuritaire avérée s’avère impératif et certains congolais doivent arrêter de nous raconter des carabistouilles. La raison primordiale de l’organisation de ce dialogue résulte de la grande fracture sociale, de l’instabilité grave, du pillage systémique, de deux administrations dans un pays. Chose rarissime au monde. Nelson Mandela disait : « un bon dirigeant peut engager un débat avec toute personne, même avec quelqu’un qui s’oppose fortement à lui ». Le dialogue national souhaité par les confessions religieuses congolaises est à privilégier parce qu’il constitue l’outil le plus approprié pour résoudre les griefs ayant entraîné des décennies de conflit, pour réconcilier les congolais entre eux dans la concorde, la fraternité afin de reconstruire un pays plus beau qu’avant où tous les congolais seront fiers d’y vivre dans des conditions décentes avec de bons salaires et de l’alimentation suffisante.
Un dialogue comme le conçoit dans son imagination le président congolais constituera une diversion de l’élite politique dirigeante. Un dialogue biaisé n’a pas de raison d’être convoqué en RDC. Si sa perception relève de la simple bouffonnerie politique, quelles stratégies disposeront encore les patriotes congolais afin d’opter pour la politique du dégagisme ? Dans la perspective de restaurer notre souveraineté nationale, la stabilité de notre pays comme le souhaitent les figures emblématiques de l’opposition, il faut un dialogue maintenant. Dans le cadre de la réflexion sur les situations géopolitiques africaines en général et congolaises en particulier où les Etat sont défaillants, l’avenir politique reste hypothétique malgré des prédications positives en fonction d’énormes ressources. Ce sont les politiques qui dirigent et non les économistes.