La ville d’Inkisi, mieux connue sous le nom de Kisantu, s’apprête à devenir la nouvelle capitale littéraire de la province du Kongo Central et de la RDC. Après Mbanza-Ngungu et Matadi, cette cité située à quelques 120 kilomètres au sud de Kinshasa accueillera, du 25 au 27 septembre 2025, la troisième édition du Salon du livre du Kongo Central (SALIK), placée sous le thème « Ecrire pour la paix ».
Dans un contexte marqué par des crises récurrentes, notamment avec les conflits armés dans l’est de la RDC, le thème choisi pour cette troisième édition prend tout son sens. Pour Allegria Mpengani, initiateur et coordinateur du SALIK, ce thème ne doit rien au hasard.
«Notre pays traverse une période difficile. La guerre dans l’Est continue d’endeuiller des familles depuis près de trente ans. Il nous semblait essentiel de montrer que la littérature peut être une arme de construction massive, un outil d’espoir et de résilience », confie-t-il.
Une édition centrée sur la jeunesse
Cette troisième édition se veut résolument tournée vers la jeunesse. Des partenariats ont été noués avec une vingtaine d’écoles de la région afin de faire participer directement les élèves aux activités prévues : ateliers d’écriture, rencontres avec les auteurs, animations théâtrales et projections de films.
Avant même l’ouverture officielle, plusieurs ateliers préparatoires ont été organisés dans différentes écoles du Kongo Central, à Kikwit et même à Kinshasa, pour offrir aux plus jeunes l’occasion d’exprimer librement leur vision du pays à travers des textes et des poèmes.
« Quand j’étais enfant, les livres m’ont ouvert les yeux sur le monde », se souvient Allegria Mpengani. « J’ai grandi dans une mission protestante et j’ai eu la chance d’être entré en contact très tôt avec la littérature, avec les livres. Cette relation avec les livres m’a ouvert à d’autres horizons, m’a donné une nouvelle façon de comprendre et de percevoir le monde. D’où pour moi la motivation et l’envie de vouloir aider ces jeunes à découvrir ce que la littérature peut leur apporter tout au long de leur parcours ou de leur vie ».
Kisantu, un terrain fertile à cultiver
Dans une ville où les infrastructures culturelles se comptent sur les doigts d’une main et où l’accès aux livres reste un luxe, l’arrivée du SALIK est perçue comme une bouffée d’air frais.
« La ville de Kisantu souffre d’un manque criant des établissements socio-culturels. Il y a très peu d’accès aux livres et presque pas de bibliothèque ou centres culturels. Le livre est une denrée extrêmement rare à Kisantu, comme aussi dans d’autres villes du pays », a déploré Allegria Mpengani.
Un marché du livre sera installé pour l’occasion, avec des libraires venus de Kinshasa, et des centaines d’ouvrages seront distribués gratuitement aux écoles et centres de formation locaux. Romans, contes, essais et manuels scolaires feront partie du lot.
« Notre objectif est de toucher près de 4 000 enfants, directement ou indirectement. Si nous y arrivons, ce sera une grande victoire », affirme le coordinateur.
Plusieurs écrivains et artistes participeront à l’événement. Jessica Modua, représentante des éditions Mabiki à Kinshasa, animera des ateliers autour de la littérature jeunesse, avec des œuvres telles que Mutos de Bienvenue Sene Mongaba, Les fables de Christian Gombo, et À la rencontre de l’Okapi. Cire le Griot proposera des sessions de contes, tandis que Élodie Ngalaka se consacrera à des échanges spécifiques avec les jeunes filles. Alice Sakina mènera des animations théâtrales et contribuera à mettre en valeur les œuvres d’auteurs congolais.
À travers ces rencontres, les organisateurs espèrent transmettre à la jeunesse le goût de la lecture et de la culture, et ainsi prouver qu’elles peuvent être un plaisir accessible voire un loisir.
Le SALIK est porté par l’Asbl J’accuse ma génération (JMG), une jeune structure militante qui se sert de la culture comme levier de transformation sociale. Depuis sa création, le salon fonctionne principalement sur fonds propres, mais il bénéficie désormais du soutien de l’Institut français de Paris via le programme Ressources créatives, ainsi que d’autres partenaires.
Avec cette troisième édition, les organisateurs souhaitent inscrire Kisantu sur la carte culturelle de la RDC et contribuer à réduire le fossé qui existe entre l’offre culturelle de Kinshasa et celle des provinces.
« Un peuple qui ne lit pas est un peuple qui se condamne lui-même à l’ignorance. À travers ce salon, nous voulons contribuer à écrire une autre histoire pour notre jeunesse », conclut Allegria Mpengani.
James Mutuba