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Journée de réflexion de la société civile sur les enjeux de l’heure : Position de la société civile face au dialogue, Guerre et développement de la RDC : Quid ?

Par La Prospérité
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(Par Abbé José Mpundu, prêtre et psychologue)

Introduction

Avant toute chose, je tiens à remercier les organisateurs de ces journées de réflexion de la société civile pour mavoir invité à prendre la parole et à partager mes idées avec vous. Cest une marque de confiance qui me va droit au cœur. Le sujet qui ma été confié sintitule : « Guerre et développement de la RDC : Quid ? ». Un sujet dactualité et dune grande importance non seulement pour lavenir de notre pays mais aussi pour lavenir de lAfrique qui, comme le disait Frantz Fanon, a la forme dun révolver dont la gâchette se trouve au Congo. 

Mon exposé comprendra trois points. Dans un premier point, je vais parler de la guerre en RDC. Qui nous fait réellement la guerre ? Pourquoi on nous fait la guerre ? Quelles sont les conséquences de cette guerre ? Quelle est la guerre qui mène à la paix ? 

En deuxième lieu, je vais parler du développement de la RDC. Un développement qui sera présenté non pas sur le plan purement économique mais sur le plan humain : développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes. 

Enfin, en troisième lieu, je vais répondre à la question de savoir comment mettre fin à la guerre et s’engager dans le chemin du développement intégral. Il n’y a qu’une seule voie, celle du dialogue. Je vais indiquer les étapes du dialogue de négociation dans la non-violence et les temps du dialogue pour une réconciliation avec nous-mêmes, avec les autres et entre les nations.  

La guerre en RDC

Agresseurs 

Lorsque nous parlons de la guerre en RDC, il est important de nous poser la question de savoir qui nous fait la guerre. Quel est le vrai agresseur de la RDC ? 

Alors que nous sommes habitués à entendre dire que c’est le Rwanda qui nous agresse, je voudrais pour ma part, dire les choses telles qu’elles sont : c’est l’Occident qui nous fait la guerre à travers nos voisins qui ne sont que des proxys. En effet, il y a l’agresseur réel et l’agresseur apparent. L’agresseur réel c’est l’Occident, l’Europe et les USA. Hier, ils nous ont agressé à travers la traite négrière et la colonisation. Ils étaient nos agresseurs réels et apparents car ils étaient sur le terrain. Aujourd’hui, ils continuent à nous agresser mais en utilisant non seulement nos voisins mais aussi nos propres frères congolais qu’ils instrumentalisent et manipulent comme des marionnettes. 

Nous pouvons donc dire que l’agresseur du Congo c’est non seulement l’autre (Occident et nos voisins) mais aussi le Congolais lui-même. Congolais, nous sommes victimes de l’agression et en même temps complices de nos agresseurs. Car, certains fils et filles de ce pays participent à cette agression de différentes manières et en tire un certain bénéfice au détriment de leurs compatriotes et de leur pays. 

Aujourd’hui comme hier, les agresseurs étrangers utilisent toujours les congolais pour faire croire qu’il s’agit d’une guerre entre nous congolais. C’est la stratégie connue depuis la nuit des temps qui a pour nom : diviser pour mieux régner. Avant hier, ils ont utilisé les chefs de nos villages pour leur vendre les jeunes robustes et forts comme des esclaves. Hier, ils ont utilisé des congolais pour en faire des chefs de corvée comme Pharaon avait fait pour le peuple hébreu, durant son esclavage en Egypt. Aujourd’hui, ils créent des nègres de service que sont nos dirigeants pour exécuter la basse besogne. 

Nature et objectif de cette guerre 

Cette guerre qui ne date pas de trois décennies comme nous avons pris l’habitude de le dire, mais qui remonte à l’époque de la traite négrière en passant par la colonisation et aujourd’hui, sous la forme de la néocolonisation, et donc qui dure depuis des siècles, a pour objectif faire main basse sur nos ressources naturelles et en particulier nos ressources du sol et du sous-sol. Aujourd’hui, tous nos agresseurs de l’extérieur et de l’intérieur courent après les minerais stratégiques dont ils ont besoin pour leur croissance économique. 

Nous sommes donc en plein dans une guerre économique, une guerre de prédation menée par le système capitaliste où l’Avoir est au-dessus de l’Etre. Ainsi, pour Avoir plus, on est prêt à tuer l’Etre et on le tue effectivement sans état d’âme et sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. 

Conséquence de cette guerre

La conséquence de cette guerre, de toute guerre, c’est la destruction de l’Etre en nous-même, la destruction de l’homme qui est en nous, la destruction de ce que nous avons encore d’humain, la destruction des autres humains, la destruction des infrastructures. A la différence que l’Etre humain que nous tuons, nous ne pouvons plus le faire revenir à la vie tandis que les infrastructures, nous pouvons encore les reconstruire. 

Aucune guerre ne conduit à la paix contrairement à ce que l’on veut nous faire croire par cet adage qui dit : « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Si nous voulons la paix, nous devons préparer la paix. 

Certes, aucune guerre ne mène à la paix mais il y en a une qui peut mener à la paix. Je nous invite à écouter les paroles d’Athénagoras, Patriarche de Constantinople, qui nous indique la seule guerre qui mène à la paix :

Une guerre qui mène à la paix

Il faut mener la guerre la plus dure qui est la guerre contre soi-même.

Il faut arriver à se désarmer.

J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible.

Mais je suis désarmé.

Je n’ai plus peur de rien, car l’Amour chasse la peur.

Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses.

J’accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets. Si l’on m’en présente de meilleurs, ou plutôt non, pas meilleurs, mais bons, j’accepte sans regrets. J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel est toujours pour moi le meilleur.

C’est pourquoi, je n’ai plus peur. Quand on n’a plus rien, on n’a plus peur.

Si l’on désarme, si l’on se dépossède, si l’on s’ouvre au Dieu Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, lui efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible.

Athënagoras

Patriarche de Constantinople

Cette paix véritable dont parle le Patriarche Athënagoras, a pour noms : l’amour, la justice et la vérité. Un amour qui est don, don de soi et pardon. Une justice-miséricorde qui détruit le mal et sauve le malfaiteur. Une vérité qui libère du mal, du péché, le péché qui divise, qui écrase, qui humilie et qui réduit l’homme à l’animal. 

Développement intégral 

Si le développement est un autre nom de la paix comme le dit le Pape Paul VI, dans son encyclique « Populorum progressio », la guerre ne peut pas conduire au développement. 

Certes la guerre fait prospérer l’industrie de l’armement et donc peut donner l’illusion d’un développement économique. Mais la guerre ne peut contribuer en aucun cas au développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes. 

Dialogue, chemin de paix et de développement

Pour mettre fin à la guerre et ouvrir le chemin du développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes, il n’y a pas trente-six manières de faire : il faut dialoguer. 

Etapes du dialogue

Seul un dialogue de négociation initiée par la victime peut mettre fin à un conflit et à la guerre. Ce dialogue qui obéit aux principes de la non-violence active que sont le respect absolu de l’homme, l’amour de l’ennemi et le pardon des offenses, se déroule en cinq étapes :

Première étape : reconnaître le bien qui est dans l’adversaire et le lui dire. Ceci permet de montrer à l’adversaire qu’il n’est pas le mal qu’il a commis et qu’en lui, il y a toujours une part de bien même moindre qui demeure. Il n’est pas réduit ni assimilé au mal qu’il m’a fait. Il n’est pas tout noir. 

Deuxième étape : reconnaître le mal qui en nous et le dire. Ceci est important car par là on fait comprendre à l’adversaire que nous avons aussi notre part de responsabilité dans le mal qui est commis. Nous ne sommes pas que tout blanc. 

Troisième étape : reconnaître le bien qui est en nous et le dire en toute vérité. Par exemple, j’aime la justice mais il m’arrive aussi de commettre des injustices. 

Quatrième étape : dire le mal que l’adversaire a fait mais le dire avec amour et respect sans la volonté de l’humilier. Le lui dire avec comme objectif l’amener à prendre conscience de son mal en vue de changer, d’abandonner ce mal.  

Cinquième étape : proposer une alternative constructive qui va faire en sorte que les deux partis en conflit en sortent gagnants. Une alternative dans laquelle chaque parti va s’engager à faire quelque chose pour recréer la relation, pour obtenir la réconciliation et refaire le tissu social brisé. Une alternative pour un bien-vivre ensemble renouvelé. 

Quatre temps du dialogue

Ce dialogue de négociation, pour ma part, devra se dérouler en quatre temps. 

Dans un premier temps, chaque congolais doit dialoguer avec lui-même en répondant aux six questions suivantes : 

1°) Qui suis-je ? Suis-je encore un être humain ? 

2°) D’où je viens ? Est-ce que je connais mon histoire ? 

3°) Où suis-je ? Quelle est ma situation actuelle ? 

4°) Où est-ce que vais ? Où m’amène ce que je vis maintenant ? 

5°) Où est-ce que je voudrais aller ? Quel est mon projet de vie ? mon rêve pour un avenir meilleur ? 

6°) Comment passer du rêve à la réalité ? Que dois-je faire ? Que puis-je faire pour que ce rêve devienne réalité ? 

C’est un temps de remise en question personnelle pendant lequel chacun aura à se remettre en question. Cela nous permettra de sortir de la recherche des boucs-émissaires à laquelle nous sommes habitués. 

Le deuxième temps de ce dialogue c’est entre nous congolais. Nous devons nous soumettre collectivement au même exercice qui consiste à répondre aux six questions que je viens d’énoncer. Cela nous permettra d’arriver à une réconciliation et à un renforcement de notre cohésion nationale autour d’une vision commune, un projet commun et un plan d’action pour réaliser notre projet et rêve commun.

Le troisième temps, c’est le dialogue entre nous congolais et les autres africains en se fondant toujours sur les six questions. Nous devons arriver à rêver d’une Autre Afrique, libre et souveraine et à nous engager, dans un élan panafricain à la construction de cette Afrique nouvelle.

Enfin, le quatrième temps, c’est le dialogue entre l’Afrique unie et l’Occident qui a décidé de notre sort sans nous à la Conférence de Berlin en 1885. Cela nous permettra de redéfinir le type de relation qui devrait exister entre nous et l’Occident : relation adulte-adulte, relation gagnant-gagnant, relation de coopération et non de domination, relation de partenariat pour bâtir un Autre Monde fondé sur le primat de l’Etre et non plus sur le primat de l’Avoir. Nous devons nous résoudre à remettre l’Avoir à sa vraie place de moyen, d’outil au service de l’Etre et non le contraire.  

Dialogue intrapersonnel, dialogue interpersonnel et dialogue international tels sont les différents dialogues que nous devons réaliser pour bâtir un Autre Congo, une Autre Afrique et un Autre Monde. 

Conclusion

Tout cela suppose une véritable révolution mentale, culturelle dont chacun de nous devrait être acteur et bénéficiaire. Cette révolution mentale sera une véritable remise en question de l’ordre établi en vue d’un bouleversement, un renversement de l’actuel système fondé sur le primat de l’Avoir, pour ne pas dire le système capitaliste libéral décadent et qui doit disparaître pour céder la place à un système humaniste-convivialiste. 

Je vous remercie pour votre aimable attention.

Fait à Kinshasa, CEPAS, le 16 septembre 2025

Abbé José MPUNDU

Prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa

Psychologue clinicien

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