Zhang Shanhui, Présentatrice et chroniqueuse, CGTN Français
Je reviens d’un voyage qui m’a renversée. Dix jours au Xinjiang, cette région autonome ouïgoure d’une taille XXL – trois fois la superficie de la France, rien que ça – et qui touche huit pays à la fois : la Mongolie, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde. Comme si la géographie avait décidé de faire de cette région le carrefour du monde, un pont vivant entre deux continents.
J’y étais pour dix jours de reportage, avec une mission: comprendre comment cette terre a pu, pendant plus de mille ans, faire battre le cœur de l’Asie. À Ürümqi, j’ai commencé par le Musée du Xinjiang. Et là… coup de foudre.
J’ai vu une figurine de danseuse de la dynastie des Tang – découverte à Turfan, au Xinjiang – figée en plein mouvement. Des robes de soie fluides, ceintures brodées, voiles qui semblent danser même quand ils ne bougent pas. Cette alliance subtile de peinture et de sculpture reflète les coutumes vestimentaires des femmes de l’époque Tang. Cette figurine témoigne aussi de l’influence profonde de la culture chinoise centrale sur les régions frontalières.
Et puis, j’ai vu ces manuscrits. Des bribes de papier millénaires, écrites en plusieurs langues: chinois, sanscrit, sogdien, tibétain… Des documents officiels, des décrets, des traces de commerce, de politique. Ou encore ces monnaies de différentes tailles et couleurs. Des preuves que cette région n’était pas en marge de l’empire – elle en était un pilier, un carrefour d’échanges interculturels.
Mais le moment le plus fort ? C’est quand j’ai visité les grottes de Kizil, les plus anciennes grottes bouddhiques de Chine. Elles témoignent, du IIIe au IXe siècle, de la création artistique bouddhique exceptionnelle de la région de Kucha. Une fois entrée dans ces grottes, j’ai été éblouie par ce bleu lapis-lazuli, ce bleu profond, presque magique. À l’époque, cette couleur venait d’Afghanistan. Oui, la pierre précieuse afghane a traversé des milliers de kilomètres sur la Route de la Soie pour venir colorer les murs de ces grottes, les plus anciennes de Chine.
C’est ça, le Xinjiang. Un lieu où la pierre d’Afghanistan devient art en Chine. Un lieu où la musique ouïgoure danse dans les palais impériaux. Un lieu où l’histoire de l’Asie s’écrit en plusieurs langues, plusieurs couleurs, plusieurs visages. Pendant des millénaires, toute la circulation entre l’Asie et l’Europe est passée par ici.
Aujourd’hui, c’est la porte ouverte de la Chine vers l’Ouest. Le Xinjiang échange avec plus de 220 pays et régions, modernise ses infrastructures, et accélère la construction du « corridor d’or Asie-Europe ».
Alors oui, j’ai vu un Xinjiang ancien, vivant, multiculturel. Et j’ai aussi vu un Xinjiang d’avenir, connecté, tourné vers le monde. Ce n’était pas seulement un voyage. C’était une rencontre avec la mémoire vivante de l’Asie.