(Par le Professeur Patience Kabamba)
Le présent Mot Du Weekend (MDW) est un extrait d’un manuscrit en cours d’élaboration. Le contenu de ce MDW constitue une perspective qui invite à la discussion et au débat. La thèse ici défendue postule que le peuple congolais a atteint un seuil historique de son développement et qu’il conviendrait, par conséquent, de déterminer de nouveaux objectifs pour les décennies à venir. Afin de clarifier davantage, il apparaît que les deux objectifs de la mission civilisatrice du XXe siècle, incarnés par l’école coloniale et la foi chrétienne, ont été atteints.
Au Congo, il apparaît que l’école coloniale a atteint son apogée. Il n’existe aucun domaine dans lequel les Congolais n’aient pas excellé. Dans divers domaines, allant de la littérature à la science et à la médecine, on observe la présence de citoyens congolais diplômés et dotés d’un esprit sophistiqué. L’école coloniale congolaise peut être considérée comme ayant atteint ses objectifs au Congo.
Des ressortissants de la République Démocratique du Congo sont inscrits dans des universités parmi les plus prestigieuses à l’échelle mondiale. Leurs publications se caractérisent par leur rigueur et leur efficacité. Dans le contexte religieux, il est particulièrement notable de constater l’implication du Congo jusqu’au Vatican, illustrée par la présence de cardinaux congolais collaborant avec les souverains pontifes.
La foi chrétienne s’est substituée aux autres croyances considérées comme fétichistes ou sataniques. Des enfants congolais ont intégré des séminaires, progressant ultérieurement vers la prêtrise et l’épiscopat. La ferveur religieuse des chrétiens congolais s’est érigée en un modèle à l’échelle du continent africain.
Tant sur le plan académique que religieux, l’institution coloniale a accompli ses desseins. Quels résultats ont été obtenus ?
La République Démocratique du Congo présente actuellement une situation d’instabilité critique. Le récent classement établi par les Nations Unies positionne la République Démocratique du Congo parmi les nations les plus défavorisées, où quatre-vingt-trois pour cent de la population congolaise subsiste dans des conditions d’extrême pauvreté.
La mortalité infantile, définie comme le décès d’enfants avant l’âge de cinq ans, demeure un problème congolais. La malnutrition constitue un problème prévalent dans la partie occidentale du pays. La région orientale est le théâtre d’un conflit armé depuis plus de trente ans. Ces conflits ont entraîné la mort de plusieurs millions de Congolais.
Actuellement encore, la majorité des citoyens congolais se trouve en situation de précarité économique, tandis que leurs dirigeants jouissent d’une aisance matérielle manifestant une indifférence difficilement tolérable. La conception initiale du pouvoir au Congo, envisagée comme un service voire un sacerdoce, a évolué vers une interprétation plus hédoniste. En résumé, la situation nationale se dégrade significativement dans tous les domaines.
La question fondamentale qui se pose est de déterminer comment un pays disposant d’une population instruite selon les normes coloniales et ayant intégré, voire adapté, la foi chrétienne, peut connaître une telle désagrégation.
Je me souviens d’une conférence présentée en présence de l’ambassadeur de Belgique à Washington et du professeur Bourgeois. À l’issue de la conférence, l’ambassadeur m’a déclaré : “Je suis heureux de faire votre connaissance…Votre perspicacité est remarquable. Au cours de mon parcours professionnel, j’ai rencontré de nombreux diplomates congolais, et il est apparu que ces derniers présentaient fréquemment un niveau d’intelligence supérieur à celui des diplomates belges. Cependant, comment expliquer l’absence d’organisation effective au sein de votre Nation ? ”
Cette question suscite un nombre important de réponses. Bien que des citoyens congolais soient titulaires de diplômes, ces qualifications académiques n’ont aucune incidence sur les conditions de vie de la population. Les études menées en République Démocratique du Congo présentent un caractère livresque.
Il est possible de réciter les Catilinaires ou les chansons de Roland sans pour autant appréhender l’organisation de la vie urbaine ou les embouteillages rendent la vie citadine particulièrement difficile. Il a été avancé que l’école coloniale avait atteint ses objectifs. Nous continuons à la perpétuer en l’absence de toute présence du maître. Les églises affichent une forte fréquentation, les séminaires et les congrégations religieuses se caractérisent par un afflux de jeunes Congolais instruits et croyants, mais le pays est en déclin.
Il est possible de conclure que le seuil critique de développement de l’école coloniale et de la foi chrétienne a été atteint. La précarité de l’existence que connaît la majorité des Congolais indique que le système éducatif colonial et la foi chrétienne ne parviennent pas à répondre aux impératifs du développement historique du Congo.
Il est désormais impératif de concevoir un modèle scolaire alternatif et une approche renouvelée de la pratique de la foi chrétienne. Le potentiel maximal de production de l’institution coloniale et de la foi chrétienne a été atteint. Il convient désormais de concevoir, voire de jalonner, une conception alternative de la formation intellectuelle et une approche renouvelée de l’éducation à la foi chrétienne.
