(Par Mingiedi Mbala N’zeteke Charlie Jephthé, Activiste, Penseur et Notable de Madimba)
Depuis que le rapport de la Banque mondiale sur la misère en République Démocratique du Congo a été publié, le silence est assourdissant. Comme si cette situation était devenue normale, comme si la souffrance du peuple congolais ne méritait plus d’indignation. Pourtant, ce rapport révèle une réalité implacable : 85,3 % des Congolais vivent avec moins de 3 dollars par jour, selon les chiffres d’octobre 2025. D’autres données de 2024 indiquent que près de 73,5 % de la population survivaient alors avec moins de 2,15 dollars par jour.
Et face à cette misère chronique, on s’étonne que l’incivisme gagne du terrain, que les valeurs s’effritent, que le désespoir ronge les âmes. Mais que peut-on attendre d’un peuple affamé ? Car un ventre affamé n’a point d’oreilles. La faim ne laisse pas de place à la morale, à la patience ni à la raison. Elle étouffe l’esprit, elle fait taire la dignité.
Dans ce pays où les dirigeants ont fait de la corruption un mode de gouvernance, la faim est devenue une arme. Une population appauvrie est une population contrôlable et surtout maîtrisable comme disent les kinois ce dernier temps. On l’achète, on la distrait, on la divise. La misère a été institutionnalisée, comme si la pauvreté du peuple constituait la garantie du pouvoir de quelques-uns.
La RDC occupe désormais la première place mondiale en matière de pauvreté, malgré la richesse scandaleuse de son sol et de son sous-sol. C’est une honte nationale et une faillite morale. Comment expliquer que dans un pays aussi béni, les enfants meurent encore de malnutrition, les enseignants vivent sans salaire décent, les hôpitaux manquent du minimum vital ?
Ce mal n’est pas naturel : il est fabriqué, entretenu et protégé par un système de prédation. La corruption a muselé notre pays. Elle a détruit la production locale, car la production ne rapporte pas de commissions. Les importations, en revanche, remplissent les poches de ceux qui trônent dans l’ombre du pouvoir. Voilà pourquoi l’économie réelle ne décolle jamais. Le politicien préfère la signature d’un contrat d’importation à l’émergence d’une industrie nationale, car ce qui compte, ce n’est pas l’avenir du pays, mais la rétro-commission qui tombe aujourd’hui.
Et pendant que le peuple s’enfonce dans la faim, les scandales financiers se succèdent sans la moindre sanction. Récemment, le ministre de l’Économie Daniel Mukoko Samba a révélé un vaste système de détournement de fonds publics impliquant des sociétés pétrolières fictives, ayant coûté plus d’un milliard de dollars à l’État. Ce scandale met en lumière les failles structurelles de la gouvernance économique congolaise, mais aussi l’impunité des détourneurs, restés intouchables.
Jusqu’à récemment, l’État congolais versait des compensations aux entreprises pétrolières pour les pertes et manques à gagner (PMAG) liés à la régulation des prix du carburant. En 2023, ces subventions atteignaient 288,6 millions USD. Or, après un audit rigoureux, le montant réel nécessaire s’est révélé être de 31,6 millions USD, soit une réduction de 89 %.
Le Comité de suivi de la structure des prix des produits pétroliers (CSPPP), composé de représentants de la Présidence, de la Primature, de la Banque centrale et du ministère de l’Économie, a contrôlé 210 sociétés. Parmi elles, 127 doivent restituer des bénéfices indus à l’État, certaines n’ayant même pas fourni de dossiers complets.
“Ce système a duré plus de deux décennies. Il est temps d’y mettre fin,”
a déclaré Daniel Mukoko Samba lors d’une conférence de presse.
Mais là encore, aucun responsable n’a été sanctionné. Tout est étouffé, comme si voler l’État était un privilège réservé à une élite protégée.
Alors, une question s’impose : pourquoi la RDC n’a-t-elle pas encore de parquet financier ?
Depuis 2019, des annonces ont été faites pour sa création. En 2024 et 2025, les États généraux de la justice ont même recommandé l’instauration d’un Tribunal pénal économique et financier et de son parquet rattaché. Mais rien n’a encore vu le jour. Ce vide judiciaire permet aux détourneurs de dormir tranquilles pendant que la population crie famine.
Tant que cette logique persistera, le peuple congolais restera prisonnier de la faim, de la dépendance et du mensonge. Et tant que la corruption sera érigée en norme, aucune révolution morale ni économique ne sera possible.
Il est temps de briser ce cycle infernal. Il est temps que la conscience nationale se réveille, que le Congolais comprenne que sa dignité vaut plus qu’un billet glissé sous la table.
La vraie révolution commencera le jour où nous dirons non à la corruption, non à la médiocrité, non à la résignation.
Car la RDC ne manque ni de ressources ni d’intelligence, elle manque simplement de justice et d’intégrité.