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RDC : Pression fiscale, routes inexistantes, salaires en retard et marché spéculatif – Le citoyen pris en étau

Par La Prospérité
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(Par Ricky Nzuzi Loya, Journaliste, Analyste des questions économiques, financières et sociales)

La République Démocratique du Congo traverse une période où la contradiction entre discours officiels et réalité sociale n’a jamais été aussi visible. Alors que le gouvernement se veut réformateur, affirmant moderniser l’administration et assainir la gouvernance, le citoyen, lui, fait face à un quotidien marqué par l’épuisement économique, la précarité sociale et un sentiment croissant d’abandon.

Le fonctionnaire congolais se retrouve aujourd’hui au cœur de cette contradiction. Non seulement son salaire demeure l’un des plus faibles de la région, mais il subit également des retards de paiement répétés, parfois de plusieurs semaines au-delà du mois écoulé. Une double peine : percevoir peu, et percevoir tard. Pendant ce temps, les charges qui pèsent sur lui augmentent au rythme de nouvelles obligations financières imposées par l’État ou déléguées à des structures privées.

I. Fonctionnaires congolais : des salaires dérisoires… payés en retard

Dans un pays où le coût de la vie ne cesse de grimper, le salaire du fonctionnaire congolais ne couvre plus les besoins essentiels. Mais ce qui aggrave encore la situation, c’est la récurrence des retards de paiement.

Le salaire, déjà insuffisant, arrive parfois après 35 ou 40 jours, voire davantage, plongeant les ménages dans une spirale d’endettement :

            •         emprunts auprès des voisins,

            •         avances auprès des tontines,

            •         crédits informels auprès des petits commerces.

Le salaire n’est plus un revenu permettant une certaine stabilité, mais un flux irrégulier générant anxiété et précarité permanente.

Or, dans le même temps, l’État exige que ces mêmes fonctionnaires s’acquittent de frais obligatoires : permis de conduire, vignette, assurance, contrôle technique… Sans tenir compte de leur capacité réelle à payer ni des réalités matérielles qui les entourent.

Cette contradiction entre l’absence d’un salaire stable et les obligations financières obligatoires est l’un des éléments les plus déstabilisants du climat social actuel.

II. Taxer la misère : des frais obligatoires confiés à des centres privés

Ce qui choque davantage, c’est la manière dont ces services — normalement de nature régalienne — sont confiés à des centres privés appartenant à des particuliers souvent proches des sphères d’influence.

Ces structures privées appliquent des tarifs élevés que le citoyen n’a pas les moyens de contester.

Le fonctionnaire paie donc :

            •         pour renouveler un permis dont la procédure n’a pas été modernisée ;

            •         pour une vignette qui ne garantit aucune réhabilitation routière ;

            •         pour une assurance qui n’offre pas une couverture digne de ce nom ;

            •         pour un contrôle technique dans un pays où les routes détruisent les véhicules bien plus vite que l’usure naturelle.

Sous d’autres cieux, ces frais s’inscrivent dans une logique d’encadrement routier. En RDC, ils ressemblent à des impôts déguisés, sans retour visible pour la population.

III. Routes impraticables et inondations : une fiscalité sans contrepartie

On demande au citoyen de payer… mais pour quel résultat ?

Dans un pays où les routes sont impraticables, voire inexistantes, où les pluies inondent les quartiers faute d’un système d’évacuation, où l’érosion coupe des axes entiers, la fiscalité routière apparaît comme une politique déconnectée du terrain.

Un contrôle technique n’a de sens que si l’État garantit un minimum d’infrastructures. Ici, c’est l’inverse : les routes détruisent les véhicules, mais le citoyen doit payer pour prouver qu’il respecte les normes.

Cette incongruité nourrit un sentiment d’injustice : le contribuable s’acquitte de taxes pour des services publics qui ne lui sont pas rendus.

IV. La baisse du dollar sans baisse des prix : une anomalie qui appauvrit

Alors que le dollar américain connaît régulièrement des baisses significatives sur le marché de change, les prix des biens et services en RDC restent désespérément élevés.

Le mécanisme est connu :

            •         quand le dollar monte, les prix flambent instantanément ;

            •         quand il baisse, rien ne bouge.

Cette rigidité à la baisse, typique des marchés spéculatifs, révèle deux problèmes structurels :

            1.        Le contrôle quasi inexistant des importateurs et grossistes, qui fixent les prix comme ils l’entendent.

            2.        L’absence de régulation de l’État, qui devrait exiger la répercussion automatique des variations du taux de change.

Résultat :

            •         le panier de la ménagère reste hors de portée,

            •         le coût des services explose,

            •         la valeur du franc congolais est neutralisée,

            •         l’inflation appauvrit silencieusement le citoyen.

Ce phénomène contribue à l’érosion progressive du pouvoir d’achat, aggravée par les retards salariaux mentionnés plus haut.

V. Un État qui prélève mais ne protège pas : le cœur du malaise social

Le citoyen a aujourd’hui le sentiment amer d’un État qui prélève sans retour, exige sans offrir, taxe sans redistribuer.

La mission première d’un État n’est pas de pressurer ses citoyens, mais de protéger leur dignité et d’améliorer leurs conditions de vie.

Or, la réalité actuelle laisse transparaître :

            •         un État absent dans la régulation économique,

            •         un État défaillant dans la gestion salariale,

            •         un État passif face aux abus du marché,

            •         un État incapable d’entretenir les infrastructures,

            •         mais un État actif lorsqu’il s’agit d’imposer des frais au citoyen.

Une telle incohérence, sur le long terme, devient dangereuse. Elle crée frustration, colère, et désillusion — des ingrédients explosifs pour toute stabilité sociale.

VI. Pour une refondation urgente de la gouvernance économique

Il est impératif que le gouvernement restructure les priorités nationales. Une gouvernance économique saine repose sur trois piliers :

1. Revaloriser et régulariser les salaires des fonctionnaires

Un salaire décent, payé à temps, est le premier outil de lutte contre la pauvreté.

L’État ne peut pas exiger lorsque lui-même n’honore pas ses engagements.

2. Revoir la fiscalité routière et la gestion des services délégués

Les taxes doivent être proportionnelles aux services rendus.

L’État doit reprendre le contrôle, garantir la transparence et réinvestir dans les infrastructures.

3. Encadrer le marché et neutraliser la spéculation

Les importateurs doivent être soumis à une régulation stricte.

Les prix doivent refléter la réalité du taux de change.

Et des sanctions exemplaires doivent être appliquées en cas d’abus.

Conclusion : Le Congo a besoin d’un État juste, pas d’un État entravé par ses incohérences

Le citoyen congolais vit aujourd’hui dans un système où son salaire est faible, irrégulier et souvent en retard ; où ses dépenses augmentent ; où les prix ne baissent jamais ; où il paie pour des routes inexistantes ; où il subit une fiscalité sans services.

La RDC ne pourra se moderniser tant que cette équation restera inchangée.

Le rôle de l’État n’est pas de grever davantage la vie du citoyen, mais de la faciliter.

Le Congo mérite un État protecteur, régulateur, transparent — un État au service du peuple, et non un État qui alourdit son fardeau.

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