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Silence inquiétant autour des naufrages à répétition sur le lac Mai-Ndombe, Mgr Donatien Bafuidinsoni : ‘’Nos vies ont encore un sens aux yeux des autorités nationales et provinciales ?’’

Par La Prospérité
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Au lendemain du naufrage du 27 novembre 2025 sur le lac Mai-Ndombe dans la province du même nom, avec un  bilan officiel de 23 corps sans vie, 83 rescapés Mgr Donatien Bafuidinsoni Maloko Mana, Evêque du Diocèse d’Inongo, chef-lieu de la province qui pleure un membre de son clergé, s’interroge :  » Nos vies ont encore un sens aux yeux des autorités nationales et provinciales !

Dans une lettre rendue publique en date du 1er décembre 2025, l’Ordinaire du lieu déplore la promiscuité qui entoure les conditions de voyage sur les voies lacustre et fluviale. Poissons, chèvres et sacs de fufu et des passagers cohabitent. Des conditions techniques des embarcations avec « contrôle technique « , non effectif et déplorable font le lot quotidien des voyageurs.  Malgré les dénonciations faites, pas d’améliorations observées. En raison de leur fonction, lit-on dans cette lettre, les responsables du secteur se montrent peu soucieux de rendre compte. La vie ne devient-elle pas un fait banal, en l’absence du « contrôle technique, des équipements obsolètes ou absents comme le gilet de sauvetage, le contrôle de charge … ?

La Baleinière ‘’Doudou Bomboko » n’est pas le dernier funeste pour évoquer le naufrage du lac.

Pour le transport lacustre, la Société civile du Mai-Ndombe et Plateaux (SOCIMAP) a dénoncé en 2024, le manque d’inattention et le déficit de leadership dans le secteur.  Elle avait par ailleurs proposé la mise à flot d’une unité fluviale existante d l’ONATRA, le « Bateau Gungu » qui devrait assurer le trafic lacustre et fluvial dans les conditions plus sécurisées depuis plus cinq ans mais manque des barges pour desservir le lac Mai-Ndombe et les voies fluviales de provinces voisines du Kwilu et Kasaï.

Le budget estimatif à la construction de ses barges représentait un montant de plus de 500.000 dollars US à mobiliser par le Gouvernement. Ce qui serait considéré comme une bouée de sauvetage pour juguler les sinistres supplémentaires.

Aimé Cyprien Dionzo/CP

INTERPELLATION DE MONSEIGNEUR DONATIEN BAFUIDINSONI

Nos vies ont-elles encore de la valeur ?

Mes chers diocésains, Chers Frères et Sœurs,

1. C’est avec un cœur meurtri et des yeux pleins de larmes que je vous adresse ces quelques lignes. Point n’est besoin de rappeler les raisons qui me poussent à les écrire. En effet, la Province de Mai-Ndombe pleure encore ses enfants emportés dans le naufrage de la baleinière « Doudou Bamboka », ce funeste jeudi 27 novembre dernier. Que dire ? Comment trouver des mots lorsque, le cœur serré, le souffle même me manque ?

2. J’aurais voulu garder le silence, trouver refuge dans la prière et la consolation dans la méditation sur la résurrection des morts (1 Cor 15, 51-57; Jn 11, 1-27) d’autant plus que notre diocèse d’Inongo vient de perdre un jeune frère, Ferdinand IKELA NSANGI, que j’ai eu la joie d’ordonner diacre le 23 novembre, en la solennité du Christ, Roi de l’Univers. Dans mon affliction, mon cœur saigne abondamment et me contraint à pousser encore un cri d’alarme pour exprimer mon indignation face à un drame récurrent qui étale notre irresponsabilité collective.

3. Combien de fois n’ai-je pas appelé, supplié, exhorté chacun à prendre conscience de l’état lamentable de nos embarcations ? Combien de fois n’ai-je pas imploré que l’on accorde enfin de la valeur à la vie humaine sur nos rivières et sur notre lac ? Mais ma voix semble emportée par le même vent violent qui, ce jour-là, entre 16h00 et 17h00, a soufflé sur Inongo et ses environs, soulevant des vagues capables de renverser H/B Doudou Bamboka. Ma voix semble noyée dans les cris et les pleurs des familles éplorées errant du village de Bokebeni jusqu’à celui de Beronge. Et au milieu de ces échos de souffrance, je n’entends trop souvent que des lamentations éphémères, vite recouvertes par le brouhaha du quotidien, des voix qui occultent notre incurie par la recherche d’un bouc émissaire, nous mobilisent le temps que le lac en furie s’apaise… jusqu’au prochain drame. Puis la vie reprendra son cours normal, comme si de rien n’était.

4. La vie ! Nos vies, ont-elles encore un sens, une valeur, lorsque certains armateurs ne voient que leurs intérêts immédiats ? Comment tolérer que l’on entasse des hommes, des femmes, des enfants parmi des sacs de braises et des paniers de poissons, comme s’ils étaient du même ordre que les chèvres, les tortues ou les poules gémissantes attachées et immobilisées sur les toitures ? Ce n’est pas seulement la dignité des animaux qui est piétinée, mais surtout celle des êtres humains, exposés aux vents, au gré des vagues, des averses, dans une promiscuité indécente et des conditions d’hygiène indignes. Si l’on traite ainsi les vivants, qu’en sera-t-il des morts ? (cf. Lc 23, 31).

5. En effet, lorsque nous nous montrons nous-mêmes peu soucieux de nos vies, les autorités, en raison du devoir et du sérieux qu’exige leur fonction, devraient au moins faire respecter les normes qu’elles ont-elles-mêmes décrétées. Par exemple : pas de surcharge, le port obligatoire des gilets de sauvetage, le contrôle technique, … Est-ce un rêve ? Un miracle ? Ce n’est pas surhumain. Mais on dirait que c’est le cadet de nos soucis. Alors, un autre naufrage dans Mai-Ndombe? Oh ! C’est un fait banal. Circulez, il n’y a rien à voir… On n’en parle même pas !

6. Nous pleurons aujourd’hui nos morts ceux dont les corps ont pu être retrouvés dans les eaux sombres du lac. Et encore ! Sans la diligence de nos prêtres partis chercher leur jeune confrère, la vingtaine de dépouilles sorties des eaux reposerait peut-être encore quelque part, abandonnée à la compassion des pêcheurs ou des habitants des villages voisins.

A toutes les familles endeuillées par cet énième naufrage, à la famille diocésaine touchée dans sa propre chair, je présente mes condoléances et j’implore le Dieu miséricordieux d’accueillir les défunts dans sa félicité éternelle.

Fait à Inongo, le 1er décembre 2025

Donatien Bafuidinsoni, SJ

Evêque d’Inongo

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