(Par Degrof Kikwaya, Chercheur, écrivain et membre de l’Ecidé)
Introduction
Après plusieurs tentatives de résolution de la crise humanitaire et sécuritaire à laquelle fait face la république démocratique du Congo, l’administration Trump réussit à mettre les chefs d’état de ces deux au tour d’une même table pour la signature d’un accord de paix.
Cependant, cette démarche diplomatique confond les vraies attentes de la population congolaise, aux exigences floues prétendant rétablir la paix dans cette partie du pays. Ainsi, cette réflexion s’articule autour des questions suivantes : est-ce que cet accord constitue une garantie pour le retour d’une paix durable dans la partie orientale du pays ? Après la signature de cet accord, l’armée rwandaise et ses alliés vont-ils quitter immédiatement le territoire congolais ? Sinon, dans quelle mesure cet accord peut vraiment rétablir la paix et l’autorité de l’état dans cette partie du pays ?
Ces questions vont trouver leurs réponses progressivement dans réflexion. Je procède d’une méthode analytico-critique.
- Brève lecture et analyse de l’accord
- Levée des mesures défensives du Rwanda : ce point constitue une préoccupation majeure, en ce sens qu’il remet en cause toutes les accusations portées contre le Rwanda, savoir : pays agresseur.
En effet, le Rwanda est le pays qui agresse la RDC, qui pille ses ressources, viole les femmes, massacre les populations, créant ainsi des déplacements massifs. Les rapports de Nations Unies l’ont prouvé plus d’une fois. Ces rapports ont confirmé la présence de l’armée rwandaise sur le territoire congolais et qu’elles opèrent aux côtés groupes rebelles et terroristes de l’AFC/M23.
Cette reconnaissance a montré à la face du monde que la crise humanitaire, l’insécurité, les massacres et les viols commis à l’est de la RDC a un auteur qui s’appelle PAUL KAGAME président dictateur de la République du Rwanda. Cela a donc permis à la RDC de construire un narratif de réclamer les sanctions contre le Rwanda, pays agresseur.
S’inscrivant dans cette perspective, le président Félix Tshisekedi s’est engagé dans une démarche diplomatique exigeant des sanctions contre le régime de Kigali. Une démarche quasi réussie.
Cependant, il est paradoxal, de la part du président Tshisekedi, d’avoir abandonné, sinon rejeté cette démarche, au profit d’une prétendue paix de braves, alors que les territoires restent encore sous occupation étrangère.
En effet, cet accord signé à Washington, vient non seulement piétiner toutes les démarches menées pour exiger des sanctions contre le Rwanda, mais aussi et surtout, il vient légitimer l’agression, les massacres et la violation de l’intégrité territoriale de notre pays par le Rwanda, en prétextant que cela constitue des mesures défensives. Parler de mesures défensives, supposerait que le Rwanda est agressé, et ainsi il prend des mesures pour se défendre. Au conseil, c’est le Rwanda qui agresse. Mais dans quelle mesure, l’agression constitue une mesure de défense ?
Si le Rwanda prend des mesures contre les FDLR, cela n’implique nullement la RDC, puisque c’est un inter-rwandais, qui exige un dialogue pour résoudre le problème interne au Rwanda. La RDC n’y est pour rien.
Ce premier point évoque le respect de l’intégrité territoriale de la RDC. Ce qui n’est pas le cas 48h après la signature de l’accord. Mais avant toute signature, l’intégrité du territoire congolais devrait être la condition primordiale. Mais il est malheureux de constater que le respect de l’intégrité vient après et à une condition très difficile pour ne pas dire impossible : la neutralisation des FDLR. S’il est vrai, comme le prétend le régime dictatorial du Rwanda, que les FDLR sont sur le territoire congolais, ça veut dire qu’ils sont certainement dans l’espace sous occupation et contrôle de l’armée rwandaise et ses alliés de AFC/M23. Mais comment la RDC va-t-elle s’engager à mettre en œuvre un plan harmonisé de neutralisation des FDLR ? Parce que l’état congolais n’a pas le contrôle des territoires où seraient probablement les FDLR. C’est donc au Rwanda de neutraliser les FDLR ou de dialoguer avec.
Le deuxième point, qui évoque le respect de l’intégrité territoriales du Rwanda, nous paraît mal placé. Le Rwanda qui agresse et occupe des territoires congolais, veut qu’on respecte l’intégrité de son territoire. La question que je me pose est de savoir, qui a violé l’intégrité territoriale du Rwanda ?
La RDC n’occupe aucun territoire rwandais. Dans la situation actuelle, ce point ne fait que justifier toutes les dérives d’un voisin mal intentionné déterminé à causer du chaos dans notre pays.
Le Rwanda se présente là comme une victime, plutôt que d’être reconnu dans ce qu’il est vraiment, savoir, un pays agresseur. La RDC se met ainsi dans une position qui hypothèque de plus en plus la paix tant recherchée et l’intégrité de son territoire violée par le Rwanda.
- Accord ou rejet de responsabilité ?
L’accord signé à Washington entre la RDC et le Rwanda ne mentionne nullement le Rwanda comme pays agresseur et ne lui reconnaît aucune responsabilité sur la crise que traverse la RDC. En effet, le président Tshisekedi a signé un accord qui ne mentionne pas le Rwanda comme pays agresseur et n’aborde pas clairement le retrait des troupes rwandaises de nos territoires. À lieu et place, l’accord parle de mesures défensives, qui ne sont pas clairement définies dans l’accord. Et si le Rwanda disait plus tard que ces mesures se limitaient seulement sur son territoire ?
La déclaration de la ministre des affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba, en ces termes : « S’il n’y a pas de changement du M23 sur le terrain, nous savons quels acteurs qui ont de l’influence, auront refusé de jouer de leur influence pour les faire fléchir.», nous révèle 2 choses :
- L’accord en soi ne prévoit aucune garantie d’être respecté ;
- Le respect de cet accord dépend de quelques acteurs qui ne disent pas leurs noms. Mais qui est-ce ? Nous n’avons pas de réponse.
Dans un message écrit, le doctorant Yves Mbwata souligne qu’ « un tel accord reste problématique, tant que la RDC continue d’adopter une posture essentiellement déclarative, face à un partenaire qui, par le passé, n’a jamais respecté ses engagements ». Cela implique donc que la RDC repense de manière souveraine, sa sécurité, sa paix et son intégrité territoriale. Comment est-il possible ?
- Conditions d’une paix souveraine et durable
Moins d’une semaine après la signature de l’accord, rien ne change sur terrain. Au contraire, la situation s’est empirée. Uvira tombé, encore des pertes en vies humaines. Mais à quoi a servi cet accord ?
En effet, la réalité sur terrain nous donne la prétention de dire que rien ne peut se faire sans que l’état ne prenne des décisions souveraines. Les démarches extérieures ne peuvent avoir d’impact que si la crise comme par se régler à l’interne.
Déjà, les termes d l’accord, ne montrant nullement que le Rwanda est responsable de la crise, montrent que cette crise ne peut avoir des solutions efficaces qu’à l’interne. Il faut donc privilégier la voie du dialogue.
Si le Rwanda trouve des prétextes pour renier sa responsabilité sur cette crise, il faut comprendre que c’est parce que le problème tire sa source à l’interne. Un peuple divisé ne peut faire face à une menace existentielle d’où qu’elle vienne. Il est clairement, que depuis les élections de 2018, le pays est plongé dans une crise de légitimité qui déchire le pays entre ceux qui profitent de cette situation, d’autres qui réclament la légitimité et ceux qui réclament le respect des accords conclus avant la passation du pouvoir. Cela n’est pas notre problème. Mais ce qui importe ici, c’est de constater que le pays est sacrifié au profit des intérêts privés. Cela fragilise l’unité et ouvre les portes d’entrée à l’ennemi pour attaquer notre pays. Parce que certains pensent que le pouvoir appartient à un groupe d’individus qui s’en servent pour leurs propres intérêts, d’autres par contre sont prêts à s’associer aux ennemis de notre pays pour mener leur combat politique. Ceux-ci oublient que le régime est passager, mais que le pays reste et Ceux-là croient que l’état est un instrument d’appui pour écraser toutes adversités politiques, oubliant que l’on prend les commandes de l’état pour servir les autres et non pour s’enrichir illicitement, alors que le peuple continue de dégringoler dans l’extrême souffrance. Face à une telle situation, il n’y a pas deux solutions.
En effet, la force ne peut jamais résoudre une crise aussi profonde comme celle que traverse la RDC. La solution efficace à ce problème, reste le dialogue national. Un dialogue national inclusif et sincère, pour traiter les causes profondes de la crise, rétablir la cohésion nationale et renforcer l’état pour tenir contre toute attaque extérieure.
Certes, les différents dialogues ayant eu lieu dans le passé montrent une certaine insuffisance dans la résolution durable des problèmes, mais au lieu de s’en méfier, il faudrait en tirer des leçons pour que dans l’avenir, le dialogue constitue un cadre idéal et très efficace pour résoudre les problèmes entre patriotes. Là où les accords et les démarches extérieures ont échoué, le dialogue, lui, va créer un cadre de réflexion approfondie sur la crise et proposer des solutions efficaces pour rétablir la paix et l’autorité de l’état sur toute l’étendue du territoire.
Le dialogue nous éviterait une crise encore plus profonde que l’actuelle. Entre protection du pouvoir et celle de la population, la priorité est sans doute celle de protéger la population. Mais malheureux est de constater que, les démarches menées par le président Tshisekedi consistent plutôt à protéger son pouvoir, plutôt que de rétablir la paix et l’intégrité territoriale. S’il tient à résoudre le problème pacifiquement sans les armes, il ne peut en aucun cas exclure le dialogue, qui, pourtant, est un cadre pour se dire des vérités et se réconcilier entre frères.
L’accord de Washington n’est nullement bénéfique pour la RDC. Car, ne reconnaissant pas le Rwanda comme agresseur, comme auteur et commanditaire de milliers de morts dans l’est du pays, cet accord remet toute la responsabilité à l’état congolais et celui-là devra prendre ses responsabilités en toute souveraineté pour imposer la paix. Cela n’est possible que si l’état a le contrôle total de son territoire et de ses ressources. Mais pour rétablir l’autorité de l’état, dialogue reste indispensable. Car, il va donner plus de légitimité aux institutions établies, permettant ainsi une gouvernance démocratique et responsable. Il permettra également de renforcer l’armée, en procédant par un recensement pour effacer toute infiltration.
Conclusion
Les enjeux de l’heure ne peuvent laisser personne inactif. Tous, intellectuel ou non, mineur ou adulte, homme ou femme, politique ou non, bref, tous les citoyens sont préoccupés par la gravité de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays. Ainsi, chacun essaie, à son niveau et à sa manière, de proposer une solution au problème.
Voilà pourquoi, je ne puis rester inactif après l’échec des démarches visant à rétablir la paix dans notre pays. Cet article a voulu montrer les limites de ces démarches, et s’est taché par après de proposer une issue.
En résumé, voilà comment nous pouvons résumer cette réflexion :
Division, illégitimité et mauvaise gouvernance ont fragilisé l’autorité de l’état, d’où est née la crise. Tel est le problème.
La solution, elle, devra suivre ce schéma : dialogue national inclusif, rétablit la légitimité des institutions, ce qui rétablit l’autorité de l’état, et donne à l’état la force d’imposer la paix, la sécurité sur toute l’étendue du territoire national.