Alors que l’encre n’a pas encore séché, l’Accord de paix signé le 4 décembre dernier sous les auspices du Président américain Donald J. Trump est mis en péril par la partie rwandaise. Le Président de la République, Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, l’a dénoncé au cours de son discours historique sur l’état de la Nation prononcé devant les Députés nationaux et Sénateurs réunis en Congrès, le lundi 8 décembre 2025. L’administration Trump, parrain de l’accord de Washington, a mis à nu l’implication directe du Rwanda dans l’escalade de violences à l’Est de la République Démocratique du Congo. Aussi, la Porte-parole du Président Félix Tshisekedi publie-t-elle cette tribune pour saluer cette prise de position américaine et de ressortir les vrais enjeux des accords de Washington.
Accord de Washington : l’épreuve d’un nouvel affront de la part du Rwanda (Tribune de Tina Salama, Porte-Parole Du Président de la République)
«Le Rwanda pousse la région vers la guerre»
Le vendredi 12 décembre, lors de la réunion au Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Ambassadeur américain Mike Waltz n’a pas mâché ses mots, n’a pas tenu un langage diplomatique à l’égard de l’aventure criminelle du régime rwandais et ses supplétifs AFC/M23. Le représentant de Donald Trump accuse directement le pays de Paul Kagame, pourtant signataire de l’accord de paix de Washington, de pousser la région des Grands lacs vers la guerre. Il a renseigné le Conseil sur le déploiement de 5.000 à 7.000 soldats rwandais sur le sol congolais, l’installation des missiles sol-air et l’usage de drones kamikazes dans l’attaque contre la ville d’Uvira dans le Sud-Kivu. D’un ton ferme, Mike Waltz a affirmé que les Etats-Unis utiliseront tous les outils pour mettre un terme à cette guerre.
Dans la même optique, le Secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a enfoncé le clou en ces termes : « Les actions du Rwanda dans l’Est de la RDC constituent une violation flagrante des accords de Washington signés par le Président Trump, et les Etats-Unis prendront des mesures pour garantir le respect des promesses faites au Président (Donald J. Trump) ». Nous saluons cette fermeté de l’administration Trump à l’égard de Kigali. En fin stratège, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a usé de sagesse en privilégiant la voie diplomatique contre les velléités bellicistes de son homologue Paul Kagame. Ce dernier a mordu à l’hameçon en prenant d’assaut Uvira.
Mise en péril de l’accord de paix
« Malgré notre bonne foi et l’accord récemment entériné, force est de constater que le Rwanda ne respecte pas ses engagements : ses supplétifs de l’AFC/M23 ont, ces derniers jours, multiplié les attaques – notamment à Kaziba, Katogota et Lubarika au Sud-Kivu – brisant le cessez-le-feu et ravivant la détresse des civils. Les faits s’inscrivent dans une réalité documentée : le Groupe d’experts de l’ONU a établi cet été que le Rwanda exerce un commandement et un contrôle effectifs sur le M23, tandis que des massacres d’ampleur ont été rapportés au Nord-Kivu, en dépit des cessez-le-feu annoncés. », a dénoncé le Président Félix Tshisekedi.
En ce jour solennel au Palais du Peuple, le Chef de l’Etat a martelé qu’il reste fidèle à la parole donnée de même qu’aux mécanismes de vérification convenus avec les partenaires nonobstant cette mauvaise foi manifeste du Président rwandais. Il a aussi indiqué que la République Démocratique du Congo n’esquivera pas sa responsabilité de protéger ses populations menacées, privilégiera la voie diplomatique, mais ne renoncera ni à sa souveraineté ni à la sécurité de ses citoyens. « Permettez-moi d’être parfaitement clair : ces accords ne consacrent aucune forme de partage de notre souveraineté. »
Quarante-huit heures avant cette réunion du Conseil de sécurité, le Gouvernement congolais avait, pour sa part, à travers un communiqué du ministère de la Communication et des Médias, lancé cet appel aux partenaires : « Le Gouvernement de la République démocratique du Congo appelle en conséquence les facilitateurs des processus de Washington et de Doha ainsi que la médiation africaine à utiliser pleinement l’ensemble de leur arsenal politique et diplomatique pour restaurer la crédibilité de ces trois processus. Les facilitateurs doivent adopter des mesures urgentes, fermes et coordonnées pour faire cesser les hostilités, rétablir le respect des accords et empêcher l’effondrement total du cadre de paix patiemment construit […] le Gouvernement appelle le Conseil de sécurité des Nations Unies à prendre des mesures rapides et résolues pour garantir l’application effective de sa résolution 2773… »
A Washington, le Président Félix Tshisekedi avait pris l’engagement de respecter, d’appliquer à la lettre les prescrits de cet Accord de paix. Alors que le Président rwandais annonçait, quant à lui, qu’il y aura « des hauts et des bas » dans la mise en application dudit Accord. Ce qui laisse présager des violations récurrentes du cessez-le-feu. Respect des accords n’est pas synonyme de renonciation au droit légitime à la sécurité, à la protection des populations et à la défense de l’intégrité territoriale. La RDC n’est pas un Etat voyou.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit appeler le Rwanda à cesser ses velléités bellicistes et appliquer dans toute sa rigueur la Résolution 2773 reprise dans l’Accord de Washington qui prévoit notamment le retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire congolais, le démantèlement des groupes armés – y compris les FDLR -, et la mise en place d’un mécanisme conjoint de sécurité chargé d’en superviser l’exécution. Rechercher la paix est loin d’être une faiblesse.
Quid de l’Accord de Washington ?
Cet Accord a pour but à mettre fin à un conflit armé prolongé, d’obtenir la levée de l’occupation de notre pays, de favoriser le retour des déplacés et réfugiés et restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. C’est, en effet, un pivot pour l’ensemble des processus de paix visant la résolution de ce conflit qui oppose la RDC et le Rwanda depuis près de trois décennies.
L’Accord de Washington s’inscrit dans un cadre juridique international consensuel à la suite de la Charte des Nations Unies, des instruments juridiques de l’Union Africaine, et de la Résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ce qu’il faut retenir :
- Au sujet de la présence des troupes rwandaises
Cet Accord dispose en son article 1.1 que les parties conviennent de mettre en œuvre le plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des Forces du Rwanda, confère CONOPS du 31 octobre 2024, plan annexé à l’accord. Ce plan prévoit un retrait intégral, vérifiable et encadré des troupes rwandaises.
Il s’agit donc d’un engagement précis de désengagement du Rwanda du sol congolais qui est mis en avant par l’Accord. De ce fait, cet Accord ne légalise donc nullement l’occupation du territoire congolais par le Rwanda contrairement à ce que beaucoup de ceux qui n’ont pas lu l’Accord allèguent çà et là.
Pour montrer l’intérêt que le Président de la République accorde à la souveraineté de la RDC et à son intégrité territoriale, dans cet Accord, c’est au préambule que celui-ci rappelle l’engagement des parties à respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et interdit tout recours à la force.
- Sur la question de l’exploitation des ressources naturelles
L’Accord ne contient aucune disposition de cogestion ni de cession de ressources de la RDC. Il évoque plutôt la création d’un cadre d’intégration économique régionale et cela à l’article 6 et c’est même ce qui a justifié le fait d’un Accord distinct.
Ce cadre vise à élaguer toute émergence d’une économie illicite, ainsi toute initiative dans ce domaine devra être conforme aux lois nationales et aux instruments régionaux d’intégration économique auxquels les deux Etats font partie.
- Sur la question de la justice et de la lutte contre l’impunité
A ce propos, dès le préambule de l’Accord, les parties se disent déterminer à promouvoir le plein respect des droits de la personne et du droit international humanitaire et, à l’article 2.3, il est dit que toute réintégration éventuelle dans les forces de sécurité s’effectue de manière rigoureuse, individualisée et conditionnelle justement pour éviter de garantir l’impunité à ceux qui ont commis des crimes. Nous avons vécu des expériences négatives notamment en 2009 avec conséquence d’intégration des éléments du CNDP et en 2013 avec des éléments du M23.
A cet effet, l’Accord prévoit une intégration au cas par cas et suivant des critères objectifs, cela pour éviter de donner accès aux responsables de graves violations des droits de l’homme, pour éviter aussi des infiltrations dans l’appareil sécuritaire et, enfin, cette conditionnalité permet de crédibiliser le processus auprès des partenaires de la République Démocratique du Congo.
- A propos de l’intégration économique régionale
Ces Accords s’inscrivent dans la vision du Président de la République. L’intégration économique régionale n’est pas une faiblesse. C’est au contraire : un levier de paix ; un accélérateur de développement ; un outil de transformation structurelle. Elle permet de remplacer l’économie de la contrebande par une économie régulée, de transformer les frontières en espaces d’échanges plutôt qu’en zones de conflit, de créer des chaines de valeur partagées, et de garantir que les ressources profitent enfin aux peuples.
Quelles sont les dividendes pour chaque partie ?
Pour la RDC :
- Sécurisation durable de sa partie Est ;
- Fin progressive de l’économie de guerre ;
- Valorisation locale des minerais ;
- Renforcement de la souveraineté économique ;
- Insertion stratégique dans les chaines de valeur mondiales.
Pour le Rwanda :
- Stabilisation de ses frontières ;
- Accès à une coopération économique formelle ;
- Réduction des tensions sécuritaires ;
- Participation à un cadre régional transparent et contrôlé.
Pour les USA :
- Sécurisation des minerais stratégiques ;
- Stabilité d’une région stratégique ;
- Promotion d’un modèle de développement fondé sur la paix et la gouvernance responsable.
Ces accords ouvrent donc une perspective nouvelle, notamment une Afrique centrale basée sur l’interdépendance économique et non sur la rivalité armée.
En définitive, l’accord de paix n’est pas une finalité en soi. Il est, cependant, un pivot autour duquel des nouvelles dynamiques s’enclencher en faveur de la paix et du développement de notre pays et pourquoi pas de la région. Face aux velléités du régime rwandais, la vigilance et la rigueur du Comité de Surveillance conjointe doit être de marbre afin de crédibiliser le parrain de cet Accord dans l’opinion tant nationale qu’internationale. La fermeté de l’administration Trump face à la récidive de l’aventure criminelle rwandaise empêchera de faire voler en éclat l’accord de paix de Washington. La RDC émet le vœu que le Président américain soit nobélisé pour sa quête permanente de la paix dans le monde, surtout dans les Grands lacs.
Tribune de Tina Salama
Porte-parole du Président de la République