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La guerre en République Démocratique du Congo : de l’empire du « Qui » à la profondeur du « Quoi »

Par La Prospérité
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(Par le Professeur Patience Kabamba)

Suite à la capture d’Uvira par les rebelles du Mouvement du 23 mars/Alliance du fleuve Congo (M23/AFC) le onze décembre deux mille vingt-cinq, consécutive à la signature des accords économiques de paix entre le Rwanda et le Congo, accords parrainés par les États-Unis d’Amérique, une prolifération de commentaires divergents a été observée. Les analystes, qu’ils soient congolais ou étrangers, sont fréquemment sollicités ; à titre d’exemple, la BBC contacte Jason Stearns au sujet du Congo, Brian Verelst au sujet du Burundi, ou encore Koen Vlansroot.

Le dénominateur commun à ces commentaires réside dans leur focalisation exclusive sur l’identité des acteurs et sur l’immédiateté apparente, au détriment d’une analyse du fond. Aucune des analyses formulées n’approfondit la compréhension des causes sous-jacentes à cette conflictualité qui tend à perdurer dans l’Est du Congo. Les observations relevées mettent en évidence le rôle du Rwanda sous la direction de Kagame, celui du président congolais Félix Tshisekedi, ainsi que l’influence du président américain Donald Trump, en tant que principal artisan de cet accord.

Les analystes estiment, en substance, que Trump est un personnage grotesque. Son intérêt se porte davantage sur les minerais du Congo que sur la résolution pacifique du conflit opposant les deux nations. L’ensemble des médiations de paix auxquelles il a participé ont connu un échec regrettable. Le Président Kagame est dépeint comme un individu cynique, accusé d’homicides impitoyables et d’accaparement illicite des ressources minières congolaises.

Il représenterait l’incarnation même de la culture d’Ubwenge, caractérisée par la tromperie. Son incursion en République Démocratique du Congo par le biais du Mouvement du 23 Mars constitue un affront manifeste à l’égard de l’accord qu’il avait préalablement ratifié avec la RDC, en présence de ses homologues, le Kenyan Ruto et le Burundais Ndayishimiye.

Les critiques les plus virulentes sont dirigées vers le président congolais, lequel a déjà perdu le contrôle des deux principales villes de l’est du pays, Goma et Bukavu, et s’est avéré incapable d’assurer la protection d’Uvira. Il lui a été reproché d’avoir initialement considéré Kagame, au début de son mandat, comme un partenaire fiable de la République Démocratique du Congo, ainsi que son adhésion à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).

Il n’a pas considéré les menaces provenant de Bubagana avec la gravité requise. Le simulacre électoral de 2023, ayant engendré une crise de légitimité, et notamment les intentions manifestes de modification constitutionnelle, sont à noter. Il est reproché au Président congolais de ne pas se conformer aux recommandations de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC), ainsi que de s’approprier les richesses nationales, engendrant des grandes inégalités sociales.

Bien que pertinentes, ces critiques émanent toutes d’une approche empirique superficielle. Les observateurs, tant nationaux qu’internationaux, tendent à ne pas dépasser l’aspect superficiel des événements pour appréhender l’histoire du Congo. La compréhension de l’histoire implique une saisie approfondie du niveau historique où se situe précisément le devenir contradictoire de la valeur d’échange.

Les événements auxquels nous assistons ou que nous analysons ne constituent, en réalité, qu’une fraction infime d’un processus de longue haleine. L’analyse empirique met en évidence les figures de Trump, Kagame, le M23, AfC, Tshiekedi, Nanga, etc. L’empirisme ne permet pas d’appréhender la nature intrinsèque des choses. La critique consistant à s’interroger sur l’identité du responsable relève d’une argumentation erronée, exploitée par les analystes congolais et internationaux.

Il est avancé que ni Kagame, ni Trump, ni même le président congolais ou les M23, ne disposent d’une autonomie quelconque. La crise de la baisse du taux de profit engendre, à un moment donné, un processus à partir duquel un élément essentiel se dynamise. La pensée subversive s’intéresse moins à l’identité de l’agent qu’à la nature de l’action.

Au-delà des formations politiques et des mécanismes de manipulation étatiques, incluant leurs ramifications académiques nationales et internationales, l’élément essentiel ne réside pas dans la connaissance des actions individuelles de personnalités spécifiques. Ce qui est dépourvu d’autonomie.

L’élément primordial réside dans la nature intrinsèque de l’objet considéré. Quel que soit l’acteur impliqué, ce sont invariablement les contradictions, les métaphores ou les métamorphoses inhérentes à la valeur d’échange qui se manifestent. Au-delà du conflit congolais, il convient d’analyser non pas les acteurs impliqués, mais plutôt les causes sous-jacentes, notamment la baisse du taux de profit. Les révolutionnaires se distinguent des acteurs établis, car ces derniers envisagent de résoudre le problème en substituant un ensemble d’acteurs par un autre.

La problématique essentielle ne réside pas dans la transformation de la politique ou de l’économie, ni même de l’économie politique, mais davantage dans la transformation de la réalité historique. La réalité historique démontre que la baisse du taux de profit est tributaire des minerais congolais, notamment du coltan, et de l’essor des véhicules électriques. Le spectacle de la marchandise à l’échelle planétaire a atteint un niveau sans précédent, où la résolution de la baisse du taux de profit et de ses contradictions induit les conflictualités contemporaines.

Afin d’appréhender ce concept, il est nécessaire de comprendre les articulations fondamentales qui caractérisent le volume I du Capital de Karl Marx. La classe bourgeoise a disparu, se transformant en une classe capitaliste, et, comme le souligne Francis Cousin, nous entrons actuellement dans une phase d’ingénierie sociale de l’automate central. Il n’existe plus de décideurs autonomes, mais la baisse du taux de profit nous influence et nous conduit vers une société caractérisée par une irresponsabilité illimitée. Le conflit congolais représente une formalisation dialectique à un instant donné du processus de capitalisation financière.

Depuis l’émergence de la valeur d’échange au Néolithique, l’histoire se réduit à la lutte des classes. Affirmer cela revient à appréhender, d’un point de vue méthodologique, la réalité objective du conflit armé dans l’est de la République Démocratique du Congo. Les concepts de baisse du taux de profit et de lutte des classes représentent une méthodologie permettant d’organiser le réel. Un concept représente, de fait, un élément d’organisation au sein du chaos que constitue la réalité historique.

L’analyse approfondie permet de transcender l’empirisme superficiel et l’immédiateté qui caractérisent les analyses congolaises et internationales. Le prix de l’iPhone 17 à San Francisco engendre une dynamique incontrôlable à Walungu, et la baisse du taux de profit induit une vague de panique ressentie à Kigali, Walikali et Rutsuru. Il convient de comprendre ce qui est profond, plutôt que de s’arrêter à ce qui est superficiel.

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