(Par Alain Lubamba wa Lubamba, Expert Senior en Développement de Performance des Politiques Publiques)
La République Démocratique du Congo entre dans une phase critique de son histoire économique. Le partenariat stratégique conclu avec les États-Unis d’Amérique autour des minerais critiques n’est pas un accord de plus. Il représente un instrument potentiel de transformation structurelle, capable de reconfigurer un modèle économique trop longtemps fondé sur l’exportation brute des ressources naturelles. Pour la première fois, la RDC peut espérer monter dans la chaîne de valeur mondiale tout en assainissant profondément sa gouvernance économique.
Contrairement à de nombreux investisseurs étrangers arrivés au cours des deux dernières décennies avec des pratiques opaques, la RDC, par la volonté politique du Président Félix-Antoine Tshisekedi, se retrouve aujourd’hui face à des investisseurs américains réputés pour leurs standards élevés de conformité, de transparence et de lutte contre la corruption. Cette singularité change la donne : le partenariat offre l’opportunité de stopper les mauvaises pratiques et de remettre notre gouvernance publique sur des rails vertueux.
Le Deal RDC–USA n’est pas un simple contrat d’accès aux minerais. Certains leaders religieux l’ont présenté comme un bradage, mais il s’agit d’une interprétation erronée. Les investissements américains imposent généralement des obligations de transformation locale, des standards élevés de compliance et des exigences strictes en matière de transparence, ce qui signifie que, loin d’être cédés, nos minerais deviennent un levier stratégique de souveraineté économique.
Les Etats-Unis cherchent à sécuriser des minerais stratégiques pour les industries du futur. La RDC, elle, vise l’industrialisation, la création d’emplois qualifiés, le transfert de technologie et le développement d’une base industrielle nationale. Pour réussir, ce partenariat doit dépasser la logique de simple extraction et permettre la construction d’unités industrielles de raffinage et de transformation locale, la production de matériaux intermédiaires et de composants, l’émergence d’une expertise technique congolaise et la stabilisation macroéconomique grâce à une meilleure captation de la rente.
L’enjeu historique est clair : la RDC ne doit plus répéter les erreurs du passé. Hier, notre caoutchouc a propulsé la révolution industrielle sans nous industrialiser. Notre cuivre a alimenté la révolution de l’électrification mondiale sans électrifier notre économie. Notre uranium a contribué à l’ère nucléaire et militaire mondiale sans nous donner une puissance stratégique comparable. Aujourd’hui, trois nouvelles révolutions structurent l’économie mondiale :
● la révolution numérique portée par le coltan, le tungstène et l’étain ;
● la révolution énergétique verte tirée par le cobalt ;
● et la révolution énergétique du futur, dont le potentiel hydroélectrique d’Inga est l’un des leviers les plus puissants au monde.
Nous n’avons plus le droit historique, économique et moral de les rater.
Pendant des décennies, la RDC a été le principal fournisseur mondial de minerais stratégiques, rarement bénéficiaire principal de la richesse qui en découle. Transformer la rente minière sur le sol congolais n’est plus une ambition théorique, c’est désormais une exigence économique. Chaque unité de valeur ajoutée créée localement augmente la richesse nationale, réduit la vulnérabilité budgétaire, crée des emplois qualifiés et renforce la souveraineté économique. Ne pas transformer chez nous, c’est rester dépendants ; transformer chez nous, c’est affirmer notre souveraineté.
Le profil des investisseurs américains, évoluant dans un environnement normatif extrêmement rigoureux, constitue un atout supplémentaire. Compliance, audits permanents, obligation de transparence : tout cela est incompatible avec les pratiques opaques qui ont trop longtemps miné le secteur minier et autres. Pour la RDC, cette configuration représente un levier unique pour nettoyer les pratiques économiques toxiques, crédibiliser l’État auprès des marchés et institutions internationales, et envoyer un signal fort : l’ère de l’opacité touche à sa fin. C’est donc à la fois un partenariat économique et un outil de reconstruction morale de la gouvernance publique.
Pour tirer pleinement parti de cette opportunité, la RDC doit agir sur trois axes prioritaires :
1. ancrer la transformation locale dans la loi et dans les contrats ;
2. créer les conditions industrielles nécessaires, avec des zones économiques spécialisées, une énergie fiable et une logistique modernisée ;
3. instaurer une gouvernance exemplaire basée sur la transparence, la discipline budgétaire et la traçabilité.
Ce partenariat peut devenir le catalyseur d’une nouvelle ère de gouvernance publique et financière. La nation se trouve à un carrefour : soit elle répète son histoire, exporte, dépend et subit ; soit elle choisit de transformer, industrialiser, discipliner et prospérer. Pour la première fois, les circonstances s’alignent : ressources stratégiques, partenariat crédible, investisseurs sérieux, volonté politique affirmée. Il reste à faire le choix courageux de l’histoire.
Le Deal RDC–USA n’est pas seulement une opportunité économique. C’est une chance civilisationnelle : transformer notre rente minière en richesse nationale et instaurer une gouvernance crédible et exemplaire. La vraie question n’est plus de savoir si la RDC peut réussir, mais si elle (décideurs, opérateurs politiques, opérateurs économiques, chefs religieux, leaders d’opinion, jeunesse, leadership féminin) aura la discipline, la vision collective et l’audace de saisir cette occasion historique.
Ce Deal doit être perçu par l’opinion publique nationale comme une décision d’État pour assainir la gouvernance, sécuriser l’intérêt national et construire la prospérité des Congolais.