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50ème Lettre Sociale Congolaise : Pour que le temps ne légitime pas la carence documentaire de représentation des magistrats comme salariés au sein de la magistrature congolaise

Par La Prospérité
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(Par Jean Joseph Ngandu Nkongolo, Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail)

«C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ».

Benjamin Disraeli. Chères lectrices, chers lecteurs,

1. La parution du terme « Intersyndicale » dans le titre « L’Intersyndicale des magistrats s’oppose aux projets de lois sur la réforme judiciaire » qui est passé sur les antennes de la Radio Okapi dans son émission Dialogue entre Congolais du 19 août 2024 laisse entendre qu’il y a une institution de représentation des magistrats ou une délégation syndicale des magistrats au sein de la magistrature congolaise où l’on trouverait des représentants élus des magistrats et des représentants syndicaux des magistrats.

2. Bien que le terme « Intersyndicale » soit sans base documentaire nationale ni internationale comme je l’ai souligné dans la 24ème  Lettre Sociale Congolaise du 03 avril 2023 intitulée « Qui a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation contre l’arrête ministériel n° 086/cab/etps/min/2023 du 23 /02/2023 de convocation et fixation du calendrier du déroulement des élections syndicales dans les entreprises ou établissements de toute nature en République démocratique du Congo pour la 8eme Edition 2023 – 2026 ? », la parution de ce terme dans le titre de l’émission ci-haut citée est un besoin dont la réponse est la présentation de la vérité sur la présence téléologique universelle de la représentation des travailleurs. Car, d’un côté, dans son livre intitulé La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Mabika Kalanda (1965) souligne l’importance de la vérité en montrant qu’ « une société organisée sur la base de la connaissance de la vérité a plus de chance de survivre et de mieux échapper à la disparition qu’une société dite naturelle » et, de l’autre, dans leur livre intitulé How to read a book. The classic guide to intelligent reading, Mortimer Jérôme Adler et Charles Van Doren(1965) montrent que « the only arbiters in any dispute are the reason and evidences » qui se lit littéralement en français les seuls arbitres dans n’importe quel litige sont la raison et les preuves.

3. Disons que la représentation des travailleurs est une rationalité managériale pour faire participer les travailleurs salariés au processus de prise des décisions qui touchent à leurs conditions de vie et de travail dans leurs milieux professionnels. La base documentaire internationale de la représentation des travailleurs est la Convention n°87 de l’Organisation Internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Cette convention est utilisée dans les chaines secondaires éditoriales pour la production des écrits documentaires qui concernent les employés salariés jouissant de la liberté syndicale et du droit syndical. C’est par l’exercice du droit syndical et de la liberté syndicale que les employés salariés des secteurs public et privé créent des syndicats, ils s’y affilient et choisissent leurs représentants.

4. L’Organisation Internationale du Travail, par sa Convention n°135, présente deux catégories des représentants des travailleurs qui sont, d’un côté, les représentants élus c’est-à-dire les travailleurs élus librement par leurs collègues travailleurs au sein de l’entreprise et, de l’autre, les représentants syndicaux c’est-à-dire les dirigeants syndicaux nommés par le syndicat ou les dirigeants syndicaux élus par les organes statutaires de leurs syndicats respectifs.

5. En République démocratique du Congo, les représentants élus sont appelés délégués syndicaux dont le mandat est de trois (3) ans renouvelable tandis que les représentants syndicaux sont appelés « permanents syndicaux ». Ce mandat couvre aussi, dans l’entreprise, la durée de la présence du syndicat sous label duquel le délègue syndical a été élu. Il demeure ainsi fondé de préciser que pour participer aux élections sociales organisées dans les entreprises, établissements ou services de l’administration publique, le syndicat doit être enregistré au ministre de tutelle qui peut être le ministère de la Fonction Publique pour les syndicats des salariés régis par le statut des agents de carrière des Services publics de l’Etat, le ministère du Travail pour les salariés régis par le Code du Travail, etc. L’enregistrement d’un syndicat lui confère une reconnaissance légale pour fonctionner, car, il vaut une personnalité juridique comme le précise l’article 249 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail.

6. Bien que le mandat syndical des représentants élus ait constitué le trait d’union entre les représentants élus et les représentants syndicaux au sein d’une entreprise, dans son livre intitulé Employés de bureau et syndicalisme, par son approche socioprofessionnelle, Yannick LE QUENTREC (1998) montre que les représentants élus (délégués syndicaux) s’occupent de la conduite de l’action revendicative au niveau de l’entreprise tandis que les représentants syndicaux (permanents syndicaux) ont pour mission d’accompagner les représentants élus dans leur conduite des actions revendicatives au sein de l’entreprise.

7. La position de LE QUENTREC est aussi galvanisée par le législateur congolais qui confie aux organisations professionnelles des travailleurs, selon l’article 255 de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail, la mission d’encadrer, former et suivre les membres de la délégation syndicale dans leurs activités syndicales au sein de l’entreprise. En principe, cette prescription documentaire sociale congolaise devrait s’appliquer mutatis mutandis à toutes les délégations syndicales en RDC pour autant qu’il n’existe pas de dispositions particulières les concernant. Hélas, en pratique, cette prescription documentaire est mise en mal par les permanents syndicaux qui s’occupent de la conduite de l’action revendicative au sein des entreprises ou établissements pour leurs intérêts personnels, parfois, au nom de la maffia syndicale. Cette usurpation des fonctions des délégués syndicaux est une astuce utilisée par les permanents syndicaux comme élites syndicales aux fins de l’exploitation de l’ignorance de certains salariés et employeurs congolais en matière syndicale pour leur survie.

Cette exploitation de l’ignorance de certains salariés et employeurs congolais par les élites syndicales comme pour toute autre élite est déjà dénoncée par Mabika Kalanda qui stigmatise le fait que « la connaissance de la vérité n’a été à ce jour rendue accessible qu’à une minorité des humains : une élite ». La conséquence de la détention de la connaissance par la minorité, l’élite, est la manipulation de la majorité par la radio et la télévision par cette l’élite qui utilise la connaissance acquise, parfois, par la lecture et l’écriture des écrits. Dans son livre intitulé : ‘’Les médias en Afrique’’, André Jean Tudesq (1999) abonde dans le même sens de stigmatisation que Mabika Kalanda lorsqu’il montre qu’ « il serait dangereux pour l’évolution de l’Afrique que l’écrit reste le privilège d’une petite minorité manipulant les masses par la radio et la télévision ».

En République démocratique du Congo, l’inquiétude de Tudesq est corroborée par la prolifération des Radios et Télévisions qui relayent pour la plupart des temps des considérations personnelles qu’elles font passer pour des vérités absolues.

8. Rappelons qu’avec le pluralisme syndical consécutif à la démocratisation du pays, les organisations d’employeurs ou de travailleurs sont tenues au respect strict du principe de la non-ingérence.

Pour les employés salariés régis par le Code du Travail, le principe de non-ingérence y est consacré par la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail qui dispose en son article 235 « Les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent s’abstenir de tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration». Dès lors, les représentants élus (délégués syndicaux) sont des partenaires des employeurs et vice versa, ils ne sont plus Co-gestionnaires comme ils l’étaient à l’époque de l’UNTZa.

9. Revenons sur la participation des organisations professionnelles aux élections sociales dans les entreprises et établissements des secteurs public et privé pour dire que c’est elle qui est à la base de l’existence, en RDC, d’un terme sans base documentaire nationale ni internationale appelé « Intersyndicale » qui désigne un ensemble des syndicats représentatifs d’une entreprise, d’un établissement, d’un département de l’administration publique. C’est alors qu’ outre le titre de l’émission Dialogue entre Congolais ci-haut cité, l’ article de presse intitulé « Halte à la brouille au sein de la Justice Congolaise : Constant Mutamba-Magistrats : Dieudonné Kamuleta appelle à l’apaisement ! » rend très intéressante cette réflexion dont l’essence est à la fois technique et scientifique sur la carence documentaire de représentation des magistrats, car, le chapeau de cet article est : « Le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Dieudonné Kamuleta Badibanga a interpelé, mercredi 21 août 2024 dans la salle d’audience de la Cour Constitutionnelle, les magistrats du pays à travers leurs syndicats, au total au nombre de six reconnus par l’Etat congolais(…) ». Le chapeau de cet article de presse suscite plusieurs questions notamment : – Les six syndicats des magistrats reconnus par l’Etat congolais sont-ils représentatifs ? – Quelle est la base bibliologique de la reconnaissance légale de ces six syndicats des magistrats congolais ? – Les syndicats des magistrats congolais sont-ils des Co-gestionnaires du pouvoir judiciaire ? 10. Pour répondre la première question, définissons d’abord le syndicat représentatif. Le syndicat représentatif est celui qui a une présence légale effective au sein d’une entreprise où elle a fait élire les délégués syndicaux sur sa liste des candidats. Dans leur livre intitulé Droit Social, Nadège Meyer et Jean Pierre Willems (2009) soulignent que « la présence syndicale dans l’entreprise se manifeste non seulement par l’implantation des sections syndicales, mais aussi et surtout par la désignation d’un délégué syndical ». Désignation, oui, car, c’est le syndicat qui fait élire son délégué syndical ou ses délégués syndicaux en les présentant aux élections sur sa liste de candidats. Pour sa part, dans son livre intitulé Droit du travail, Mukadi Bonyi(2008) définit la représentation syndicale comme « l’aptitude reconnue à un syndicat professionnel d’être porte – parole des travailleurs dont il prétend défendre et promouvoir les intérêts, compris de ceux qui ne sont pas ses adhérents». Ici encore, la qualité de porte-parole s’obtient toujours par l’obtention d’au moins un siège à l’issue des élections sociales organisées au sein d’une entreprise ou d’un établissement.

11. Contrairement à Yannick LE QUENTREC (1998) qui a distingué la mission des représentants élus de celle des représentants syndicaux, Mukadi Bonyi attire l’attention de ses lecteurs sur la différence téléologique des ordres professionnels et les organisations professionnelles des travailleurs. Bonyi montre que les ordres professionnels s’occupent des questions relatives à l’éthique et déontologie du métier tandis que les organisations professionnelles de travailleurs s’occupent des questions relatives à la défense des intérêts tant moraux que matériels de leurs membres.

12. Par ailleurs, dans son livre intitulé Salariés et Entreprises dans les pays du Sud. Contribution à une anthropologie politique des travailleurs, Robert Cabanes (2000) montre que l’existence syndicale au sein d’une entreprise est donc l’incorporation du social à l’organisation scientifique du travail. C’est ainsi que l’action revendicative est désormais une activité normée dont l’exécution est fondée sur les faits consignés par écrit au même titre que le travail salarié dont elle découle. C’est à ce titre que le droit syndical figure dans chaque écrit documentaire qui régit les employés salariés de chaque secteur.

13. Fort du fait que pour Mortimer Jérôme Adler et Charles Van Doren ci-haut cités « the only authority is reason itself » qui se lit littéralement en français la seule autorité est la raison elle –même, je postule, par l’alliage de ma longue expérience d’ancien représentant élu et de représentant syndical ainsi que de ma qualité de Spécialiste, Expert et Chercheur en Anthropobibliologie du Travail, que l’auteur de la loi organique n°6/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats devrait incorporer la liberté syndicale et le droit syndical dans cette loi conformément à la constitution congolaise qui dispose en son article 38 « La liberté syndicale est reconnue et garantie. Tous les congolais ont le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi ». Faute d’incorporation du droit syndical dans cette loi, les syndicats qui auraient prétendu défendre les intérêts tant moraux que matériels des magistrats ne sauraient donner un caractère rationnel à leurs actes et pratiques dans la magistrature congolaise. C’est le cas qu’a connu, dans son histoire, le Syndicat des Magistrats du Burundi dont l’enregistrement a été considéré non valable par le Ministre burundais de la justice à la 93ème session de la Conférence Internationale du Travail de l’OIT en 2005 étant donné que ce syndicat a été enregistré sur la base des prescriptions du code du travail alors que ce Code excluait les magistrats de son champ d’application. Il s’agissait de la carence documentaire de représentation des magistrats.

14. Cette carence documentaire de représentation des magistrats comme salariés de l’Etat congolais permet de répondre à la deuxième question sur la source bibliologique de la reconnaissance légale des syndicats des magistrats. On ne le dira jamais assez, la carence documentaire de représentation des magistrats est due au fait que l’auteur de la loi organique n°6/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats n’a pas incorporé la liberté syndicale et le droit syndical dans cette loi organique. Si le droit syndical était incorporé dans cette loi organique comme c’est le cas pour la loi n°18/038 du 29 septembre 2018 portant statut du personnel de l’enseignement supérieur, universitaire et de la recherche scientifique, la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat et la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant code du travail, les représentants élus des magistrats participeraient au processus de prise des décisions qui touchent aux conditions de travail et de vie des magistrats à l’Assemblée Générale et aux chambres disciplinaires du Conseil Supérieur de la Magistrature. Ce dernier postulat permet de répondre à la troisième question sur la cogestion du pouvoir judicaire par les syndicats des magistrats. Ce postulat renvoie au respect du principe de non-ingérence des représentants élus des syndicats représentatifs des magistrats à l’égard du pouvoir judiciaire et vice versa.

15. Face à cette carence documentaire de représentation des magistrats, il importe de la pallier par la production des écrits documentaires adéquats pour la rationalisation des actes et pratiques des syndicats dans la magistrature congolaise.

Le dialogue social de qualité en dépend.

16. J’ai fait ma part avec ma coupe pleine.

Fait à Kinshasa, le 02 septembre 2024

Jean Joseph Ngandu Nkongolo

Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail.

E-mail : jsphngandu@gmail.com

Tél : +243 994 994 872

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