(Par le Prof. Alain Mutela Kongo)
*Généralement, le peuple congolais est apprécié et considéré comme un peuple accueillant, hospitalier, solidaire, pacifique et chaleureux dans ses multiples relations entretenues avec les étrangers, c’est-à-dire avec ceux qui ne sont pas congolais ou congolaises. Il s’agit-là d’une caractéristique générale du peuple congolais, qui croit dans le vivre ensemble, hormis quelques cas de xénophobie, tribalisme et racisme qu’on constate çà et là.
Dans les lignes qui suivent, nous allons présenter à nos lectrices et lecteurs quelques notions fondamentales sur la perception de l’étranger selon la pensée du Professeur Oscar Bimwenyi Kweshi, d’heureuse mémoire, que vous trouverez dans son livre monumental intitulé : Discours théologique négro-africain. Problème des fondements, publié aux éditions Présence Africaine, en 1981, pp. 37-44.
Il s’agit de mettre en exergue les ambiguïtés et/ou équivocité sur l’étranger, c’est-à-dire quelqu’un d’une autre Nation. Selon Oscar Bimwenyi Kweshi, l’étranger, celui qui vient d’ailleurs, est à la fois une menace et une chance. Il peut être un danger ou une opportunité pour ceux qui l’accueillent dans leur maison, dans leur Patrie. Notre auteur évoque trois raisons qui font à ce que l’étranger soit d’office considéré comme une menace :
1) il est l’apparition de l’inconnu, manifestation de quelque chose (ou de quelqu’un) d’étrange, irruption de l’inattendu, voire même de l’indésirable. Sans le connaître encore, sans avoir fait l’expérience de ce qu’il est réellement, l’étranger est ipso facto perçu comme quelqu’un qui pourrait déranger l’ordre et l’harmonie établis, étant donné que sa place n’était pas prévue et préparée. Il est comme un envahisseur qui vient déranger notre système social, notre manière d’être et de vivre dans notre société ; il vient nous imposer, avec sa seule présence, des nouvelles habitudes auxquelles nous n’étions pas habitués. Sa présence parmi nous menace notre sécurité, nos certitudes et remettrait en cause nos assurances, nos dogmes ;
2) ses vraies intentions ne nous sont pas révélées en avance. Il peut être un terroriste, un espion envoyé par nos détracteurs, un envahisseur éventuel qui vient pour porter atteinte à la vie des paisibles citoyens. Il peut être un meurtrier, un sanguinaire sans cœur, un voleur de haut niveau qui mettrait en danger la sécurité nationale ;
3) l’étranger est une charge supplémentaire pour ceux qui l’accueillent dans leur maison, dans leur Patrie. Sa prise en charge coûtera cher à sa communauté d’accueil lui imposant ainsi des nouvelles responsabilités et des nouveaux risques.
Eu égard aux trois raisons susmentionnées, l’étranger est considéré comme une menace, un danger en puissance, et par voie de conséquence, une personne vis-à-vis de qui il faudrait afficher une attitude de réserve, de méfiance, de contrôle et de prudence.
Cependant, le professeur Oscar Bimwenyi Kweshi dit que l’étranger est à considérer aussi comme une chance; au moins pour deux raisons suivantes :
- l’étranger ne vient pas toujours pour menacer ceux qui l’accueillent, mais il peut être pour eux un allié de marque, un ami éventuel, qu’avec son savoir vivre et son savoir-faire peut constituer et favoriser l’éclosion d’une société renouvelée, modernisée. Il peut être porteur de nouvelles techniques et technologies dont le Congo a tant besoin pour transformer ses matières premières, créer des emplois et des richesses pour les masses populaires qui vivent dans la misère. A ce propos, le peuple Kété du territoire de Mweka dit: muenyi udiboku dikola, udisha muena bula, c’est-à-dire que l’étranger qui a des possibilités économiques ou financières peut nourrir les autochtones, leur venir en aide ;
2) il est une force de plus, s’il se présente en hôte de paix, pour sa communauté d’accueil. Il peut être une possibilité d’enrichissement du point de vue culturel, économique et politique, rénovant et promouvant ainsi le social du peuple qui l’a accueilli chaleureusement. En ce sens, l’étranger peut être considéré, selon Oscar Bimwenyi Kweshi, «comme de l’air frais qui vient ventiler l’intérieur d’un système toujours enclin à se replier sur lui-même, comme un souffle nouveau, une force de renouvellement» (p. 42).
Au regard de ce deux types d’étranger, la question est celle de savoir quel type d’étranger nous avons ou nous accueillons en RDC ? Cette perception de l’étranger présentée par le professeur Oscar Bimwenyi Kweshi nous invite à avoir plus de prudence dans notre manière d’ouvrir nos frontières ou d’offrir l’hospitalité à ceux qui viennent d’ailleurs. Il y a d’une part, la nécessité de cultiver et d’entretenir des bonnes relations avec les étrangers, c’est-à-dire ceux qui viennent d’ailleurs, en vue de l’éclosion d’un monde meilleur où les êtres humains peuvent vivre ensemble d’une manière harmonieuse et fraternelle ; et d’autre part l’obligation citoyenne de veiller pour éviter que l’étranger ne devienne un danger pour l’autochtone. L’accueil chaleureux qu’il faut réserver aux étrangers n’exclut pas le contrôle et la gestion optimale de leur entrée, séjour et départ éventuel ; car parmi ceux qui viennent d’ailleurs, il y en a ceux qui sont nuisibles, et constituent une menace réelle. Vis-à-vis de ceux qui sont malintentionnés, il faut prendre des mesures et des dispositions qui s’imposent pour sécuriser la Nation congolaise, c’est-à-dire les congolais y compris les étrangers pacifiques.