«C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.
Chères lectrices, chers lecteurs;
- Le pluralisme qu’il soit politique ou social (syndical) est toujours fondé sur un impératif démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple en tant que souverain primaire. Le peuple exerce sa souveraineté directement par voie de referendum ou élection et indirectement par ses représentants.
- En République démocratique du Congo, le constituant a accordé l’importance égale tant au pluralisme politique que syndical. Le pluralisme politique et syndical est, au point 4 de l’exposé des motifs de la constitution congolaise du 18 février 2006, parmi les matières qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Au-delà de son exposé des motifs, la constitution congolaise dispose en son article 6 « le pluralisme politique est reconnu en République démocratique du Congo. Tout congolais jouissant de ses droits civils et politiques a le droit de créer un parti politique ou de s’affilier à un parti de son choix… ».
- La même constitution qui dispose en son article 38 « la liberté syndicale est reconnue et garantie en République démocratique du Congo. Tous les congolais ont le droit de former des syndicats ou de s’y affilier librement dans les conditions fixées par la loi ». Disons donc que l’incorporation du social à l’organisation scientifique du travail, comme le montre Robert Cabanes(1995) dans sa contribution à une anthropologie politique des travailleurs par son livre intitulé Salariés et entreprises dans les pays du Sud, est l’acte qui a confirmé la reconnaissance légale des syndicats.
- L’article 38 de la constitution congolaise ci- haut citée est incorporé dans les lois n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat et n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail qui régissent les salariés selon leurs secteurs respectifs notamment les secteurs public et privé.
- Dans cette lettre sociale congolaise je m’appesantis sur le pluralisme syndical tel que vu et vécu dans les entreprises et établissements où les travailleurs sont régis par loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail.
- La loi n°16/010 du 15 juillet 2016 ci- haut citée dispose d’une part en son article 249 que « tout syndicat enregistré jouit de la personnalité juridique » et d’autre part en son article 255 que « la représentation des travailleurs dans les entreprises ou établissements de toute nature est assurée par une délégation élue ». Par ailleurs, la même loi dispose en son article 257 que « le mandat des délégués est de 3 ans renouvelable ».
- L’arrêté ministériel n°048/CAB/VPM/MTPS/ 2015 du 08 /10/2015 modifiante et complétant l’arrêté ministériel n°12/CAB.MIN/TPS/ ar/NK/054 du 12 octobre 2004 fixant les modalités de la représentation et recours électoral des travailleurs dans les entreprises ou les établissements de toute nature stipule , d’un côté en son article 6 que « les élections sont organisées par le Chef d’entreprise ou d’établissement » et de l’autre, en son article 12 que « seuls les syndicats légalement enregistrés et dont le champ d’activité s’étend à l’établissement peuvent présenter des candidats » aux élections sociales(syndicales).
- L’enregistrement d’un syndicat est donc sa reconnaissance légale. Le syndicat est l’une des formes des associations sans but lucratif. Le fait que la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et établissements d’utilité publique ait fixé, en son article 57, à 500FC (Cinq Cents Francs congolais) les Frais de dépôt et d’enregistrement de la requête d’une association sans but lucratif montre que la fixation des frais de dépôt et d’enregistrement de toute association sans but lucratif relève de la compétence du pouvoir législatif.
- De ce fait, la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail devrait fixer, entre ses articles 238 et 239, les frais d’enregistrement d’une organisation syndicale des travailleurs en tenant compte des réalités financières de ces derniers, travailleurs, comme membres du syndicat. C’est dans cette optique que depuis l’époque coloniale la reconnaissance légale d’une association des travailleurs qu’on appelle enregistrement se faisait presque gratuitement. Dès le retour au pluralisme politique et syndical, la reconnaissance syndicale avait été aussi presque gratuite avant de passer d’abord à Cent dollars américains (100$) puis à Cinq cents dollars américains (500$) avant novembre 2019.
- Alors que ces frais devraient être revus à la baisse pour faciliter la participation citoyenne, socle de toute démocratie, il est curieux et injuste de voir qu’ils sont passés de 500$ (Cinq Cents dollars américains) à 1000$(Mille dollars américains) à la suite de l’arrêté interministériel n°001/CAB/MIN ETAT/METPS/2019 et n°CAB/MIN/FINANCES/2019/138 du 28 novembre 2019 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du Ministère de l’emploi, travail et prévoyance sociale. Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’un marchandage d’un service public.
- Outre, les frais exorbitant d’enregistrement des syndicats qui plongent le syndicalisme dans la libre entreprise, il y a lieu de stigmatiser la demande exagérée des documents livrés par les services de l’Etat à produire par les membres chargés de l’administration d’un syndicat. L’arrêté ministériel n°001/91 du 7 janvier 1991 relatif aux modalités d’enregistrement des organisations professionnelles énumère en son article 3 les 5 documents : un extrait d’acte de naissance, un certificat de nationalité, un extrait d’un casier judiciaire, une attestation de bonne vie et mœurs et une attestation médicale. Tous ces documents coutent aussi très cher. Pourtant, la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et établissements d’utilité publique n’exige, en son article 4, qu’un seul document livré par les services de l’Etat, à savoir le certificat de bonne conduite, vie et mœurs.
- Au-delà de ce laissez- aller, laissez-passer et laissez – faire légistique qui énerve la constitution congolaise, il importe de préciser que cette fouille documentaire organisée à la lumière de l’AnthropoBibliologie du travail permet à mes lectrices et lecteurs de cerner et comprendre trois idées principales susceptibles de contribuer à l’émergence d’un pluralisme syndical pur en RDC.
- Ces idées sont :
- 1° primo, la condition à remplir par un syndicat pour participer aux élections sociales (syndicales), fondement du pluralisme syndical, est son enregistrement par le Ministère du travail, emploi et prévoyance sociale. Dès lors, le syndicat n’a pas à verser encore une caution ou des frais à quelque titre que ce soit pour participer aux élections sociales dans les entreprises ou établissements de toute nature sans que cela soit une atteinte à la liberté. Car, la démocratie syndicale contribue à l’émergence de la démocratie politique ;
- 2° secundo, l’organisation des élections sociales (syndicales) incombe à l’employeur avec toutes les conséquences que cela comporte. Le rôle du ministère du travail est donc de produire les écrits qui doivent imprimer le comportement des acteurs dans le processus électoral ;
- 3° tertio, le mandat des délégués syndicaux est de trois ans renouvelable. Hélas, il y a des délégués syndicaux qui totalisent, aujourd’hui, dix ans dans leurs fonctions syndicales dans les entreprises ou établissements où ils ont été élus pour un mandat de 3 ans. Il est inacceptable, voire étonnant de constater qu’en RDC, la communauté tant nationale qu’internationale ne s’intéresse qu’au seul mandat politique, singulièrement celui du président de la République. Le seul « glissement » que l’on pousse le peuple à refuser est celui concernant la fonction de Président de la République. Mais, dans les associations notamment les églises, partis politiques, organisations non gouvernementales, syndicats… les élections sont un sujet tabou
- En laissant les structures de base baigner dans la dictature, l’on érige l’obstacle à l’émergence d’un régime démocratique digne de ce nom. La participation citoyenne doit commencer dans des micro- structures où vivent quotidiennement les citoyennes et citoyens avant de s’étendre sur l’ensemble de macro – structures et institutions de la République.
- L’actuel tropisme démocratique congolais est le résultat de l’absence de démocratie dans les structures de base qui constituent le corps social de la République démocratique du Congo. Le syndicat est, comme me le répétait le feu Professeur Abbé Ngindu Mushete Alphonse, l’expression majeure de la liberté d’expression. De son côté, Jean Sagnes montre que par l’action syndicale le travailleur affirme sa dignité humaine.
- Malheureusement en République démocratique du Congo, tout est fait pour enterrer le pluralisme syndical pour lequel Simon Tshimpangila, Hénoch Bavela et Alexandre Ngandu Ntumba sont battus toute leur vie. Certaines illustrations telles que la corruption des représentants des travailleurs par le paiement de jeton de présence, le marchandage de services publics dans l’administration du Travail, le licenciement abusif des représentants des travailleurs confirment cette thèse.
- Même si l’on admet que la bibliophobie est l’une des causes de l’agonie du pluralisme syndical en RDC, il demeure fondé de préciser que cette agonie est aggravée par le fait que les matières qui devraient être traitées selon les lois produites par les députés nationaux sont traitées sur base des arrêtés ministériels, qui sont du reste anachronique à la constitution congolaise.. Est-il acceptable de constater que sur 500 députés nationaux de la République démocratique du Congo qu’il n’y ait pas un seul qui veille sur la production des lois susceptibles de contribuer à l’émergence du pluralisme syndical ?
J’ai fait ma part. Si vous êtes intéressés par cette lettre sociale congolaise, rejoignez la coupe pleine au numéro : + 243 994 994 872 et à l’e-mail : jsphngandu@gmail.com pour la suite.
Fait à Kinshasa, le 25 juillet 2022
Jean Joseph Ngandu Nkongolo
Spécialiste et Expert en Anthropo –Bibliologie du Travail, Formateur Psycho Socio Professionnel et Chercheur à l’Observatoire Congolais du Travail