(Par Jean-Marie Mutamba Makombo, Professeur émérite à l’Université de Kinshasa)
Ces derniers jours, nous avons lu dans les réseaux sociaux un texte qui n’était pas signé, mais qui est digne de figurer dans une anthologie. C’est vraiment un stimulant. Nous croyons utile de reproduire un extrait : « Goma tient. Les FARDC, longtemps moquées et sous-estimées, livrent une bataille héroïque. Si la situation reste incertaine, une chose est sûre : cette journée marque un tournant. Ce n’est pas seulement une bataille pour une ville, mais pour l’honneur d’une nation. Une leçon de courage, de résistance et de détermination, inscrite à jamais dans la mémoire collective du Congo ».
Ce morceau d’anthologie amène à la mémoire les prouesses de la Force publique, l’ancêtre des FARDC. Les Congolais avaient été jetés, malgré eux, dans la première guerre mondiale. Ils n’en comprenaient pas les enjeux. L’arrêté-loi du 25 octobre 1915 a créé la Croix de Guerre 1914-1918 pour reconnaître et récompenser les actes de courage devant l’ennemi.
L’historien congolais Yata Lokadi Mbikolo a dénombré 175 soldats décorés de la Croix de Guerre 1914-1918, et 15.470 Congolais décorés de la Médaille Commémorative des Campagnes d’Afrique, destinée aux gradés, soldats et porteurs qui avaient participé directement aux opérations de guerre au Cameroun, en Rhodésie, dans l’Est-Africain allemand et sur les frontières orientales du Congo.
Les soldats Fawa, Makasi, Kunga, Tomu, Mulemba, Ekuta furent décorés en 1916 de la Croix de Guerre 1914-1918 pour « avoir fait face avec résolution à une attaque soudaine d’Européens allemands débouchant à courte distance de leur position. Avoir, par leur courage et leur sang-froid au combat, permis à leur chef de peloton de prévenir une panique et avoir, pour une large part, contribué à repousser le brusque assaut de l’adversaire ».
Ce fut aussi le cas des soldats Mokanda, Fataki, Djamba, Dekamaru, Ekoli, Alikana, Itena et Sanduluna : « Ces soldats se sont signalés particulièrement par leur mépris du danger. Presque constamment choisis comme patrouilleurs ou agents de liaison, ils ont toujours accompli leur mission sans crainte des balles. Ils ont rendu les plus grands services à leur peloton tant dans la marche d’approche vers l’ennemi qu’au combat ».
En 1917, la Croix de Guerre fut décernée au soldat de 1ere classe Ganga, matricule 34519, pour avoir « fait la campagne du Cameroun. Blessé à la jambe et fait prisonnier, a été amputé à mi-jambe par un médecin allemand. S’étant échappé de l’hôpital est parvenu à rejoindre son détachement », au caporal Andu, matricule 51320, aux soldats Saboni (21498), Zarami (47326), Lubiriza (63641), Kussihima, Bidendidza, de la Section de Génie du 4ème Régiment, pour « avoir fait preuve d’un courage et d’une opiniâtreté du plus bel exemple au combat de Kato, le 3 juillet 1916 au cours duquel ils eurent à subir le choc le plus violent d’un ennemi supérieur en nombre » ; aux soldats de 2ème classe Ringa, Kahendo, Bokami, Bentu, Gilagaya, Bolobo, Monginda, Glisi, Wango, Mona, Kasongo, Moganda de la 2/X pour « le courage, l’énergie et le sang-froid dont ils ont fait preuve au combat d’Itaga le 14 septembre 1916 ».
Le gouvernement belge qui s’était replié à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale a créé le 20 juillet 1941 la Croix de Guerre 1940 pour acte de bravoure devant l’ennemi. Le professeur Benjamin Yata a dénombré 244 Croix de Guerre 1940. Nous ne reprenons ici que trois citations. Le 29 avril 1942, la Croix de Guerre 1940 fut octroyée au Premier Sergent-major Moembi, matricule n°1768/C, de la 3ème Compagnie du XIème Bataillon : « Excellent gradé d’élite, plein de courage et d’allant.
S’est distingué dans toutes les opérations de la Campagne d’Abyssinie auxquelles il a participé et particulièrement au combat de Bortaï le 15 novembre 1941, au cours duquel, par son intervention énergique et courageuse, il a réussi à empêcher le débordement de son peloton en se portant résolument vers l’ennemi et en l’attaquant à la grenade ».
L’Assistant médical Henri Bongolo qui a servi dans l’Hôpital belge de Campagne en qualité de Premier Sergent-major a bénéficié aussi de la Croix de guerre 1940 avec palme le 8 janvier 1946 : « A participé aux Campagnes d’Abyssinie, de Somalie, de Madagascar et de Birmanie, remplissant les fonctions de gradé d’élite et d’assistant médical avec endurance qui ne s’est jamais démentie durant près de cinq années. A témoigné de courage et d’ascendant entier sur la troupe dans les épisodes difficiles traversés par l’unité des opérations et notamment lors de l’avance du 33ème Corps Hindou sur la Haute-Chindwin et les épisodes prolongés d’action ennemie terrestre et aérienne intenses qui ont accompagné les combats livrés par la 11ème Division Est-Africaine dans la marche sur Kalewa ».
Le 19 décembre 1946, la Croix de Guerre 1940 avec Lion en argent fut attribuée au caporal Galakpio, matricule 11846/C, pour « le courage et son calme au feu. Au cours du repli d’une patrouille offensive le 3 juin 1941, s’étant aperçu qu’un Européen du détachement que l’on croyait replié était en arrière et était menacé d’être capturé, avoir sous un feu ardent fait front et par le tir précis de son fusil mitrailleur tenu en respect l’ennemi, et avoir ainsi contribué au dégagement de sept Européens ».
Ces distinctions honorifiques devraient être étudiées et servir de sanction positive pour motiver la troupe.