Dans le but d’effectuer une mise à niveau indispensable pour permettre aux responsables provinciaux de mieux appréhender les complexités de la gestion quotidienne et d’accroître l’efficacité des actions sur le terrain, Jeanneau Kikangala Ngoy, Directeur Général de l’Office des Routes (OR), a donné le coup d’envoi d’un séminaire d’immersion et d’échange de cinq jours. Ledit séminaire réunit l’ensemble des Directeurs provinciaux de cette institution pour l’infrastructure routière de la République Démocratique du Congo. Ces assises, qui se tiendront jusqu’au vendredi 9 mai, s’annoncent denses, révélant à la fois les ambitions de la direction et les difficultés profondes auxquelles l’Office est confronté.


Dès l’ouverture, le ton a été donné par Jeanneau Kikangala. Face à ses représentants en provinces, il a rappelé les piliers sur lesquels repose la gestion de l’Office, tout en soulignant la nécessité d’une adaptation constante.
‘’Vous êtes sans ignorer que l’Office des Routes est géré de manière générale à travers trois axes. Il y a l’axe technique, il y a l’axe financier et il y a l’axe administratif’’, a-t-il introduit, avant de détailler les enjeux spécifiques à chaque dimension.
Sur le plan technique, l’accent est mis sur l’assimilation de nouvelles notions et la bonne application des directives. Un point particulièrement sensible concerne la gestion des fonds alloués par le Fonds Nationale d’Entretien Routier (FONER).
‘’Depuis notre arrivée à la tête de l’Office des Routes, la gestion des fonds FONER qui doit servir à l’entretien de nos routes passe directement à travers les différents comptes des Directions provinciales’’, a expliqué le DG Kikangala. Cette décentralisation financière implique une rigueur accrue : ‘’De nouvelles orientations vous seront données pour permettre à ce que, dans le temps réel, des rapports par rapport à la gestion de ces fonds soient transmis à la Direction Générale’’. La gestion du parc automobile notamment, avec l’arrivée de nouveaux équipements issus d’une dotation gouvernementale, fait également partie des priorités techniques.
L’axe financier révèle des failles préoccupantes. Le Directeur Général n’a pas caché les difficultés sérieuses pour produire des états financiers, pointant un manque de rigueur comptable au niveau provincial. Il a martelé un message essentiel. ‘’La gestion financière et comptable à travers nos différentes entités n’est pas seulement l’affaire du seul chef de division administrative et financière et ou de son comptable, mais c’est aussi l’affaire du Directeur provincial’’. Une responsabilisation accrue est donc attendue.
Enfin, l’axe administratif soulève des questions de conformité et de gestion des ressources humaines. La situation des « sous-contacts », estimés à près de 500 personnes sur l’ensemble du territoire, est une préoccupation majeure.
‘’C’est une catégorie qui peut à la longue se révéler comme une bombe à retardement contre l’Office’’, a alerté le DG, soulignant l’urgence de clarifier leur statut et leur gestion. Au-delà du personnel, la maîtrise des procédures de passation des marchés publics au niveau provincial est jugée impérative pour éviter les irrégularités. Les aspects juridiques, liés au droit du travail et aux relations avec les partenaires externes, ainsi que la gestion des soins médicaux du personnel, complètent ce volet administratif.
Pour conclure son intervention, il a encouragé le partage d’expériences entre les Directeurs provinciaux, reconnaissant la valeur de l’échange pour améliorer les pratiques de chacun.
Appel à la responsabilisation des DP
Prenant la parole à son tour, le Président du Conseil d’Administration de l’Office des Routes, Dieudonné Tshingombe, a livré une analyse plus directe, voire sévère, de la situation. Il n’a pas hésité à parler d’une petite analyse critique et sombre des causes exogènes de la situation actuelle difficile que traverse l’Office des routes, avant de pointer une cause interne majeure, le management approximatif, dont fait montre particulièrement les Directeurs provinciaux qui n’appréhendent que trop peu ce qu’ils sont appelés à jouer et les statuts dont ils sont revenus.
Le PCA a rappelé avec force les cinq missions essentielles dévolues aux Directeurs Provinciaux (DP) par le cadre organique notamment, superviser les entités opérationnelles, représenter le DG, conseiller les autorités locales en matière routière, élaborer plans et rapports, et signer certains contrats par délégation. ‘’Vous ne comprenez pas encore vous quel rôle important que vous devez assurer,’’ a-t-il lancé, insistant sur leur statut de DG en miniature.
Il a particulièrement insisté sur le rôle de conseiller auprès des autorités politico-administratives locales : ‘’Ce rôle-là, vous devez l’assumer et le réclamer. Vous devez vous afficher. Dans le secteur routier, vous êtes l’interlocuteur principal. Il ne faut pas que le Gouverneur prenne un petit ingénieur stagiaire pour pouvoir vous donner des leçons’’. Un appel clair à affirmer leur expertise et leur position.
Le constat du PCA est cependant sans appel : ‘’Il est déplorable de constater que bon nombre de DP n’assument pas valablement leurs responsabilités’’.
Malgré cette critique, Dieudonné Tshingombe a aussi exprimé sa confiance dans le potentiel des Directeurs.
‘’Je voudrais que vous fassiez tout avec beaucoup d’expérience, beaucoup de technique et vous êtes parmi les meilleurs, parmi les plus intelligents’’. Il les a exhortés à plus de professionnalisme dans le management des projets et à l’amélioration de la rédaction administrative, rappelant que le Conseil d’Administration avait défini, début 2024, la politique générale et les stratégies managériales pour la relance de l’Office.
Mémorandum des Directeurs provinciaux
Pour ancrer les discussions dans la réalité du terrain, Didi Nzuzi, Directeur Provincial de Kinshasa, a présenté un mémorandum synthétisant les préoccupations et les propositions de l’ensemble de ses collègues. Ce document, adressé au Directeur Général, se veut le reflet fidèle des défis quotidiens.
Il a exprimé des difficultés telles que : le manque criant de matériel de génie civil et de véhicules de liaison adaptés aux terrains difficiles ; l’insuffisance des frais de fonctionnement pour couvrir les charges courantes ; les effectifs insuffisants, surtout en personnel technique qualifié ; le nombre insuffisant de brigades d’entretien routier dans certaines provinces démembrées.
Face à cette carence, les Directeurs Provinciaux ont formulé des suggestions concrètes notamment : l’acquisition urgente de nouveaux matériels ; la prise en charge par la Direction Générale des frais liés aux colis de fin d’année et, surtout, des frais de scolarité ; l’instauration de réunions mensuelles par visioconférence pour un partage d’informations en temps réel ; la création d’une commission de suivi des financements FONER, impliquant les DP ; la mise sur pied d’une commission tripartite (DG, DP, Institutions provinciales) pour contrer l’ingérence des gouverneurs dans la gestion des directions provinciales ; établissement d’une commission constituée du DG, Délégation syndicale, DP, pour suivre les contentieux liés au patrimoine immobilier ; ainsi que la régularisation des cotisations CNSS pour garantir les droits sociaux et la retraite des agents.
La Pros.