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5 questions pour comprendre les répercussions, en Afrique, de la crise financière à l’ONU

Par La Prospérité
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À quelques mois de leur 80e anniversaire, les Nations unies frôlent le défaut de paiement. Le plan d’austérité auquel elles doivent s’astreindre va frapper le continent de plein fouet. Explications.

« Nous vivons une période de périls, mais celle-ci est aussi porteuse d’opportunités et d’impératifs. » Dans un briefing aux États membres, le 12 mai, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, est revenu longuement sur la crise financière qui frappe l’institution et sur les mesures d’austérité préconisées pour y faire face. Épidémies, maintien de la paix, protection de l’enfance, malnutrition, justice internationale… De nombreuses activités conduites ou soutenues financièrement par les Nations unies sont concernées, notamment en Afrique.

Quelques jours avant l’intervention de Guterres, Chandru Ramanathan, le contrôleur de l’ONU en charge des questions budgétaires, financières et comptables n’avait pas fait mystère des difficultés rencontrées par l’organisation multilatérale, rappelant que 2,4 milliards de dollars restaient impayés au 30 avril 2025 sur un budget annuel de 3,5 milliards. Il a pointé les fluctuations considérables dans la collecte des recettes mensuelles, rendant difficile l’engagement des fonds à temps pour une mise en œuvre efficace du budget. En avril, le taux de recouvrement était à son niveau le plus bas des sept dernières années, a-t-il encore précisé. Pour éviter le défaut de paiement, l’ONU se voit donc contrainte d’économiser 600 millions de dollars et d’opérer une contraction brutale, probablement irréversible, de ses activités dans le monde.

  1. Pourquoi les caisses de l’ONU sont-elles vides ?

« La crise de liquidités est due à un simple fait : les arriérés », expliquait António Guterres le 12 mai, ajoutant que la réforme structurelle actuellement élaborée par l’organisation ne suffirait pas à pallier l’incapacité de certains États membres à verser, dans les délais impartis, ce qu’ils doivent à l’organisation pour couvrir ses frais de fonctionnement.

Outre le budget ordinaire dédié au fonctionnement du secrétariat général, un certain nombre d’agences, de programmes et de fonds onusiens dépendent de contributions volontaires, lesquelles sont, par nature, imprévisibles et politiquement orientées. Une dépendance qui nourrit la vulnérabilité de l’institution aux crises économiques mondiales, aux changements de priorités géopolitiques et à l’instabilité des donateurs.

D’un côté, les arriérés ; de l’autre, les coupes budgétaires dans l’aide au développement de plusieurs pays, qui atteignent un montant critique aujourd’hui : au 30 avril 2025, les États membres devaient 2,4 milliards de dollars au budget ordinaire de l’organisation et 2,7 milliards de dollars aux opérations de maintien de la paix. En raison du caractère massif des versements tardifs pour l’année 2024, parvenus seulement en décembre, le secrétariat a dû emprunter 607 millions de dollars – un record – et commencer 2025 avec un déficit de 135 millions de dollars. Les recettes du premier trimestre 2025 étant les plus faibles depuis sept ans, le secrétariat a donc gelé les recrutements et réduit ses dépenses d’environ 600 millions de dollars, ce qui le contraint à fonctionner à 83 % du budget voté.

En matière de contributions volontaires, les financements se contractent : les États-Unis ont ainsi annulé 335 millions de dollars promis au Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), et le secrétaire général signale d’autres coupes, de moindre ampleur, émanant d’autres donateurs.

  • Quels pays en sont responsables ?

Sur 2,4 milliards de dollars de contributions impayées dans le cadre du budget ordinaire pour 2025, les États-Unis doivent près de 1,5 milliard de dollars. C’est ce qui a fait dire à l’Irak, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, qu’un seul État membre était actuellement responsable de plus de la moitié de tous les arriérés.

Au rang des mauvais payeurs, il convient d’ajouter la Chine (597 millions d’arriérés) ; la Russie (72 millions) ; l’Arabie saoudite (42 millions) ; le Mexique (38 millions) et le Venezuela (38 millions également). Par ailleurs, 137 millions de dollars doivent encore être versés par d’autres États membres. À l’inverse, au 30 avril, 101 États avaient réglé intégralement leur contribution ordinaire pour 2025.

  • Quelles sont les activités les plus touchées

Les missions de maintien de la paix ne disposent que de 83 % de leurs crédits. Du Sahara occidental au Soudan du Sud, en passant par la Centrafrique ou la RDC, les remboursements liés à l’équipement des contingents n’ont pas été décaissés faute de liquidités – ils devraient l’être en juin. Le montant total des contributions impayées aux opérations de maintien de la paix s’élève actuellement à 2,7 milliards de dollars. Pour les tribunaux internationaux, il est de 79 millions de dollars.

« Les coupes budgétaires ont déjà des conséquences fatales pour des millions de vies », Filipo Grandi.

En matière de santé maternelle, de protection contre les violences sexuelles et de soins d’urgence, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a fait savoir que la perte des financements américains depuis le démantèlement de l’USAID menaçait 40 programmes d’urgence dans plus de 25 pays en crise dont la RDC, l’Éthiopie, le Soudan, le Tchad ou le Mali. En avril, une enquête d’ONU-Femmes montrait par ailleurs que 90 % des ONG dédiées à cette cause avaient déjà perdu des financements et que 47 % d’entre elles pourraient fermer d’ici à six mois. Selon le Haut-Commissaire pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, les coupes budgétaires « ont déjà des conséquences fatales pour des millions de vies ».

  • Quelles sont les conséquences pour l’Afrique ?

Le continent est largement concerné par cette situation puisque la plupart des agences et programmes touchés y jouent un rôle décisif, qu’il s’agisse du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), du Programme alimentaire mondial (PAM), du HCR, de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) ou encore de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Selon Tom Fletcher, le chef des opérations humanitaires de l’ONU, Ocha va ainsi « réduire sa présence et ses opérations » au Cameroun, en Érythrée, au Nigeria et au Zimbabwe. « Nous croyons passionnément en notre travail, mais nous ne pouvons pas continuer à tout faire », a-t-il déploré, décrivant un déficit de financement de près de 60 millions de dollars pour Ocha en 2025. Le HCR, qui employait près de 20 000 personnes en 2024, s’attend également à « une réduction significative » de ses effectifs, à cause de la disparition de la manne américaine.

Lors de la plénière du 19 mai, l’Algérie, le Mozambique et le Kenya ont exigé que les réformes à venir « renforcent et non affaiblissent » l’action de l’ONU en Afrique.

  • Quelles sont les mesures envisagées pour éviter le défaut de paiement ?

« La seule solution durable à la crise de liquidités de l’ONU serait que tous les États membres s’acquittent de leurs contributions en temps voulu et en totalité », a indiqué António Guterres, rappelant que les retards de paiement compromettent la mise en œuvre des mandats et font peser une charge disproportionnée sur les États qui respectent leurs engagements.

En juillet 2025, le secrétariat soumettra le projet de budget 2026, recensant les réformes censées permettre des économies substantielles et rapides. Des changements structurels – tels que d’éventuelles fusions entre agences ou un redéploiement géographique des postes – seront proposés dans le cadre du budget 2027, après son examen par les instances en charge des questions budgétaires.

D’après un mémorandum interne dont le contenu a été révélé par Reuters, le secrétariat s’attelle à une contraction d’environ 20 % de son budget et à une réduction de ses effectifs portant sur près de 7 000 employés. Ces mesures d’austérité devront être détaillées avant le 13 juin.

À ce stade, les réformes envisagées s’articulent autour de la relocalisation de certaines équipes vers des sites moins onéreux, l’objectif étant de réduire d’environ 20 % les effectifs des deux grands départements relatifs à la paix et à la sécurité, ou de supprimer les doublons dans l’exécution des quelque 3 600 mandats confiés au secrétariat. D’autre part, une réorganisation structurelle plus profonde sera conduite en ce qui concerne le développement, l’action humanitaire, les droits humains, la formation et la recherche, et les agences spécialisées.

Présidée par le secrétaire général adjoint aux politiques, Guy Ryder, la Task Force UN80 coordonne cet effort de transformation tandis qu’en parallèle, un groupe de travail dirigé par la secrétaire générale adjointe, Catherine Pollard, est chargé de concevoir un nouveau modèle économique, qui sera soumis à l’examen des États membres.

De Jeune-Afrique

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