Ce vendredi 6 juin 2025, pour la toute première fois depuis sa création en 2011, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) s’est présenté devant la représentation nationale pour son grand oral. Quatorze ans après, l’institution chargée de veiller à la liberté et à l’éthique dans le paysage médiatique congolais a, enfin, eu l’occasion de présenter son rapport annuel, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée Nationale. Cette audition s’est transformée en une véritable tribune, un cri du cœur lancé par son président, Christian Bosembe.
Face aux élus du peuple, Christian Bosembe a dressé un portrait sans concession de son institution. Il a dépeint un CSAC affaibli, presque paralysé par des moyens financiers dérisoires qui l’empêchent d’accomplir pleinement sa mission. Ce constat est d’une gravité exceptionnelle dans le contexte que traverse la République Démocratique du Congo. Alors que le pays est engagé dans une guerre existentielle à ses frontières orientales, une autre bataille, plus insidieuse, fait rage, celle de l’information.
‘’La désinformation est une arme de guerre de l’ennemi’’, a martelé en substance le président du CSAC. Ses mots ont résonné dans l’hémicycle, soulignant un paradoxe saisissant : l’État mobilise des ressources colossales pour l’effort de guerre, mais son principal bouclier contre la propagande et les fausses nouvelles, le CSAC, se retrouve démuni. Comment réguler efficacement un espace médiatique et numérique en constante expansion, surveiller les contenus haineux et protéger les citoyens de la manipulation sans les outils et les fonds nécessaires ? La question, laissée en suspens, a pesé lourdement sur la suite des débats.
Fait notable, bien que le règlement intérieur prévoit un examen en commission, le Bureau de l’Assemblée Nationale a jugé la situation suffisamment importante pour autoriser un débat général en plénière. Cet échange a permis de mesurer à quel point le rôle du CSAC est au centre des préoccupations, bien que perçu différemment. Plusieurs élus ont saisi l’occasion pour critiquer certaines décisions jugées partiales, illustrant la ligne de crête sur laquelle marche l’institution, entre son devoir de régulation et les accusations d’instrumentalisation politique.
L’intervention du CSAC, aussi poignante fût-elle, s’est déroulée dans une plénière dont la priorité était ailleurs. Le deuxième point à l’ordre du jour était en effet l’adoption de la loi de finances rectificative. Présenté par la Commission ECOFIN, ce « budget de combat » a été adopté à une majorité écrasante pour réorienter les finances de l’État vers les impératifs de défense.
Cette adoption massive, bien que nécessaire, a involontairement mis en lumière la tragédie du CSAC. Pendant que la Nation se serrait la ceinture pour armer ses soldats, l’institution censée mener la guerre cognitive semblait être la grande oubliée des arbitrages budgétaires. Les recommandations formulées par la commission de Guy Mafuta pour maximiser les recettes de l’État pourraient, à terme, bénéficier à toutes les institutions.
Ce premier rapport historique aura eu le mérite de mettre le doigt sur une faille stratégique majeure. En quittant l’hémicycle, le CSAC a laissé aux Députés une responsabilité immense, celle de reconnaître que dans une guerre moderne, la bataille des récits est aussi décisive que celle qui se joue sur le champ de bataille.
La Pros.