Dans une lettre ouverte publiée dans la soirée du 16 juillet 2025, et adressée au Président de la République, Chef de l’Etat Félix Tshisekedi, l’opposant congolais Moïse Katumbi critique avec véhémence le projet de sponsoring de clubs européens, dont le tout récent est celui avec le FC Barcelone. Il estime qu’il constitue « une décision irresponsable et moralement inacceptable », dans le contexte actuel du pays. Ci-dessous, la lettre publiée dans son intégralité.
Lettre ouverte au Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo
Objet : Sponsoring de clubs européens – un affront aux souffrances du peuple congolais
Monsieur le Président,
Le projet de sponsoring de clubs européens – pour un montant d’au moins 43 millions de dollars – constitue une décision irresponsable et moralement inacceptable, dans le contexte actuel de notre pays.
Alors que plus de 7 millions de Congolais sont déplacés internes, condamnés à vivre dans des camps insalubres et abandonnés de l’État, et que 25 millions de compatriotes souffrent de la faim, l’annonce de ce projet sonne comme une provocation. Dans ces camps, des familles entières survivent sans eau, sans soins, sans école, sous des bâches en lambeaux. En République Démocratique du Congo, l’urgence est humanitaire, pas médiatique.
Pendant que vous projetez d’inscrire le nom du Congo sur des maillots européens, nos enfants meurent de faim, nos soldats défendent la nation pour moins de 5 dollars par jour, nos écoles tombent en ruine, et la majorité de la population n’a pas accès à l’eau potable. 65 % des Congolais vivent sans ce bien vital. 80 % sont privés d’installations sanitaires décentes. Le pays s’effondre, et vous vous offrez des campagnes de visibilité à l’étranger.
Ce projet de sponsoring – non inscrit dans le budget national, non débattu, non transparent – manque cruellement de légitimité démocratique. Il incarne le mépris de la réalité sociale, le décalage criant entre les priorités de ceux qui gouvernent et les besoins de ceux qui subissent.
Le football congolais est sinistré. On débloque des millions de dollars pour sponsoriser des clubs européens richissimes, alors qu’on est incapable de réunir 600 000 dollars pour finir notre propre championnat de football. Faut-il rappeler que le championnat s’est arrêté en cours de route, faute de budget. Les joueurs sont livrés à eux-mêmes, les stades tombent en ruine, et presque aucun n’est aux normes pour accueillir une compétition internationale. Des clubs historiques comme Sanga Balende n’ont même plus les moyens de transporter leurs joueurs.
Pendant ce temps, on signe des contrats avec des clubs étrangers où même les remplaçants gagnent plus qu’un ministre congolais. Mais visiblement, voir le nom du Congo sur un short en Europe vaut plus que sauver notre football à l’agonie. Un père digne de ce nom peut-il nourrir les enfants des autres pendant que les siens ont le ventre vide ?
On parle sans relâche de « priorité nationale », mais les faits racontent une autre histoire : le pays est sacrifié sur l’autel de l’image, du paraître et du tape-à-l’œil international. À ce niveau de déconnexion, ce n’est plus de la politique, c’est du fétichisme publicitaire financé par le Trésor public. Pendant que nos jeunes footballeurs s’imposent, seuls, dans les plus grands championnats du monde, ici à Kinshasa, on préfère s’acheter une vitrine étrangère plutôt que de construire une base locale solide. Le talent congolais triomphe à l’étranger, mais chez nous, on ne trouve pas de quoi financer un championnat complet. Ce n’est plus de la gouvernance, c’est un complexe d’infériorité érigé en politique d’État.
Monsieur le Président,
La gouvernance ne se mesure pas à la grandeur des ambitions publicitaires, mais à la capacité à soulager la souffrance, à reconstruire l’école, à soigner les malades, à garantir la dignité du citoyen.
L’argent du peuple doit servir le peuple. Chaque franc dilapidé à l’étranger est un plat vide pour un enfant, une route non réparée, un lit d’hôpital sans matelas, un enseignant non payé.
Nous vous invitons solennellement à reconsidérer cette décision. Le Congo n’a pas besoin de publicité hors sol. Il a besoin de solutions concrètes, de politiques publiques responsables, de justice sociale. Le peuple congolais attend autre chose que des campagnes d’image : il attend du pain, de l’eau, des soins, une école, la paix.
En conscience et en responsabilité, choisissez le peuple.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre vigilance citoyenne.
Washington – Le 16 juillet 2025