(Par Jonas Tshiombela, Avocat du Peuple)
Kinshasa, 28 juillet 2025. La signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington, suivie de la Déclaration de principes à Doha avec l’AFC-M23, marque un tournant géopolitique majeur dans la recherche d’une solution durable aux conflits récurrents de la région des Grands Lacs. Mais la vraie paix ne saurait être décrétée par la plume diplomatique seule ; elle se construit dans la confrontation honnête des vérités enfouies et dans le courage du dialogue inclusif. « On ne guérit pas une plaie en la recouvrant d’un pansement sale ». Proverbe bantou
Un signal fort a été donné : la levée de l’embargo sur les armes en RDC, la reconnaissance de l’implication du Rwanda dans l’instabilité de l’Est congolais, l’implication diplomatique des États-Unis, du Qatar et des acteurs régionaux. Mais cette dynamique doit aller plus loin. Deux piliers sont aujourd’hui incontournables pour consolider la paix : le dialogue inter-rwandais, et le dialogue inter-congolais.
1. Le dialogue inter-rwandais : une urgence pour la stabilité régionale
Si le Rwanda continue de jouer un rôle ambivalent dans les conflits congolais à travers ses alliances avec certains groupes armés, c’est aussi parce qu’il est lui-même miné par un conflit politique interne non résolu. Il devient donc impératif de convoquer un dialogue inter-rwandais véritable, sous médiation internationale, incluant :
– Le régime de Kigali
– L’opposition politique en exil
– La société civile rwandaise indépendante
– Et surtout, l’opposition armée rwandaise, notamment les groupes armés comme le FDLR, le RNC et autres mouvements insurgés qui opèrent parfois depuis les forêts congolaises. « Lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre ». Proverbe kinyarwanda
Tant que le Rwanda ne réconcilie pas ses fils, la paix dans la région ne sera qu’un mirage. Doha et Washington, désormais coresponsables du processus de paix régional, doivent élargir leur champ d’action et exiger une ouverture politique au sein même du Rwanda.
2. Un dialogue inter-congolais inclusif et structurant : impératif de souveraineté
La RDC ne peut non plus éviter sa propre introspection. Le mal congolais n’est pas seulement venu de l’extérieur, il a prospéré sur l’échec de notre propre gouvernance, de notre justice et de notre cohésion nationale. Il est temps de lancer un dialogue inter-congolais structuré, avec les axes suivants :
– Intégration des groupes armés nationaux non signataires de l’accord de Doha
– Ouverture à l’opposition politique intérieure et en exil
– Participation pleine et entière des Églises, des chefs coutumiers, des femmes, des jeunes et de la société civile indépendante.
« Une seule main ne peut attacher un paquet ». Proverbe congolais
Ce dialogue devrait aboutir à :
– La création d’un Mécanisme National de Vérité, Justice, Réparations et Réconciliation
– La nomination d’un Médiateur de la République
– Et la mise en place d’un agenda politique consensuel
3. Des pistes stratégiques innovantes à concrétiser
– Institutionnaliser un Haut Conseil pour la Paix et la Réconciliation
– Créer un Fonds National de Réparation pour les Victimes
– Nommer un Envoyé spécial pour la Paix, le Dialogue et la Réconciliation
– Intégrer les commissions vérité-réconciliation dans les programmes scolaires et communautaires
« Un arbre seul ne fait pas la forêt ». Proverbe africain
Bref, Reconstruire sur la vérité, pas sur le silence Washington et Doha ont ouvert une brèche historique. Mais aucune paix durable ne se construit sur l’omission des causes profondes du conflit. Le dialogue inter-rwandais incluant l’opposition armée est un préalable à la sécurisation durable de l’Est. Le dialogue inter-congolais est un impératif pour refonder le contrat social congolais. « Celui qui cache la vérité entretient le mal ». Proverbe wolof
«La parole est une médecine quand elle vient du cœur ». Proverbe swahiliphone.
La paix ne se résume pas à un cessez-le-feu. Elle se vit dans la justice, la mémoire et la réconciliation. Elle exige du courage, de l’écoute, et de la vérité. C’est à ce prix que la RDC et la région des Grands Lacs retrouveront leur dignité.